Résumé :
Sur le fondement de l’article L.521-2 du code de justice administrative, M. X, mineur isolé confié provisoirement à l’ASE par un jugement en assistance éducative, demande au TA d’enjoindre au département de Maine-et-Loire de l’orienter vers les services compétents pour faire enregistrer sa demande d’asile.
Le TA retient que la condition d’urgence est remplie dès lors qu’il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à la liberté fondamentale du droit de solliciter le statut de réfugié.
Le département refuse d’orienter le mineur vers les services compétents pour faire enregistrer sa demande d’asile, au motif qu’il a fait l’objet d’une réévaluation ayant remis en cause sa minorité.
Le juge des référés enjoint le département d’effectuer les démarches administratives nécessaires afin de faire enregistrer la demande d’asile de M. dans le délai de dix jours à compter de la notification de la présente ordonnance.
Voir dans le même sens :
- Tribunal administratif de Nantes - Ordonnance n°2012572 du 14 décembre 2020
- Tribunal administratif de Nantes - Ordonnance n°2012564 du 14 décembre 2020
Extraits :
« […]
4. Alors que le droit constitutionnel d’asile, qui a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, constitue une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, il appartient au juge des référés, lorsqu’il est saisi sur le fondement de cet article et qu’il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale résultant de l’action ou de la carence de cette personne publique, de prescrire les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte, dès lors qu’existe une situation d’urgence caractérisée justifiant le prononcé de mesures de sauvegarde à très bref délai.
[…]
6. Par ordonnance du 13 août 2020, le juge des enfants du tribunal pour enfants d’Angers a confié provisoirement M. au département de Maine-et-Loire en vue de la prise en charge nécessaire à sa protection et a autorisé l’aide sociale à l’enfance, dans le cadre de ce placement provisoire, à réaliser l’ensemble des démarches indispensables à la régularisation de ce mineur, par délégation de l’autorité parentale. Il en résulte qu’en sa qualité de délégataire de l’autorité parentale de M. et dès lors que ce dernier a manifesté le souhait de présenter une demande d’asile, le département de Maine-et-Loire est tenu d’effectuer les démarches nécessaires afin de lui permettre de faire enregistrer sa demande de protection internationale auprès de l’autorité administrative compétente dans les meilleurs délais, et ce nonobstant les doutes émis par le département relativement à sa minorité. En effet, tant que le mineur non accompagné lui est confié par le juge des enfants et que sa minorité n’a pas été remise en cause par l’autorité judiciaire, les services de l’aide sociale à l’enfance du département ont la charge d’entreprendre les démarches d’asile pour le compte du mineur afin de régulariser sa situation.
7. En l’espèce, M. fait valoir que le département de Maine-et-Loire refuse de l’orienter vers les services compétents pour faire enregistrer sa demande d’asile, au motif qu’il a fait l’objet d’une réévaluation ayant remis en cause sa minorité. Si le département affirme pour sa part qu’il n’existe pas de situation de blocage et qu’il appartient au requérant de prendre rendez-vous avec sa « référente régularisation » dans le cadre de sa demande d’asile, afin que celle-ci puisse prendre contact avec le département pour étudier sa demande et évaluer par la suite sa « faisabilité », il résulte de l’instruction que le requérant a déjà manifesté son souhait de solliciter l’asile auprès de sa référente régularisation, qui l’a aidé à rédiger son récit, et le département fait
lui-même valoir en défense qu’il « est important que la question de l’âge de M. soit tranchée, afin que sa demande d’asile soit la mieux adaptée », corroborant ainsi les allégations du requérant. En outre, le juge des enfants a précisément autorisé le département à réaliser les démarches indispensables à la régularisation de M. et donc à l’enregistrement de sa demande d’asile. Et les doutes émis par les services du département sur la minorité du requérant, mineur qui lui était confié par décision de justice après orientation nationale, ne le dispensaient pas d’assurer les démarches nécessaires à cette fin, en exécution de l’ordonnance du juge des enfants, sauf à le priver de l’accès à la procédure d’asile jusqu’à ce que le juge des tutelles ne se soit prononcé. Alors qu’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant de présenter sa demande d’asile dans les meilleurs délais afin de régulariser sa situation, en n’effectuant pas les démarches nécessaires afin que M., qui lui est confié par le juge des enfants et en a expressément manifesté le souhait, puisse faire enregistrer sa demande d’asile en France et ainsi bénéficier de tous les droits qui s’attachent au statut de demandeur d’asile, le département de Maine-et-Loire, délégataire de l’autorité parentale de M., porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit de M. de solliciter l’asile, justifiant l’intervention du juge du référé-liberté à très bref délai.
[…]. »
Ordonnance à retrouver en format pdf ci-dessous :