Résumé :
Un ancien mineur isolé confié à l’aide sociale à l’enfance (ASE) suit une formation en apprentissage en deux ans. Au cours de sa deuxième année de formation, devenu majeur, il sollicite le bénéfice d’une aide provisoire jeune majeur auprès du Président du conseil départemental. Alors que ce dernier est en cours d’année scolaire, un refus lui est opposé.
Le TA, saisi sur le fondement de l’art. L.521-1 du CJA (« référé-suspension »), suspend l’exécution de la décision par laquelle le président du conseil départemental a décidé la fin de prise en charge de l’intéressé par le service de l’ASE et enjoint au président de réexaminer la situation du jeune majeur.
Le juge des référés constate qu’eu égard aux effets particuliers d’une décision refusant de poursuivre la prise en charge, au titre des deux derniers alinéas de l’article L. 222-5 du CASF, d’un jeune jusque-là confié à l’aide sociale à l’enfance, la condition d’urgence doit être constatée lorsqu’il demande la suspension d’une telle décision de refus. Alors même que le département nie avoir reçu la demande de contrat de jeune majeur, le président du conseil départemental a radié l’intéressé des services du département.
Extraits :
« [...].
8. En premier lieu, si le département de l’Ain expose que le requérant ne justifie pas de la réception par la collectivité d’une demande de contrat de jeune majeur, notamment d’un courrier daté du 12 octobre 2019, et d’un refus implicite ou verbal du 21 février 2020 de faire droit à cette demande, il résulte de l’instruction que, par une décision en date du 3 mars 2020, le président du conseil départemental de l’Ain a décidé de radier M. devenu majeur depuis le 12 janvier 2020, des services du département de l’Ain à compter du 23 février 2020. Par cette décision mettant fin à la prise charge de M. par l’aide sociale à l’enfance un peu plus d’un mois après sa majorité, et eu égard particulièrement à ses obligations qui lui incombaient d’évaluer et de préparer l’accompagnement vers l’autonomie dont ce jeune, pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance depuis environ de dix-huit mois, pouvait avoir besoin en vertu des dispositions précitées des articles L. 225-1 et L. 225-5-1 du code de l’action sociale et des familles, le département de l’Ain n’a pas entendu ainsi assurer une poursuite de la prise en charge de l’intéressé par les services de l’aide sociale à l’enfance en sa qualité de jeune majeur isolé. Le requérant est ainsi en droit de solliciter, du juge des référés, la suspension de cette décision mettant fin à sa prise en charge par l’aide sociale enfance et lui refusant ainsi sa prise en charge en sa qualité de jeune majeur isolé.
9. En deuxième lieu, en l’état de l’instruction, le moyen tiré de ce que les éléments relatifs à la situation de l’intéressé résultant de l’instruction font apparaître, à la date de la présente ordonnance, au regard des dispositions de l’ article L. 222-5 du code de l’action sociale et en dépit de la marge d’appréciation dont dispose le président du conseil départemental en la matière, un doute sérieux quant à la légalité du défaut de prise en charge de M. décidé par la décision du 3 mars 2020 en litige.
10. En dernier lieu, l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Eu égard aux effets particuliers d’une décision refusant de poursuivre la prise en charge, au titre des deux derniers alinéas de l’ article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles, d’un jeune jusque-là confié à l’aide sociale à l’enfance, la condition d’urgence doit en principe être constatée lorsqu’il demande la suspension d’une telle décision de refus. Il peut toutefois en aller autrement dans les cas où l’administration justifie de circonstances particulières, qu’ il appartient au juge des référés de prendre en considération en procédant à une appréciation globale des circonstances de l’espèce qui lui est soumise.
11. Il résulte de l’instruction que M. confié le 17 juillet 2018 au service de l’aide sociale à l’enfance du département de l’Ain jusqu’à sa majorité, s’est vu refuser le bénéfice d’une prise en charge par l’aide sociale à l’enfance en tant que jeune majeur par une décision du 3 mars 2020. Comme, il a été dit au point précédent, la condition d’urgence doit en principe être constatée lorsqu’il est demandé la suspension d’une telle décisions de refus. Pour contester le caractère urgent, le département de l’Ain expose que l’intéressé n’a présenté aucune demande de prise en charge et qu’il serait hébergé chez son employeur en produisant une attestation d’hébergement de ce dernier en date du 30 octobre 2019 destinée à la préfecture du Rhône. Il ne résulte cependant pas de l’instruction que M. qui produit notamment une autre attestation plus récente datée du 5 mars 2020 de cet employeur indiquant qu’il est sans hébergement, serait hébergé par celui-ci. Il résulte en outre de l’instruction qu’il bénéficiait d’un hébergement octroyé par les services de l’aide sociale à l’enfance à Bourg en Bresse puis à Ambérieu en Bugey depuis oël 2019, logement pour lequel le montant du loyer était prélevé sur on compte, qu’ il a été contraint de quitter ce logement à la fin du mois février 2020 en raison de la décision de mettre fin à sa prise en charge, qu’il ne dispose plus d’un hébergement, qu’il suit une scolarité en alternance en vue de l’obtention d’un certificat d’aptitude professionnel depuis l’année 2018/2019, qu’il est
isolé, que ses revenus issus de son contrat d’apprentis age sont très limités. Il résulte enfin de l’instruction que, comme il a été dit précédemment, il appartenait au président du conseil départemental d’évaluer et de préparer l’accompagnement vers l’autonomie dont ce jeune, pris en charge depuis juillet 2018 par le service de l’aide sociale à l’enfance, pouvait avoir besoin à sa majorité, le requérant contestant en avoir bénéficié. Dans les circonstances de l’espèce, il n’est justifié d’aucune circonstance particulière permettant de constater que la décision en cause ne porte pas une atteinte grave et immédiate à la situation du requérant. Dans ces conditions, la condition d’urgence prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.
[…]. »
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