Tribunal administratif de Lyon – Ordonnance n°2002621 du 11 avril 2020 – Référé-liberté – La mesure d’assistance éducative du juge des enfants n’a pas été matérialisée compte tenu de l’état d’urgence sanitaire – L’intéressé est isolé, présente des documents d’état civil dont l’authenticité n’est pas contestée et il ne résulte pas de l’instruction que le juge des enfants ne se serait pas prononcé en faveur d’une mesure de protection – Il est enjoint à la Métropole de Lyon de proposer un hébergement d’urgence à l’intéressé

Résumé :

Un mineur isolé ressortissant ivoirien est confié à l’aide sociale à l’enfance sur décision du juge des enfants ; décision qui, compte tenu de l’état d’urgence sanitaire, n’a pas été matérialisée, alors que le juge des enfants a annoncé au conseil du requérant, au cours de l’audience, qu’elle ordonnait son placement. La Métropole de Lyon a été saisie de la situation et allègue n’avoir aucune solution à proposer.

Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), rappelle que, s’agissant d’un refus du département à une personne se déclarant mineure du bénéfice de l’accueil provisoire d’urgence et de l’évaluation, la contestation de cette décision relève de la juridiction administrative sans pour autant amener le juge à statuer sur la question de la saisine de l’autorité judiciaire ou sur celle de l’admission de l’intéressé à l’ASE. Au regard de la situation de M. qui vit à la rue, dans des conditions difficiles, sans abri ni ressources et sans possibilité de répondre à l’obligation de confinement, la condition d’urgence est remplie. Par ailleurs, le tribunal relève que M. est isolé sur le territoire, qu’il présente des documents d’état civil dont l’authenticité n’est pas contestée (présomption d’authenticité art. 47 code civil) et qu’il ne résulte pas de l’instruction que le juge des enfants ne se serait pas prononcé en faveur d’une mesure permettant sa protection. Ainsi, la décision de la Métropole révèle une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

La décision de la Métropole de Lyon est suspendue jusqu’à ce que le juge des enfants ait statué et il est enjoint à la Métropole de proposer un hébergement d’urgence à l’intéressé sous 48h.

Extraits :

« […].

S’agissant de l’urgence :

7. M. X indique sans être contredit qu’il vit dans la rue, dans des conditions difficiles, sans abri ni ressource et sans possibilité de répondre à l’obligation de confinement imposée par les directives gouvernementales. Ainsi, dès lors que l’intéressé se trouve dans une situation de grande détresse et de vulnérabilité extrême l’empêchant en outre de se protéger de l’épidémie actuelle de Covid-19, il y a lieu de considérer que la condition d’urgence requise par l’article L. 521-2 du code de justice administrative est remplie.

[…].

S’agissant de l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :

11. Il résulte de l’instruction que M. X, sans détenteur de l’autorité parentale sur le territoire français, qui déclare être né le 19 mai 2004 a provisoirement été pris en charge par le centre de mise à l’abri et d’évaluation de Forum Réfugiés (CMAE) puis a fait l’objet, le 31 décembre 2019, d’une évaluation dont il ressort que « l’ensemble des éléments recueillis à cette étape (état civil) de l’entretien permet de confirmer l’âge allégué ». Si lors de la suite de l’entretien d’évaluation des doutes ont été émis quant à la véracité des propos de l’intéressé, ils portent essentiellement sur la composition de sa famille et son parcours migratoire. En outre, il ne résulte d’aucun élément de l’instruction que le certificat de nationalité ivoirienne et l’extrait d’acte de naissance versés au débat, qui ne sont pas contestés par la Métropole de Lyon dans ses écritures en défense et qui contredisent l’appréciation portée tant par le CMAE que par les services de la Métropole de Lyon, seraient irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondraient pas à la réalité. Enfin, il ne résulte pas de l’instruction qu’ainsi qu’en fait état le conseil du requérant, le juge des enfants du tribunal judiciaire de Lyon ne se serait pas prononcé, le 16 mars 2020, en faveur d’une mesure permettant sa protection.

12. Dans ces conditions, en l’état de l’instruction, la décision du président de la Métropole de Lyon refusant de prendre en charge l’hébergement de M. X pour lequel la Métropole n’allègue pas n’avoir aucune solution à proposer, révèle une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

[...]. »

Ordonnance disponible au format pdf ci-dessous :

TA_11042020_n°2002621
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