Tribunal administratif de Rennes – Jugement n°1905422 et 20000050 du 06 avril 2020 – Annulation du refus du renouvellement d’un titre de séjour – Le préfet a commis une erreur de droit en se fondant principalement sur les données issues du fichier Visabio pour contester l’authenticité de l’ensemble des documents d’état civil, alors que les données consultées auraient dû être supprimées conformément aux dispositions de l’article R. 611-11 du CESEDA – Rien n’indique que les maliens nés avant 2006 aient tous pu obtenir un numéro d’identification NINA

Résumé :

Afin d’établir le caractère frauduleux des actes d’état civils produits par M., le Préfet du Finistère a fait procéder à la comparaison des empreintes de l’intéressé à celles renseignées dans le Fichier VISABIO. Or, à la date à laquelle le préfet du Finistère a consulté le fichier Visabio, les données consultées devaient avoir été supprimées puisqu’il résulte des dispositions de l’article R. 611-11 du CESEDA que la durée de conservation de ces données est de cinq ans à compter de leur inscription. Dans ces conditions, le Préfet du Finistère ne pouvait se fonder sur de tels éléments pour refuser un titre de séjour à M. et a donc commis une erreur de droit en se fondant principalement sur les données issues du fichier Visabio pour contester l’authenticité de l’ensemble des documents d’état civil qu’il avait produits.

Si par ailleurs, l’authenticité de son extrait d’acte de naissance est contestée au vu d’un avis des services de la direction zonale de la police aux frontières, les motifs de cet avis sont sérieusement débattus par l’intéressé. En effet, premièrement, si les dates renseignées dans les actes de naissances maliens doivent y être inscrites en toutes lettres conformément à l’article 126 du code malien des personnes et de la famille, l’article 147 du même code exige seulement un contenu conforme à l’origine pour les copies d’extraits, deuxièmement, il n’est pas exclu que le procureur de la République du Mali demande la transcription avant même l’échéance du délai d’appel s’il est certain de ne pas employer cette voie de droit alors que l’article 151 du code malien des personnes et de la famille prévoit que la transcription doit être demandée dans les plus brefs délais et troisièmement, rien n’indique que les maliens nés avant 2006 aient tous pu obtenir le bénéfice d’un numéro d’identification NINA. Dans ces conditions, le Préfet du Finistère n’établit pas l’existence d’une fraude s’agissant de ses actes d’état civil.

S’agissant du refus quant à la délivrance d’un titre portant la mention salarié, le Préfet du Finistère a commis une erreur de droit en exigeant que son formulaire de demande d’autorisation de travail soit déposé par son employeur directement aux services de la DIRECCTE alors qu’il devait être adressé, conformément à l’article L. 5221-15 du code du travail, au préfet du département de résidence.

Le refus est également fondé sur la circonstance que l’intéressé n’était pas en possession du visa de long séjour exigé par les dispositions de l’art L.313-2 du CESEDA et la convention franco-malienne du 26 septembre 1994. Toutefois, si en vertu de ces textes, la première délivrance d’une carte de séjour temporaire est en principe subordonnée à la production d’un visa d’une durée supérieure à trois mois, il en va différemment pour l’étranger déjà admis à séjourner en France et qui sollicite le renouvellement, même sur un autre fondement, de la carte de séjour dont il est titulaire. En conséquence, il ne pouvait valablement s’opposer à une demande de renouvellement du titre de séjour mention VPF, y compris sur le fondement de l’article L. 313-10, au motif que l’intéressé ne justifiait pas d’un visa de long séjour.

La décision du refus de renouveler le titre de séjour est annulée. Le préfet est enjoint de procéder à un réexamen dans un délai de 3 mois.

Extraits :

« [...].

7. Afin d’ établir le caractère frauduleux des actes d’état civil produits par M. le préfet du Finistère a fait procéder le 2 octobre 2018, à la comparaison des empreintes digitales de l’intéressé à celles renseignées dans le fichier Visabio en application du 2° de l’ article R. 611 -12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’ asile. Le préfet du Finistère a ainsi pu constater que les empreintes de M. étaient enregistrées dans cette base de données au titre d’une demande de visa présentée le 2 août 2013 à Bamako par un ressortissant malien nommé M. né le 10 janvier 1976 et à laquelle il a été satisfait le 31 juillet 2013 par la délivrance d’un visa Schengen valable du 25 au 29 août 2013. Toutefois, à la date à laquelle le préfet du Finistère a consulté le fichier Visabio, les données consultées, qui avaient été inscrites sur ce fichier le 7 août 2013, devaient avoir été supprimées dès le 7 août 2018, conformément aux dispositions de l’ article R. 611-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Dans ces conditions, le préfet du Finistère ne pouvait se fonder sur de tels éléments pour refuser un titre de séjour à M. Par suite, l’intéressé est fondé à soutenir que le préfet du Finistère a commis une erreur de droit en se fondant principalement sur les données issues du fichier Visabio pour contester l’authenticité de l’ensemble des documents d’état civil qu’ il avait produit.

