Résumé :
Le tribunal administratif annule la décision par laquelle le préfet a refusé de délivrer un titre de séjour sollicité sur le fondement de l’article L.313-15 du CESEDA. Le juge administratif retient que le préfet n’a pas apporté suffisamment d’éléments pour renverser la présomption prévue à l’article 47 du code civil. De plus, il a entaché sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation en faisant du critère de l’isolement du requérant dans son pays un critère prépondérant.
Extraits :
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3. Tout d’abord, si le préfet de la Seine Maritime remet en cause l’identité et l’âge du requérant, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d’analyse documentaire effectué le 11 mars 2020 par les services de la police aux frontières, que si le jugement supplétif d’acte de naissance du 16 août 2018 du Tribunal de première instance de Boké ainsi que la retranscription de cette décision de justice présentent une légalisation incomplète ayant donné lieu à un avis défavorable, ces actes n’ont pas été considérés comme contrefaits, falsifiés ou même douteux au point de leur ôter la force probante que leur prête la présomption prévue par l’article 47 du code civil. Il est inutile d’examiner la question de la validité de la carte d’identité consulaire produite par le requérant dès lors, d’une part, que cette carte n’est pas un acte revêtu de la valeur qui s’attache à l’état civil mais seulement un document de circulation qui atteste que les autorités guinéennes reconnaissent à son titulaire la qualité de ressortissant guinéen et, d’autre part, qu’elle est délivrée au vu d’actes d’état civil, tel qu’un jugement supplétif dont la valeur probante est première. Par suite, le préfet qui n’apporte pas suffisamment d’éléments pour remettre en cause l’identité et l’âge de M. n’est pas fondé à faire valoir que la carte de séjour a été demandée par une autre personne non identifiée.
4. Ensuite, lorsqu’il examine une demande d’admission au séjour présentée sur le fondement des dispositions précitées de l’article L 313-15 du CESEDA, le préfet vérifie tout d’abord que l’étranger est dans l’année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entre dans les prévisions de l’article L 311-3 de ce code, qu’il a été confié à l’aide sociale à l’enfance au plus tard à l’âge de seize ans et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l’ordre public. Il lui revient ensuite de porter une appréciation globale sur la situation de l’intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi d’une formation qualifiante, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d’origine et de l’avis de la structure d’accueil sur l’insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d’un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n’a pas commis d’erreur manifeste dans l’appréciation ainsi portée. A cet égard, les dispositions de cet article n’exigent pas que le demandeur soit isolé dans son pays d’origine ni que l’étranger soit tenu de justifier qu’il n’entretient plus de liens avec les membres de sa famille qui y résident dès lors que la preuve d’un fait négatif ne peut être apportée. Il appartient ainsi à l’autorité préfectorale d’apporter la preuve d’une éventuelle persistance des contacts de l’étranger avec les membres de sa famille restés dans son pays d’origine.
5. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que M. , qui a été placé à l’aide sociale à l’enfance le 12 juillet 2018, a commencé sa formation professionnelle le 24 septembre 2018 dans le cadre d’un CAP pâtissier en apprentissage. Le gérant de la boulangerie dans laquelle s’est déroulé l’apprentissage indique que M. s’est très bien intégré à l’équipe, qu’il évolue et s’épanouit dans son travail de jour en jour et que, faisant
preuve de bonne volonté, il est apprécié par toute l’équipe composée de 13 personnes. Il ressort également des pièces du dossier que M. suit sa formation avec sérieux alors, par ailleurs, que l’équipe éducative indique qu’il est respectueux du cadre et de l’accompagnement qui lui est proposé et fait état de liens personnels en France, tant par le développement des relations au centre de formation que par le sport notamment. Enfin, M. qui a obtenu le DELF A1 en mai 2019, soit moins d’un an après son placement à l’aide sociale à l’enfance, soutient sans être sérieusement contredit qu’il n’a plus de contact avec les membres de sa famille qui résident dans son pays d’origine. Par suite, le préfet, qui a irrégulièrement fait du critère de l’isolement du requérant dans son pays d’origine un critère prépondérant, a entaché sa décision de refus de titre de séjour d’une erreur manifeste d’appréciation.
[…]. »
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