Décision 2021-010 du 3 février 2021 relative à la situation d’un mineur non accompagné confié à l’aide sociale à l’enfance et décédé dans un hôtel et à l’accueil et la prise en charge des mineurs non accompagnés dans le département

Source : Défenseure des droits

Date : 03 février 2021

Résumé :

« Le 5 juillet 2019, la Défenseure des droits s’est saisi d’office après avoir appris par voie de presse le décès de X., mineur non accompagné (MNA) de nationalité guinéenne, né le 27 mai 2002, et pris en charge par le conseil départemental de Y.

La Défenseure des droits a mené une enquête tant sur la situation individuelle du jeune X. que sur la situation globale des MNA accueillis dans le département de Y, les conditions de leur accueil provisoire d’urgence et d’évaluation ainsi que sur les modalités de leur prise en charge une fois ces derniers reconnus mineurs et confiés au département.

La Défenseure des droits a constaté que le jeune X arrivé à A, le 20 novembre 2017, ainsi que d’autres MNA arrivés à A. depuis décembre 2018, n’ont pas bénéficié d’une mise à l’abris préalable à l’entretien social d’évaluation. La Défenseure des droits rappelle que l’accueil provisoire d’urgence des personnes se présentant comme mineures, entre leur première présentation aux services de l’aide sociale à l’enfance et les résultats de l’évaluation de minorité et d’isolement, constitue une obligation au titre de l’article R.221-11 du CASF.

La Défenseure des droits constate que le jeune X, comme d’autres jeunes exilés bénéficiant d’un accueil provisoire d’urgence dans le département de Y jusqu’en septembre 2019, a été hébergé à l’hôtel.
La Défenseure des droits rappelle que la qualité de la prise en charge, de l’accueil et de l’accompagnement socio-éducatif doit être la même pour tous les mineurs pris en charge par les services de protection de l’enfance, qu’il soit MNA ou non. La Défenseure des droits considère que l’accueil à l’hôtel, en cohabitation avec des adultes, clients de l’hôtel, sans supervision, sans accompagnement socio-éducatif, médical et/ou psychologique en fonction de leurs besoins, n’est pas adapté dans le cadre d’un dispositif en protection de l’enfance.

La Défenseure des droits constate que le jeune X. ainsi que d’autres MNA, sont demeurés sans mesure de placement du juge des enfants et sans qu’une tutelle n’ait été ouverte et déférée au service de l’aide sociale à l’enfance.
La Défenseure des droits conclut que l’absence de diligence des services de l’aide sociale à l’enfance à saisir le juge des enfants, ou le juge aux affaires familiales exerçant les fonctions de juge des tutelles des mineurs, de la situation du jeune X., a porté atteinte à ses droits et à son intérêt supérieur.

La Défenseure des droits constate qu’aucun document fourni par le conseil départemental n’atteste qu’un véritable accompagnement socio-éducatif de X. a été mis en place. La Défenseure des droits rappelle que le fait que les mineurs non accompagnés soient étrangers et isolés ne dispense pas les départements de l’obligation de réexamen annuel des décisions prises en assistance éducative et plus particulièrement des mesures de placement. La Défenseure des droits conclut que le jeune X. n’a pas bénéficié d’un suivi et d’un accompagnement socio-éducatif adaptés à son âge et à ses besoins fondamentaux, portant ainsi gravement atteinte à son intérêt supérieur.

La Défenseure des droits constate que le jeune X. a été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance le 27 novembre 2017 mais n’a été scolarisé, qu’en septembre 2018 en raison d’un manque de place, alors même qu’il était âgé de moins de 16 ans et donc soumis à l’obligation scolaire. La Défenseure des droits conclut que le droit à l’éducation du jeune X. n’a pas été respecté durant la première année de sa prise en charge. La Défenseure des droits rappelle que le droit à l’éducation est un droit fondamental de l’enfant et que toutes les diligences doivent être effectuées afin de scolariser les jeunes gens accueillis aussi rapidement que possible.

La Défenseure des droits constate que les signes de fragilité du jeune X. lors de son entretien d’évaluation sociale puis au cours de sa prise en charge n’ont pas été correctement appréhendés et qu’il en est résulté un manque de vigilance particulière quant à son état psychique, ayant porté gravement atteinte à son droit à la santé et à son intérêt supérieur.

La Défenseure des droits constate l’insuffisance de l’accompagnement socio-éducatif des mineurs dans leurs projets professionnels et personnels lors de leur passage à la majorité.
Sur le point des prestations d’aide sociale à l’enfance accordées à un jeune majeur, le département a expliqué poursuivre l’accompagnement socio-éducatif et la prise en charge durant l’année scolaire ou de formation engagée, jusqu’au 31 août.
La Défenseure des droits constate que le département a mis en place l’allocation jeune insertion Y., qui serait particulièrement utilisé pour les MNA. Ce dispositif ne comporte pas d’hébergement, et fait craindre à la Défenseure des droits une précarisation importante des jeunes exilés. »

Décision :

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