Projet de loi relatif à la protection des enfants

Source : Assemblée nationale

Présentation en Conseil des ministres du 16 juin 2021

Le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte le 16 juin 2021

  • Projet de loi déposée le 16 juin 2021 et étude d’impact :

Extraits du PJL concernant les mineur.es isolé.es étranger.es :

Article 3

I. – Le code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 221-2-2, il est inséré un article L. 221-2-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 221-2-3. – Hors périodes de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs, la prise en charge d’une personne mineure ou âgée de moins de vingt-et-un ans au titre des articles L. 221-1 et L. 222-5 est assurée par des personnes mentionnées à l’article L. 421-2 ou dans des établissements et services autorisés au titre des dispositions du présent code.

« Par dérogation au premier alinéa et à titre exceptionnel, pour répondre à des situations d’urgence ou assurer la mise à l’abri des mineurs, cette prise en charge peut être réalisée dans d’autres structures d’hébergement, relevant notamment du code du tourisme, de l’article L. 631-11 du code de la construction et de l’habitation au des articles L. 227-4 et L. 321-1 du présent code. Un décret fixe les conditions d’application du présent article. » ;

2° Le 1° du I de l’article L. 312-1 est remplacé par les dispositions suivantes :

« 1° Les établissements ou services mettant en œuvre des mesures de prévention au titre de l’article L. 112-3 ou d’aide sociale à l’enfance en application de l’article L. 221-1 et les prestations d’aide sociale à l’enfance mentionnées au chapitre II du titre II du livre II, y compris l’accueil d’urgence des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ; »

3° À l’article L. 312-1, après le dix-neuvième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 17° Les établissements ou services mettant en œuvre des mesures d’évaluation de la situation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ; »

4° Au premier alinéa de l’article L. 321-1, les mots : « Si elle n’y est pas autorisée en application d’une autre disposition relative à l’accueil des mineurs » sont remplacés par les mots : « Si elle n’est pas soumise à un régime d’autorisation en application d’une autre disposition relative à l’accueil de mineurs ».

II. – 1° Les dispositions du 1° du I entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le premier jour du douzième mois suivant celui de la publication de la présente loi ;

2° Les personnes ayant procédé à une déclaration sur le fondement de l’article L. 321-1 du code de l’action sociale et des familles, dont l’activité est soumise à un régime d’autorisation en application du I, peuvent continuer à exercer leur activité jusqu’à l’intervention de la décision administrative statuant sur leur demande d’autorisation et, en l’absence d’une telle demande, au plus tard jusqu’au premier jour du treizième mois suivant la date de publication de la présente loi.

Article 14

L’article L. 221-2-2 du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :

1° À la première phrase :

a) Après les mots : « le nombre de mineurs », sont insérés les mots : « et de majeurs de moins de vingt-et-un ans » ;

b) Après les mots : « de leur famille », sont insérés les mots : « pris en charge par l’aide sociale à l’enfance » ;

2° À la deuxième phrase :

a) Après les mots : « de ces mineurs », sont insérés les mots : « et de ces majeurs de moins de vingt-et-un ans » ;

b) Après le mot : « démographiques », est inséré le mot : « , socio-économiques » ;

3° À la troisième phrase, les mots : « les conditions d’évaluation de la situation de ces mineurs et » sont supprimés.

Article 15

Après l’article L. 221-2-2 du code de l’action sociale et des familles, il est inséré un article L. 221-2-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 221-2-3. – I. – Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d’urgence.

« II. – En vue d’évaluer la situation de la personne mentionnée au I, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d’origine, sa nationalité et son état d’isolement.

« Sauf lorsque sa minorité est manifeste, le président du conseil départemental, en lien avec le représentant de l’État dans le département, organise la présentation de la personne auprès des services de l’État afin qu’elle communique toute information utile à son identification et au renseignement, par les agents spécialement habilités à cet effet, du traitement automatisé de données à caractère personnel prévu à l’article L. 142-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Le représentant de l’État dans le département communique au président du conseil départemental les informations permettant d’aider à la détermination de l’identité et de la situation de la personne.

« Le président du conseil départemental peut en outre :

« 1° Solliciter le concours du représentant de l’État dans le département pour vérifier l’authenticité des documents détenus par la personne ;

« 2° Demander à l’autorité judiciaire la mise en œuvre des examens prévus au deuxième alinéa de l’article 388 du code civil selon la procédure définie à cet article.

« Il statue sur la situation de minorité et d’isolement de la personne en s’appuyant sur les entretiens réalisés avec celle-ci, les informations transmises par le représentant de l’État dans le département ainsi que tout autre élément susceptible de l’éclairer.

« III. – Le président du conseil départemental transmet, chaque mois, au représentant de l’État dans le département la date et le sens des décisions individuelles prises à l’issue de l’évaluation prévue au II.

