Résumé :
Un mineur isolé ressortissant malien, disposant de documents d’état civil, fait l’objet d’un refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance par le conseil départemental. L’intéressé, isolé et sans représentant légal en France produit à l’instance un extrait d’acte de naissance ainsi qu’une copie d’un jugement supplétif, lesquels sont présumés valides en application du premier alinéa de l’article L. 111-6 CESEDA.
Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), retient qu’en refusant de prendre en charge l’intéressé, alors que la situation d’urgence sanitaire nécessite un confinement généralisé des personnes se trouvant sur le territoire français et qu’il ne peut être prouvé que la prise en charge de l’intéressé excéderait les capacités d’accueil de l’ASE, le département a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
La département des Hauts-de-Seine est alors enjoint de prendre en charge le mineur dans une structure agréée, adaptée à son âge et à la prévention des risques de propagation de covid-19 et assurer ses besoins alimentaires, sanitaires et médicaux jusqu’à ce que l’autorité judiciaire se prononce sur la minorité de l’intéressé.
Extraits :
« […].
Sur la condition d’urgence :
6. Si le département des Hauts-de-Seine fait valoir en défense que M. reconnaît dans ses écritures être hébergé par l’association Réseau éducation sans frontière (RESF) depuis le 29 février 2020, il ressort seulement des mentions de la requête que cette association assure une domiciliation postale de M. « pour les besoins de la procédure » mais ne contribue aucunement à son hébergement. En outre, si le département indique qu’il existe des solutions d’hébergement d’urgence, il n’établit pas pour autant que le requérant disposerait effectivement d’une telle solution d’hébergement. Enfin, si le département fait valoir que M. n’a pas contesté la décision de fin de prise en charge du 7 février 2020 et a introduit la présente requête en référé plus de deux mois après cette décision, ces éléments ne sont pas pour autant suffisants à démontrer l’absence d’urgence au sens des dispositions précitées de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, alors d’une part, que M. a saisi dès le 29 février 2020 le tribunal pour enfants de Nanterre sur le fondement de l’article 375-5 du code civil à l’effet de bénéficier d’une mesure d’assistance éducative et d’autre part, que l’urgence est principalement caractérisée par la situation de précarité et de vulnérabilité particulière de M.
7. Dans ces conditions, compte tenu de la situation de particulière vulnérabilité de M. l’empêchant en outre de se protéger de l’épidémie actuelle de Covid 19, il y a lieu de considérer que la condition d’urgence requise par l’article L. 521-2 du code de justice administrative est remplie.
[…].
Sur l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale :
11. Il résulte de l’instruction que M. ne dispose d’aucune solution d’hébergement, ni de la possibilité de pourvoir à ses besoins essentiels d’alimentation, d’hébergement, d’hygiène, et ne peut dans ces conditions satisfaire à l’obligation de confinement imposée par le Gouvernement. En outre, M. isolé et sans représentant légal en France produit à l’instance un extrait d’acte de naissance ainsi qu’une copie d’un jugement supplétif du tribunal de grande instance de Bamako en date du 24 septembre 2019 mentionnant comme date de naissance le 18 mars 2004, lesquels en dépit des soupçons sur leur authenticité, sont présumés valides en application du premier alinéa de l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
12. Dans les circonstances particulières de l’espèce, eu égard d’une part, à la situation d’urgence sanitaire nécessitant un confinement généralisé des personnes se trouvant sur le territoire français pour assurer la protection générale de la population, et d’autre part, à l’absence de preuve que la prise en charge de M. excéderait les capacités d’accueil de l’aide sociale à l’enfance du département des Hauts-de-Seine, il y a lieu de considérer que la carence du département des Hauts-de-Seine dans l’accomplissement de sa mission définie à l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
[…]. »
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