Tribunal administratif de Paris – Ordonnance n° 2006223/9 du 15 avril 2020 – Référé-liberté – Compte tenu de la protection particulière à laquelle l’intéressé pourrait prétendre dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et de la circonstance que le juge des enfants ne se prononcera pas à une date prochaine, le refus de la Ville de Paris de prendre en charge l’intéressé constitue une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale

Résumé :

Un MIE malien disposant de documents d’état civil fait l’objet d’un refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance aux motifs que la maturité de ce dernier, son comportement, ses imprécisions concernant son parcours migratoire et les conditions de son arrivée devant le DEMIE et ses documents d’état-civil, ne permettaient d’admettre ni sa minorité
ni son isolement. Il saisit le tribunal pour enfants dont l’audience a été reportée à une date indéterminée compte tenu de l’état d’urgence sanitaire.

Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), retient que la Ville de Paris n’a pas procédé aux vérifications qu’elle aurait dû effectuer, dès lors qu’elle considérait que ces documents d’état civil ne pouvaient être rattachés à l’intéressé. Par ailleurs, la Ville de Paris ne conteste pas sérieusement que le requérant est seul, sans famille connue, dépourvu de ressources et sans hébergement. Compte tenu de la protection particulière à laquelle l’intéressé pourrait prétendre dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et de la circonstance que le juge des enfants ne se prononcera pas à une date prochaine, le tribunal administratif considère que le refus de la Ville de Paris de prendre en charge l’intéressé constitue une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

La Ville de Paris est alors enjointe de prendre en charge hébergement du requérant dans une structure agréée protection de l’enfance, adaptée à son âge et à la prévention des risques de propagation du COVID-19 et assurer ses besoins alimentaires, sanitaires et médicaux jusqu’à ce que l’autorité judiciaire se prononce définitivement sur la question relative à sa minorité.

Extraits :

« […].

8. M. indique sans être contredit qu’il vit dans la rue, sans être à même de pourvoir à ses besoins essentiels d’alimentation, d’hébergement, d’hygiène, et sans possibilité de répondre à l’obligation de confinement imposée par le Gouvernement. Il n’est pas davantage contesté que M. est isolé et sans représentant légal en France. Il a produit des documents d’état civil constitués d’un acte de naissance, de deux extraits d’acte de naissance et d’un jugement supplétif du tribunal civil de Bamako en date du 5 juin 2018, transcrit sur le registre de la municipalité de Bamako pour l’année 2003 et mentionnant comme date de naissance le 30 mars 2003. Il n’apparaît pas que la Ville de Paris ait procédé aux vérifications qu’elle aurait dû effectuer, dès lors qu’elle considérait que ces documents d’état-civil ne pouvaient être « rattachés » à l’intéressé. En outre, elle n’établit ni même n’allègue que la prise en charge de M. excéderait ses capacités. Ainsi, compte tenu de la protection particulière à laquelle M. pourrait prétendre dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, et alors qu’il est constant que le juge des enfants ne se prononcera pas à une date prochaine, il y a lieu de considérer que la Ville de Paris, en refusant à M. de le prendre en charge, a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Dès lors que l’intéressé se trouve dans une situation de grande vulnérabilité, il y a lieu de considérer que la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-2 du code de justice administrative est remplie.

[...]. »

Ordonnance disponible en format pdf ci-dessous :

TA Paris – Ordonnance n° 2006223/9 du 15 avril 2020
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