« IV. – L’État verse aux départements une contribution forfaitaire pour l’évaluation de la situation des personnes mentionnées au I.

« Tout ou partie de la contribution n’est pas versée lorsque le président du conseil départemental n’organise pas la présentation de la personne prévue au deuxième alinéa du II ou ne transmet pas, chaque mois, la date et le sens des décisions mentionnées au III.

« V. – Les modalités d’application des dispositions du présent article, notamment celles relatives au versement de la contribution mentionnée au IV, sont fixées par décret en Conseil d’État. »

  • Avis du Conseil d’Etat du 16 juin 2021 :

Extraits de l’avis du Conseil d’Etat :

« 4. Le Conseil d’Etat ne peut que regretter les délais particulièrement resserrés dans lesquels ce projet de loi lui a été soumis, au regard notamment de l’importance de certaines mesures qu’il contient et alors qu’il ne présente, par lui-même, aucun caractère d’urgence justifiant de telles conditions de saisine. Il résulte, en outre, de ce calendrier que les instances dont la consultation était obligatoire ont également été dans l’obligation de se prononcer dans des délais réduits.

Encadrement des conditions d’hébergement des mineurs

7. Le projet de loi comporte plusieurs dispositions relatives à l’aide sociale à l’enfance. Il prévoit ainsi d’interdire, hors des périodes de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs, l’hébergement des personnes mineures et des personnes majeures âgées de moins de vingt-et-un ans dans les établissements qui n’y sont pas expressément autorisés par les dispositions du code de l’action sociale et des familles, et notamment dans les hôtels et les structures bénéficiant d’un agrément « Sport » ou « Jeunesse et éducation populaire ». Cette interdiction est assortie d’une dérogation susceptible d’être mise en œuvre en cas d’urgence ou pour assurer la mise à l’abri de mineurs.

8. Le Conseil d’Etat constate, en premier lieu, que cette mesure a pour objet de réglementer l’exercice du service public de la protection de l’enfance. Il estime, au vu notamment des informations figurant dans l’étude d’impact, que cette disposition qui vise à mettre un terme à une pratique conduisant à une prise en charge inadaptée d’un public particulièrement vulnérable en l’exposant à des risques connus et établis, tend, dans son principe, à mettre en œuvre l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant résultant des dispositions des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 (Conseil constitutionnel, décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019, paragr. 5 et 6 ; décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, paragr. 59 et 60). Il s’interroge toutefois sur la brièveté du délai prévu par le Gouvernement pour la mise en œuvre de cette disposition et invite le Gouvernement à apporter, au cours des travaux parlementaires, les informations qui permettront d’éclairer le législateur sur le choix du délai à retenir pour que la disposition remplisse l’objectif d’amélioration des conditions de prise en charge des enfants.

Evaluation des mineurs privés de la protection de leur famille

31. Le projet de loi reprend des dispositions dont le Conseil d’Etat a déjà eu à connaître une première fois dans le cadre de l’examen du projet de loi confortant le respect, par tous, des principes républicains (Assemblée générale, 3 décembre 2020, n° 401549) et une deuxième fois dans celui de l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (Assemblée générale, 6 mai 2021, n° 402412). Le Conseil d’Etat souligne en premier lieu que ces dispositions sont actuellement soumises à l’examen du Parlement et qu’il conviendra de coordonner l’examen du nouveau projet avec la procédure législative en cours. Il ne peut, en second lieu, en l’absence de changement de circonstances de droit ou de fait, que reprendre les développements qu’il avait consacrés à ces dispositions lors de ses précédents avis.

32. Le projet de loi modifie la procédure d’évaluation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille prévue à l’article L. 221 2 2 du code l’action sociale et des familles qui ressortit à la compétence du président du conseil départemental. En l’état actuel du droit, le président du conseil départemental s’appuie sur les entretiens conduits par des professionnels spécialement formés avant de statuer sur la minorité et l’isolement de la personne concernée. Depuis le décret n° 2019 57 du 30 janvier 2019 relatif aux modalités d’évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif à ces personnes, il peut, s’il le souhaite, recueillir des informations complémentaires et organiser la présentation de la personne concernée auprès des agents des services de l’Etat spécialement habilités à recueillir les informations utiles à son identification et à renseigner le traitement de données intitulé « application d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM) », établi sur le fondement de l’article L. 611 6 1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (devenu, depuis le 1er mai 2021, l’article L. 142 3 de ce même code) et régi par les articles R. 221 15 1 à R. 221 15 9 du code de l’action sociale et des familles.

