Résumé :
Un mineur isolé ressortissant malien disposant de documents d’état civil évalué mineur dans un premier département et confié, par une ordonnance de placement du procureur de la République, au département du Rhône, fait l’objet d’une nouvelle évaluation par le département qui saisit le Procureur territorialement compétent pour mainlevée du placement provisoire. L’intéressé a saisi le juge des enfants, ainsi que les services d’évaluation et d’accompagnement du conseil départemental afin d’obtenir sa mise à l’abri d’urgence.
Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), retient qu’il ne résulte d’aucun élément de l’instruction et notamment pas des arguments du département en défense tenant à l’apparence physique de majorité de l’intéressé et aux incohérences dans le récit de son parcours pour parvenir en France, que le jugement supplétif et l’extrait d’acte de naissance versés au débat, qui contredisent la seconde appréciation portée par le service de l’aide sociale à l’enfance sur la minorité de M. mais confirment l’appréciation initiale, seraient irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondraient pas à la réalité. C’est en ce sens que le tribunal administratif considère que la décision du président du conseil départemental du Rhône refusant de prendre en charge l’hébergement de M. révèle une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
Le conseil départemental est alors enjoint de proposer un hébergement d’urgence au requérant et de prendre en charge ses besoins alimentaires quotidiens essentiels, dans un délai de 48h à compter de la notification de la présente ordonnance, dans l’attente de la décision du juge des enfants saisi par l’intéressé.
Extraits :
« […].
En ce qui concerne la condition d’urgence :
« 3. M. indique sans être contredit qu’il vit dans la rue, dans des conditions difficiles, sans abri ni ressource et sans possibilité de répondre à l’obligation de confinement imposée par les directives gouvernementales. Ainsi dès lors que l’intéressé se trouve dans une situation de grande détresse et de vulnérabilité extrême l’empêchant en outre de se protéger de l’épidémie actuelle de Covid 19, il y a lieu de considérer que la condition d’urgence requise par l’article L. 521-2 du code de justice administrative est remplie.
[...].
S’agissant de l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :
8. Il est constant que M. a communiqué aux services du conseil départemental des Alpes de Haute-Provence, le jugement supplétif et les extraits d’acte de naissance qui, permettant de justifier de son identité, ont conduits le BEAS puis le Procureur de la République du tribunal de grande instance de Digne-Les-Bains, à le confier aux services de l’aide sociale à l’enfance. Si le département du Rhône fait valoir qu’il n’a jamais eu connaissance des actes en cause, il lui incombait d’en prendre connaissance, lesdits actes ayant été ou pouvant être mis à sa disposition, sur sa demande. Si par ailleurs, le département du Rhône fait état de ce qu’alors que le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Villefranche-sur Saône a décidé, le 17 décembre 2019, suivant le rapport d’évaluation réalisée par le BEAS du département du Rhône, le 7 novembre 2019, que la minorité de M. n’était pas établie et qu’il ne pouvait ainsi plus bénéficier des dispositions spécifiques de protection, ce dernier n’aurait jamais contesté les décisions en cause, il résulte de l’instruction que le 2 janvier et le 16 mars 2020, le juge des enfants était saisi afin qu’il ordonne, en application des articles 375 et suivants du code civil, une mesure de protection et que l’intéressé soit confié au service de l’aide sociale à l’enfance. Enfin, il ne résulte d’aucun élément de l’instruction et notamment pas des arguments du département en défense tenant à l’apparence physique de majorité de l’intéressé ou aux incohérences dans le récit de son parcours pour parvenir en France, que le jugement supplétif et l’extrait d’acte de naissance versés au débat, qui contredisent la seconde appréciation portée par le service de l’aide sociale à l’enfance sur la minorité de M. mais confirment l’appréciation initiale, seraient irréguliers, falsifiés ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondraient pas à la réalité.
9. Dans ces conditions, en l’état de l’instruction, la décision du président du conseil départemental du Rhône du 7 novembre 2019 refusant de prendre en charge l’hébergement de M. pour lequel le conseil départemental n’allègue pas n’avoir aucune solution à proposer, révèle une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
[...]. »
Ordonnance disponible en format pdf ci-dessous :