Cour administrative d’appel de Douai – 4e chambre – Arrêt N° 19DA00913 du 02 juillet 2020 – Annulation du refus de titre de séjour – Le même acte de naissance avait fait l’objet d’un avis favorable par la DZPAF cinq ans auparavant – L’intéressé est titulaire d’un passeport délivré par l’ambassade du Cameroun à Paris mentionnant la même date de naissance que l’acte de naissance, et dont le préfet ne conteste pas le caractère authentique mais allègue seulement qu’il aurait pu être obtenu sur la base de l’acte de naissance selon lui contrefait

Résumé :

Un ancien MIE ressortissant camerounais confié avant l’âge de 16 ans à l’aide sociale à l’enfance sollicite un premier titre de séjour mention "vie privée et familiale" sur le fondement du 2°bis de l’art. L313-11 du CESEDA. Le préfet lui refuse la délivrance du titre de séjour en se fondant sur le caractère apocryphe de l’acte de naissance produit suite à une analyse par la DZPAF, sur une insertion défavorable en raison de cette fraude commise et enfin sur la circonstance que l’intéressé ne serait pas isolé dans son pays d’origine où résident ses parents et 4 frères et sœurs.

La CAA annule l’arrêté préfectoral aux motifs que le préfet ne pouvait se fonder sur le caractère apocryphe des documents d’état civil pour refuser de délivrer le titre de séjour et qu’il a fait une inexacte application des dispositions précitées de l’article L. 313-11 2° bis du CESEDA en considérant que le jeune majeur continuerait d’entretenir des relations avec sa famille restée au Cameroun. Il est enjoint au préfet de délivrer à l’intéressé la carte de séjour temporaire "vie privée et familiale".

Extraits :

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7. Il ressort des pièces du dossier que, pour contester l’authenticité des documents d’état civil présentés par M. F..., le préfet du Nord s’est fondé, d’une part, sur une analyse technique en date du 9 avril 2018, menée par le service de la fraude documentaire de la direction zonale de la police aux frontières (DZPAF), d’autre part sur un courriel émanant du consulat général de France à Douala. Ce dernier document se borne à indiquer sommairement que, selon le retour des autorités locales, qui, toutefois, n’est l’objet d’aucune des pièces versées au débat contradictoire, " l’acte de naissance de F... Landry n° 436/2000 est non-authentique ", sans mentionner, contrairement à ce que porte l’arrêté en litige, que cet acte de naissance correspondrait à une personne de sexe féminin née le 30 mars 2000. Pour sa part, dans son analyse du 9 avril 2018, la DZPAF émet un avis défavorable sur cet acte de naissance n° 436/2000 daté du 16 février 2000, pour lequel elle dispose d’un modèle authentique correspondant au document objet de l’analyse, au seul motif qu’un des deux
tampons humides légalisant le document " présente l’anomalie d’être bicolore ". Cependant, il ressort également des pièces du dossier qu’au terme d’une analyse antérieure, en date du 23 septembre 2015, de ce même acte de naissance, la DZPAF déclarait n’avoir " établi aucun élément de contrefaçon ou de falsification " et estimait que le document présentait " les caractéristiques d’un document authentique ". Certes, dans son analyse du 9 avril 2018, la DZPAF émet aussi un avis très défavorable sur une copie certifiée conforme de l’acte de naissance de l’intéressé, faite à Paris le 23 juin 2015, pour laquelle elle ne dispose d’ailleurs pas de modèle authentique correspondant au document objet de l’analyse, au motif que les mentions pré-imprimées de cette copie certifiée conforme sont réalisées en jet d’encre au lieu d’impression en offset quadrichromie. Mais la DZPAF elle-même indique que les deux cachets humides légalisant cette copie certifiée conforme sont " de bonne qualité " pour l’un, et " conforme aux pratiques de l’ambassade du Cameroun en France " pour l’autre. Au demeurant, M. F... est titulaire d’un passeport délivré le 22 mars 2017 par l’ambassade du Cameroun à Paris, qui mentionne la même date de naissance que l’acte 436/2000, et dont le préfet du Nord ne conteste pas le caractère authentique mais allègue seulement qu’il aurait pu être obtenu sur la base de l’acte de naissance selon lui contrefait. Dans ces conditions, le préfet du Nord n’a pu, sans méconnaître les dispositions de l’article 47 du code civil et celles de l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, considérer que les éléments précités étaient suffisamment précis pour établir le caractère falsifié des documents présentés par M. F.... Dès lors, M. F... est fondé à soutenir que le préfet ne pouvait se fonder sur le caractère apocryphe des documents produits pour refuser de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 2 bis de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

8. Dès lors que, comme il vient d’être dit au point précédent, la fraude qui aurait consisté pour M. F... à présenter de faux documents d’état civil pour justifier de son âge n’est pas établie, le préfet ne peut, de ce chef, faire grief au requérant d’une insertion défavorable dans la société française. Au contraire, il ressort des pièces du dossier que M. F..., qui avait donc été pris en charge par le service d’aide sociale à l’enfance avant son seizième anniversaire, justifie du caractère réel et sérieux de ses études. Ainsi, il a obtenu en juin 2017 son brevet d’études professionnelles, spécialité " installation des systèmes énergétiques et climatiques ", et ses bulletins scolaires versés au dossier, ainsi que plusieurs attestations circonstanciées de ses enseignants, relèvent son implication sérieuse et durable dans la poursuite de ses études. S’agissant de son comportement et ses capacités à devenir autonome, il fait également l’objet d’une appréciation favorable de la structure qui l’a accueilli. Le département du Nord a, d’ailleurs, renouvelé par décision du 27 août 2018 pour une durée de quatre mois, l’accueil provisoire de M. F... en qualité de jeune majeur. M. F... sait, en outre, s’impliquer dans la vie sociale, par sa participation notamment à un camp-chantier-patrimoine organisé sur le site du château-fort de Guise par le club du Vieux Manoir, mouvement national reconnu d’utilité publique. Dans ces conditions, alors qu’il n’est pas établi ni même allégué que M. F... continuerait d’entretenir des relations avec sa famille restée au Cameroun, le préfet du Nord a fait une inexacte application des dispositions précitées de l’article L. 313-11 2° bis du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile en refusant de lui accorder le titre de séjour sollicité sur leur fondement. Il y a lieu, par suite, d’annuler la décision de refus de titre de séjour contestée par M. F..., et par voie de conséquence la décision l’obligeant à quitter le territoire dans un délai de trente jours ainsi que celle fixant le pays de destination.

[…]. »

Arrêt disponible en format pdf ci-dessous :

CAA Douai – 4e chambre – Arrêt N° 19DA00913 du 02 juillet 2020
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