Résumé :
Par jugement en assistance éducative du tribunal pour enfants de Nantes, un mineur isolé ivoirien disposant de documents d’état civil ayant fait l’objet d’une analyse favorable par la police aux frontières est confié à l’aide sociale à l’enfance du Morbihan. Le Conseil départemental du Morbihan demande la mainlevée du placement au motif d’une consultation du fichier VISABIO et met fin à la prise en charge du mineur sans attendre la décision du juge des enfants.
Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), retient que le département qui n’établit, ni même n’allègue que la prise en charge du mineur excéderait ses capacités et refuse de prendre en charge ce dernier au motif de sa majorité, et alors que le juge des enfants ne s’est pas encore prononcé sur la mainlevée du placement notifié à l’aide sociale à l’enfance, a commis une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale
Le département est alors enjoint de prendre en charge le mineur sous 48h dans une structure agréée, adaptée à son âge et à la prévention des risques de propagation du Covid-19 et d’assurer ses besoins alimentaires, sanitaires et médicaux.
Extraits :
« […].
En ce qui concerne l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :
8. Pour refuser de prendre en charge M. , le département du Morbihan remet en cause sa minorité en se fondant sur la consultation, le 21 novembre 2019, de la base de données
Visabio, laquelle a révélé que l’intéressé était connu sous la même identité avec une date de naissance le 26 juillet 2000. Toutefois, il résulte de l’instruction que les actes civils en possession de l’intéressé à son arrivée en France ont été analysés par le service en fraude documentaire de la police aux frontières, lequel a émis, le 24 octobre 2017, un avis favorable quant à l’authenticité de ces documents. En outre, l’évaluation sociale réalisée par le département de la Loire Atlantique le 7 novembre 2017 a conclu que les éléments recueillis lors de l’évaluation d’entretien plaidaient en faveur de la minorité et de l’isolement de M. sur le territoire. Dans ces conditions, en l’état de l’instruction, la décision du département du Morbihan, qui au demeurant n’établit ni même n’allègue que la prise en charge de M. excéderait ses capacités, refusant de prendre en charge ce dernier au motif de sa majorité, et alors que le juge des enfants ne s’est pas encore prononcé sur la mainlevée du placement notifié à l’aide sociale à l’enfance, révèle une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
[...].
Sur la condition d’urgence :
9. M. indique sans être contesté qu’il vit dans la rue, sans être à même de pourvoir à ses besoins essentiels d’alimentation, d’hébergement, d’hygiène, et sans possibilité de répondre à l’obligation de confinement imposée par le Gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Il n’est pas davantage contesté que M. est isolé et sans représentant légal en France. Dès lors que l’intéressé se trouve dans une situation de grande vulnérabilité, il y a lieu de considérer que la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-2 du code de justice administrative est remplie.
[...]. »
Ordonnance disponible en format pdf ci-dessous :