Résumé :
Un mineur isolé étranger malien fait l’objet d’un refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance et saisit, muni de documents d’état civil, le juge des enfants. Il vit dans la rue, dans des conditions difficiles, dépourvu de ressources et sans possibilité de satisfaire à l’obligation de confinement généralisé.
Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), retient que les documents d’état civil déposés au greffe ne pourront pas faire l’objet de vérification dans le contexte sanitaire actuel. Par ailleurs, la Ville de Paris ne conteste pas sérieusement que le requérant est seul, sans famille connue, dépourvu de ressources et sans hébergement. Compte tenu de la situation d’urgence sanitaire nécessitant un confinement généralisé des personnes et de la saisine pendante du tribunal pour enfants de Paris, le tribunal administratif considère que le refus de la Ville de Paris de prendre en charge l’hébergement de l’intéressé constitue une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
La Ville de Paris est alors enjointe de proposer un hébergement sous 48 heures, dans une structure agréée protection de l’enfance, adaptée à son âge et à la prévention des risques de propagation du COVID-19 et assurer ses besoins alimentaires, sanitaires et médicaux jusqu’à ce que l’autorité judiciaire se prononce définitivement sur la question relative à sa minorité.
Voir dans le même sens : Tribunal administratif de Paris – Ordonnance n°2006406/9 du 20 avril 2020
Extraits :
« […].
En ce qui concerne la condition d’urgence :
3. M. indique sans être contredit qu’il vit dans la rue, dans des conditions difficiles, sans abri ni ressources et sans possibilité de satisfaire à l’obligation de confinement posée par les dispositions de l’article 3 du décret 2020-293 du 23 mars 2020. Ainsi, dès lors que l’intéressé se trouve dans une situation de grande détresse et de vulnérabilité extrême l’empêchant en outre de se protéger de l’épidémie actuelle de Covid 19, il y a lieu de considérer que la condition d’urgence requise par l’article L. 521-2 du code de justice administrative est remplie.
[...].
En ce qui concerne l’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :
9. Il résulte de l’instruction que M. détient des documents d’état civil constitués d’un acte de naissance et d’un jugement supplétif d’acte de naissance qu’il a déposés au greffe du tribunal pour enfants de Paris le 19 décembre 2019 indiquant une date de naissance au 25 septembre 2003, portant l’âge présumé du requérant à 16 ans et 6 mois à la date de la présente ordonnance. Il n’est cependant pas sérieusement contesté par la Ville de paris, qui n’établit ni même n’allègue que la prise en charge de de M. excéderait ses capacités, que le requérant est seul, sans famille connue, dépourvu de ressources et sans hébergement. Dans les circonstances de l’espèce, eu égard d’une part à la situation d’urgence sanitaire nécessitant un confinement généralisé des personnes se trouvant sur le territoire français pour assurer la protection générale de la population et d’autre part la saisine pendante d’un juge du tribunal des enfants de Paris, dont la vice-présidente a indiqué dans une pièce datée du 8 avril 2020 versée aux débats que le tribunal n’est plus en mesure dans le contexte actuel de solliciter des examens de papiers et d’âge physiologique et d’instruire dans des conditions habituelles les dossiers, il y a lieu de considérer que la Ville de Paris en refusant un hébergement à M. , a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
[...]. »
Ordonnance disponible en format pdf ci-dessous :