Résumé :
Le préfet de la Seine-Maritime a ouvert la possibilité de déposer certaines premières demandes de titre de séjour par voie dématérialisée. En ce sens, il a fixé, par l’arrêté attaqué, les modalités de dépôt de certaines catégories de titres de séjour, en prévoyant notamment l’obligation de déposer certaines premières demandes de titre par voie dématérialisée.
Le tribunal administratif de Rouen donne raison aux associations requérantes en annulant cet arrêté. La motivation retenue par le tribunal s’applique en fait à toute préfecture imposant la dématérialisation. En effet, le juge reconnait que les dispositions de l’article R. 311-1 du CESEDA « font obstacle à ce que le préfet (…) prescrive que le dépôt des demandes de titre de séjour concernés soit effectué par tout autre procédé et notamment numérique ». De manière plus générale, il estime que « les démarches en matière de demandes de titre de séjour ont été exclues du champ d’application de la mise en œuvre des téléservices » en application du code des relations entre le public et l’administration.
Voir dans le même sens :
Extrait :
« […].
4. D’une part, aux termes de l’article R. 311-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour en application de l’article L. 311-3, est tenu de se présenter, à Paris, à la préfecture de police et, dans les autres départements, à la préfecture ou à la sous préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient. / Toutefois, le préfet peut prescrire que les demandes de titre de séjour soient déposées au commissariat de police ou, à défaut de commissariat, à la mairie de la résidence du requérant. / Le préfet peut également prescrire : / 1° Que les demandes de titre de séjour appartenant aux catégories qu’il détermine soient adressées par voie postale ; / 2° Que les demandes de cartes de séjour prévues aux articles L. 313-7 et L. 313-27 soient déposées auprès des établissements d’enseignement ayant souscrit à cet effet une convention avec l’Etat. (…) »
5. Ainsi qu’il a été dit au point 1, par l’arrêté attaqué, le préfet a rendu obligatoire, pour certaines catégories de titre de séjour, le dépôt par voie dématérialisée de la première demande ou d’une demande de renouvellement du titre. Toutefois, les dispositions du 1° de l’article R. 311-1 citées au point précédent font obstacle à ce que le préfet, lorsqu’il fait usage des dérogations qu’elles prévoient, prescrive que le dépôt des demandes de titre de séjour concernés soit effectué par tout autre procédé et notamment numérique. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 1° de l’article R. 311-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être accueilli.
6. D’autre part, aux termes de l’article L. 112-9 du code des relations entre le public et l’administration : « (…) / Lorsqu’elle a mis en place un téléservice réservé à l’accomplissement de certaines démarches administratives, une administration n’est régulièrement saisie par voie électronique que par l’usage de ce téléservice (…) ». Aux termes de l’article L. 112-10 du même code : « L’application des articles L. 112-8 et L. 112-9 à certaines démarches administratives peut être écartée, par décret en Conseil d’Etat, pour des motifs d’ordre public, de défense et de sécurité nationale, de bonne administration, ou lorsque la présence personnelle du demandeur apparaît nécessaire ». Par ailleurs, l’article 1er de l’ordonnance n°2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre
les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives définit le téléservice comme « tout système d’information permettant aux usagers de procéder par voie électronique à des démarches ou formalités administratives ». Enfin, aux termes de l’article 1er du décret n°2015-1423 du 5 novembre 2015 relatif aux exceptions à l’application du droit des usagers de saisir l’administration par voie électronique (ministère de l’intérieur) : « Les dispositions des articles L. 112-8 et L. 112-9 du code des relations entre le public et l’administration ne s’appliquent pas aux démarches administratives dont la liste figure en annexe du présent décret », laquelle mentionne notamment les démarches en vue de l’obtention d’un document de séjour (titres de séjour, autorisations provisoires de séjour et récépissés) prévu par le livre III du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
7. Eu égard aux modalités de dépôt des demandes de titre de séjour prévues par l’arrêté attaqué, le préfet doit être regardé comme ayant mis en place un téléservice au sens des dispositions de l’article 1er de l’ordonnance n°2005-1516 du 8 décembre 2005 susvisée, dont il a rendu l’usage obligatoire. Il résulte toutefois des dispositions citées au point précédent que les démarches en matière de demandes de titre de séjour ont été exclues du champ d’application de la mise en œuvre des téléservices au sens du troisième alinéa de l’article L. 112-9 du code des relations entre le public et l’administration, en vertu de l’annexe du décret n°2015-1423 du 5 novembre 2015, pris en application, pour le ministère de l’intérieur, des dispositions de l’article L. 112-10 du même code. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 112-10 du code des relations entre le public et l’administration, et de l’article 1er du décret pris pour son application, en ce qui concerne le ministère de l’intérieur, doit également être accueilli.
[…]. »
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