Résumé :
Le refus du préfet de délivrer un titre de séjour mentionné à l’article L. 313-15 du CESEDA à un jeune majeur ancien mineur isolé pris en charge par l’aide sociale à l’enfance en se fondant, de manière déterminante, sur l’avis défavorable émis par les services de la police aux frontières sur les documents d’état civil produits par l’intéressé, est entaché d’un défaut d’examen particulier de la situation de l’intéressé et d’une erreur de droit.
Le tribunal administrative souligne que, ni le service spécialisé de la PAF, ni le préfet n’a produit des éléments de nature à établir que le gouvernement de Guinée aurait mis en œuvre une législation ou une réglementation spécifique imposant aux services de l’état civil guinéens de délivrer des actes d’état civil ou des jugements supplétifs comportant des éléments de sécurité particuliers relatifs au papier utilisé et au mode d’impression pratiqué ou des éléments d’identification biométriques ou photographiques. Ainsi, il ne peut être considérer que les mentions figurant sur les documents produits ne sont pas conformes au droit de l’état civil guinéen.
Le préfet est enjoint de réexaminer la demande de l’intéressé dans un délai de 2 mois et délivrer dans l’attente une autorisation provisoire de séjour.
Extraits :
« […].
6. Le préfet du Doubs a refusé de délivrer à M. l’un des titres de séjour mentionnés à l’article L. 313-15 en se fondant, de manière déterminante, sur l’avis défavorable émis le 14 août 2017 par les services de la police aux frontières de Metz sur les documents d’état civil produits par l’intéressé.
7. Dans son analyse documentaire, le service spécialisé de la police aux frontières de Metz a estimé que les documents présentés étaient « irrecevables au titre de l’article 47 du code civil ». Il a notamment relevé que l’« extrait des registres de l’état civil » et le « jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance » de M. avaient été imprimés sur un papier « ordinaire », avec des techniques d’impression « grand public (laser-toner et jet d’encre) », que ces documents, « non fiduciaires », n’avaient fait l’objet d’aucune « norme particulière » et, en outre, qu’ils étaient dépourvus de photographies et d’empreintes digitales. Toutefois, ni le service spécialisé ni le préfet du Doubs n’ont produit d’éléments de nature à établir que le gouvernement de la Guinée aurait mis en œuvre une législation ou une réglementation spécifique imposant aux services de l’état civil guinéens de délivrer des actes d’état civil ou des jugements supplétifs comportant des éléments de sécurité particuliers relatifs au papier utilisé et au mode d’impression pratiqué ou des éléments d’identification biométriques ou photographiques. Si le service a encore indiqué que, « même authentiques, ces documents n’établissent ni une identité ni une nationalité », il n’a en revanche noté aucun élément, tel que, par exemple, la comparaison du document produit avec un acte d’état civil original du pays, de nature à considérer que les
mentions figurant sur les documents produits n’étaient pas conformes au droit de l’état civil guinéen. Dès lors, les seuls éléments relevés par la police aux frontières de Metz ne permettent pas d’établir que les documents d’état civil analysés seraient dépourvus d’authenticité, irréguliers, falsifiés ou non conformes à la réalité des actes en question. Il incombait seulement à l’administration, si elle l’estimait nécessaire, de poursuivre l’analyse des documents produits et de solliciter, le cas échéant, les autorités consulaires françaises en Guinée ou les autorités de l’Etat guinéen afin de vérifier l’authenticité des actes produits par l’intéressé.
8. Dans ces conditions, en se fondant sur ce seul avis pour estimer que les documents d’état civil produits étaient « irréguliers » et, en substance, considérer que M. , dont l’identité n’avait selon lui pas pu être établie, n’était pas mineur à la date à laquelle il a été confié au service de l’aide sociale à l’enfance et, au regard de ce motif déterminant, refuser de lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le préfet du Doubs a entaché la décision de refus de séjour en litige d’un défaut d’examen particulier de la situation de l’intéressé et d’une erreur de droit au regard des dispositions analysées au point 3.
[…]. »
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