8. Au demeurant, outre que l’authenticité du passeport biométrique de M. n’est pas contestée, les informations relatives à l’état civil de l’intéressé qui y sont renseignées correspondent exactement, d’une part, à celles figurant sur la carte nationale d’identité malienne qui lui a été délivrée le 11 septembre 2013 avant son départ du Mali et, d’autre part, à celles qu’il a toujours déclarées depuis son arrivée en France. Si, par ailleurs, l’authenticité de son extrait d’acte de naissance est contestée, au vu notamment d’un avis des services de la direction zonale de la police aux frontières, les motifs de cet avis sont sérieusement combattus par l’intéressé. En effet, premièrement, si les dates renseignées dans les actes de naissances maliens doivent y être inscrites en toutes lettres conformément à l’ article 126 du code malien des personnes et de la famille, l’ article 14 7 du même code exige seulement un contenu conforme à l’original pour les copies d’extraits, deuxièmement, il n’est pas exclu que le procureur de la République du Mali demande la transcription avant même l’échéance du délai d’appel s’il est certain de ne pas employer cette voie de droit alors que l’ article 151 du code malien des personnes et de la famille prévoit que la transcription doit être demandée à l’ officier de l’état civil dans les plus brefs délais et, troisièmement, rien n’indique que les maliens nés avant 2006, tels que M. aient tous pu obtenir le bénéfice d’un numéro d’identification NINA. Dans ces conditions, M. est fondé à soutenir que le préfet du Finistère n’établit pas l’existence d’une fraude s’agissant de ses actes d’état-civil.

[...].

11. Le préfet du Finistère a rejeté la demande présentée par M. sur le fondement de l’ article L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’ asile aux motifs que l’ intéressé, qui n’a produit qu’un contrat de travail à durée indéterminée dépourvu du visa de l’ autorité compétente et qui ne justifie pas qu’une demande d’ autorisation a été déposée à son nom à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, n’ établissait pas davantage être en possession d’un visa de long séjour.

12. Toutefois, le préfet du Finistère ne conteste pas avoir été saisi par M. , d’une demande d’ autorisation de travail. Or, d’une part, il ressort des pièces du dossier que le formulaire de demande d’autorisation de travail adressé au préfet du Finistère a été complété et signé par l’employeur de M. onformément à l’exigence fixée à l’article R. 5221-11 du code du travail pour la délivrance d’une première carte de séjour temporaire portant la mention « salarié ». D’autre part, ce formulaire devait, conformément aux dispositions de l’article
R. 5221-15 du code du travail, être adressé au préfet du département de résidence de M. c’est-à-dire au préfet du Finistère et non à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi comme l’ exige, dans son arrêté, le préfet du Finistère.

13. Ainsi, M. est fondé à soutenir que le préfet du Finistère a commis une erreur de droit en exigeant que son formulaire de demande d’ autorisation de travail soit déposé par son employeur directement aux services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

14. Cependant, le refus du préfet du Finistère de délivrer à M. un titre de séjour portant la mention « salarié » est également fondé sur la circonstance que l’ intéressé n’ était pas en possession du visa de long séjour exigé tant par les dispositions de l’ article L. 313-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’ asile que par les stipulations des articles 4 et 6 de la convention entre le gouvernement de de la République française et le gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes signée à Bamako le 26 septembre 1994.

15. Toutefois, si, en vertu de l’article L. 313-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’ asile et des articles 4 et 6 de la convention franco-malienne la première délivrance d’une carte de séjour temporaire est, en principe, subordonnée à la production par l’ étranger d’un visa d’une durée supérieure à trois mois, il en va différemment pour l’étranger déjà admis à séjourner en France et qui sollicite le renouvellement, même sur un autre fondement, de la carte de séjour temporaire dont il est titulaire.

16. Il est constant que par son arrêté du 13 décembre 2019, le préfet du Finistère a répondu à une demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » valable du 22juillet 2016 au 21 juillet 2017 délivrée à M. sur le fondement du 11 ° de l’ article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’ asile. En conséquence, il ne pouvait valablement s’opposer à une demande de renouvellement de ce titre de séjour, y compris sur le fondement de l’ article L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’ asile, au motif que l’ intéressé ne justifiait pas d’un visa de long séjour. Par suite, il ne résulte pas de l’ instruction que le préfet du Finistère aurait pris la même décision de refuser à M. la délivrance d’un titre sur le fondement de l’ article L. 313-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’ asile s’il s’ était fondé sur le seul motif tiré du défaut de production d’un visa de long séjour. Ainsi, l’ erreur de droit commise par le préfet du Finistère dans l’exigence d’un dépôt de la demande d’ autorisation de travail à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi entache d’ illégalité la décision du 13 décembre 2019 portant refus de titre de séjour.

[…]. »

Jugement disponible en format pdf ci-dessous :

TA_Rennes_06avril2020
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