Résumé :
Un jeune majeur pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance dans le cadre d’un contrat jeune majeur a signé un contrat d’apprentissage dans le cadre de sa formation en vue de l’obtention d’un CAP. Lors de la demande d’autorisation de travail sollicitée auprès de la DIRECCTE, il lui a été répondu qu’une telle autorisation de travail ne pouvait être délivrée à un majeur et qu’il devait se rapprocher des services préfectoraux afin d’obtenir un récépissé de demande de titre de séjour.
Le juge des référés reconnait la condition d’urgence particulière au motif que l’impossibilité de travailler immédiatement en qualité d’apprenti priverait le jeune de ressource et ferait obstacle à ce qu’il puisse débuter sa formation. En ce sens, la privation pour un jeune isolé de 18 ans de toute possibilité de bénéficier d’une formation scolaire ou professionnelle adaptée est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
Amené à se prononcer sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative (« référé liberté »), le juge des référés retient que la condition de six mois de formation étant une des conditions de délivrance d’un titre de séjour sur le fondement de l’article L. 313-15 du CESEDA, la délivrance de l’autorisation de travail en l’espèce n’est pas subordonnée au dépôt préalable d’une demande de titre de séjour. Ainsi, le refus de la DIRECCTE a porté une atteinte grave et manifestement illégale à l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction.
Extraits :
« […].
5. Il résulte de l’instruction que M. n’a pu obtenir un rendez-vous à la préfecture pour déposer une demande de titre de séjour que le 16 octobre 2020. Il ressort des captures d’écran du site Internet de la préfecture de la Seine-Maritime versées au dossier que l’éducatrice référente de M a tenté en vain à trois reprises au mois de juin et à trois reprises au mois de juillet d’obtenir un rendez-vous pour le dépôt de sa demande de titre de
séjour. Ainsi, et contrairement à ce que soutient le préfet, le requérant n’a pas contribué à la survenance de la situation d’urgence dont il se prévaut. L’impossibilité pour M. de travailler immédiatement pour le centre hospitalier en qualité d’apprenti aurait pour conséquence de faire obstacle à ce qu’il puisse débuter sa formation et de le priver de ressources, le terme de son contrat jeune majeur étant fixé au 15 septembre 2020. Dès lors, la condition d’urgence particulière requise par l’article L. 521-2 du code de justice
administrative est en l’espèce remplie.
6. L’égal accès à l’instruction, garanti par le treizième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, auquel se réfère celui de la Constitution de 1958, est confirmé par l’article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La privation pour un jeune majeur de 18 ans, isolé sur le territoire français, de toute possibilité de bénéficier d’une formation scolaire ou professionnelle adaptée, selon les modalités que le législateur a définies afin d’assurer le respect de l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction, est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
7. Le refus de délivrance d’une autorisation de travail opposé par la DIRECCTE a pour effet de contraindre M. à reporter à une date indéterminée le début de sa formation en alternance dans le cadre d’un CAP, alors, au surplus, que le suivi d’une formation depuis au moins six mois est l’une des conditions de la délivrance ultérieure d’un titre de séjour sur le fondement de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Contrairement à ce que soutient le préfet, la délivrance, à un jeune majeur de 18 ans qui a été confié à l’aide sociale à l’enfance, de l’autorisation de travail prévue par les dispositions
précitées de l’article L. 5221-5 du code du travail, n’est pas subordonnée au dépôt préalable d’une demande de titre de séjour. Par suite, le refus opposé par la DIRECCTE a porté une atteinte grave et manifestement illégale à l’exigence constitutionnelle d’égal accès à l’instruction.
[…]. »
Ordonnance à retrouver en format pdf ci-dessous :