Décision de la Défenseure des droits n° 2020-245 du 18 décembre 2020 relative aux difficultés rencontrées par un jeune isolé étranger pour bénéficier d’une prise en charge en protection de l’enfance au titre de l’article 375 du code civil

Source : Défenseure des droits

Date : Décision n° 2020-245 du 18 décembre 2020

Résumé :

« Le Défenseur des droits a été saisi de la situation d’un jeune homme, se disant né le 3 février 2004 en Guinée. Orienté vers un dispositif d’évaluation, il a bénéficié d’un entretien d’évaluation socio-éducative le 10 décembre 2018, qui a conclu à sa minorité. Par ordonnance de placement provisoire du 20 décembre 2018, le procureur de la République l’a confié à l’aide sociale à l’enfance. Il a en outre ordonné un examen radiologique osseux.

Le 14 février 2019, le jeune homme a subi cet examen, lequel a conclu que son âge physiologique est compris entre 17 et 19 ans. Le rapport précisait en outre qu’ « il n’est pas possible d’éliminer formellement que [X] soit âgé de QUATORZE ANS ».

Par jugement du 17 octobre 2019, le juge des enfants a jugé que « le placement sera maintenu en tenant compte de l’âge physiologique situé entre 17 et 19 ans. Il sera retenu l’âge de 17 ans qui lui est plus favorable et considérant que cet examen a eu lieu le 14 février 2019, il sera considéré comme majeur le 14 février 2020 ». Dès lors, le juge des enfants a maintenu le placement du jeune homme jusqu’au 14 février 2020.

Le 27 novembre 2019, celui-ci a interjeté appel de ce jugement qui lui aurait été notifié le 18 novembre 2019.

Par ordonnance du 27 août 2020, la Cour d’appel lui a ordonné « de produire les pièces d’état civil ou d’identité en original qu’il détient, en venant les déposer avant le 25 septembre 2020 au greffe ».

Aux termes d’un rapport simplifié d’analyse documentaire du 29 septembre 2020, la division de l’expertise en fraude documentaire et à l’identité a conclu au caractère authentique du passeport remis par le jeune homme, considérant que « ce document a toutes les caractéristiques d’un document authentique ».

C’est dans ce contexte que la Défenseure des droits a présenté des observations devant la Cour d’appel, aux termes desquelles :

  • elle rappelle que la date de naissance est un élément constitutif de l’identité, qui ne peut être modifié par décision d’une juridiction qui n’a pas compétence en matière d’état civil ;
  • elle fait valoir qu’en application de l’article 47 du code civil, les documents d’état civil fixant la date de naissance au 3 février 2004 font foi dans la mesure où aucun élément ne vient renverser cette présomption d’authenticité en l’espèce. Au contraire, l’expertise documentaire vient confirmer le caractère authentique du passeport de X ;
  • elle considère que la pratique du juge des enfants de « créer » une nouvelle date de naissance sur la base de l’examen radiologique osseux paraît contraire au droit de l’enfant à voir son identité préservée et à l’article 47 du code civil ;
  • elle constate que les conditions nécessaires à la réalisation, en dernier recours, d’un examen radiologique osseux aux fins de détermination de l’âge ne paraissent pas réunies puisque l’évaluation socio-éducative du jeune homme a conclu à sa minorité et qu’il possède des documents d’état civil ;
  • résolument opposée à l’utilisation de ces examens médicaux, inadaptés et inefficaces tels qu’ils sont actuellement pratiqués, elle estime qu’ils ne peuvent suffire à emporter la conviction de la Cour d’appel quant à la majorité éventuelle actuelle du jeune homme.

Suivi de la décision : Par arrêt du 12 janvier 2021, la Cour d’appel a infirmé le jugement rendu par le juge des enfants en ce « qu’il n’avait pas la possibilité de créer une nouvelle date de naissance à l’intéressé ».
Toutefois, la Cour a dit n’y avoir lieu à assistance éducative considérant que :

  • « l’expertise réalisée il y a maintenant presque deux ans ne permet donc pas de démontrer, à ce jour, la minorité de l’appelant » ;
  • les « incohérences dans les documents [d’état civil] entre eux et avec le discours de l’appelant, ôtent toute valeur probante au passeport qui ne peut ainsi attester de l’identité de l’appelant, et partant, de sa minorité ». »

Décision à retrouver en format pdf et en intégralité ci-dessous :

Retour en haut de page