Selon l’étude d’impact, le dispositif de protection des mineurs isolés est aujourd’hui victime d’engorgement sous le double effet d’un nombre croissant de demandes d’étrangers majeurs et de la réitération des demandes dans plusieurs départements. Afin d’y remédier, le Gouvernement souhaite rendre obligatoires, d’une part, l’organisation de la présentation des personnes concernées auprès des services de l’Etat ainsi que le renseignement du traitement de données AEM et, d’autre part, la transmission au préfet, chaque mois, des décisions prises par le président du conseil départemental sur la situation de minorité et d’isolement de ces personnes. Ces dispositions visent à compléter les informations prises en compte par le président du conseil départemental au moment où il statue et à mieux détecter les demandes multiples.

33. Le Gouvernement souhaite également conditionner le versement des contributions forfaitaires de l’Etat aux départements au titre des charges d’évaluation à l’organisation de la présentation de la personne concernée auprès des agents des services de l’Etat et à la transmission au préfet des décisions statuant sur la situation des personnes concernées.

34. En premier lieu, le Conseil d’Etat, reprenant sur ces dispositions du projet de loi les termes de ses précédents avis, note que le Conseil constitutionnel a jugé, à propos de la création du traitement de données AEM, que « ces dispositions n’ont ni pour objet ni pour effet de modifier les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu et aux protections attachées à la qualité de mineur, notamment celles interdisant les mesures d’éloignement et permettant de contester devant un juge l’évaluation réalisée. À cet égard, la majorité d’un individu ne saurait être déduite ni de son refus opposé au recueil de ses empreintes ni de la seule constatation, par une autorité chargée d’évaluer son âge, qu’il est déjà enregistré dans le fichier en cause ou dans un autre fichier alimenté par les données de celui-ci » (décision n° 2019 797 QPC, 26 juillet 2019, paragr. 7). Il rappelle également que le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a précisé que « l’intervention des agents des préfectures a pour seul objet de fournir au président du conseil départemental des informations permettant d’aider à la détermination de l’identité et de la situation de la personne, qui sont alors l’un des éléments de l’évaluation qui doit être conduite, en vertu du III de l’article R. 221 11 du code de l’action sociale et des familles, par les services du département, ou de la structure du secteur public ou du secteur associatif à laquelle cette mission a été déléguée par le président du conseil départemental. Elle est distincte des entretiens menés avec les intéressés par les professionnels de ces services ou structures, en application du septième alinéa du II du même article, dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire » (CE, 5 février 2020, nos 428478 428826, UNICEF France et autres, Conseil national des barreaux, point n° 9).

La transformation de la possibilité de saisir les services de la préfecture en une obligation ne modifie pas les effets juridiques associés, tels qu’ils ont été décrits ci-dessus dans les deux décisions précitées. Le Conseil d’Etat considère, par suite, que l’obligation d’organiser la présentation mentionnée au point 32 auprès des services de l’Etat dans le cadre de l’évaluation n’affecte pas la compétence que détient le président du conseil départemental en la matière et n’a pas d’incidence sur la protection dont doivent bénéficier les personnes mineures. Cette mesure ne méconnaît ainsi ni le principe de libre administration des collectivités territoriales, ni l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, ni les stipulations de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ou de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

35. En second lieu, le Conseil d’Etat constate, d’une part, que les nouvelles obligations mentionnées au point 32 mises à la charge des départements correspondent à une augmentation de dépenses liées à des compétences déjà transférées et qu’il revient en conséquence à l’Etat, dès lors qu’aucune compensation n’est requise, de fixer les conditions de versement de sa contribution. Il relève, d’autre part, que le Conseil constitutionnel veille à ce que les dispositions législatives qui réduisent les ressources des collectivités territoriales ne les restreignent pas au point d’entraver leur libre administration et de méconnaître ainsi l’article 72 de la Constitution (décision n° 2016 745 DC, 26 janvier 2017, paragr. 61 et 63 à 69). A titre d’exemple, le Conseil constitutionnel a admis des diminutions de la dotation globale de fonctionnement pour les années 2015, 2016 et 2017, pour des montants respectivement de 1,9 %, 1,6 % et 1 % des recettes de ces collectivités territoriales (décision n° 2014 707 DC, 29 décembre 2014, cons. 20 et 23 ; décision n° 2016 744 DC, 29 décembre 2016, paragr. 52 et 53).

En l’espèce, il ressort des informations communiquées par le Gouvernement que le montant de la contribution forfaitaire mentionnée ci-dessus représente 0,14 % des recettes réelles de fonctionnement des départements. Le Conseil d’Etat estime qu’il en résulte que l’absence de versement de cette contribution aux départements qui ne respecteraient pas l’obligation mensuelle de transmission de leurs décisions à la préfecture ne serait pas de nature à restreindre excessivement leurs ressources et à entraver leur libre administration.

36. En complément de la réforme de l’évaluation, le projet de loi complète sur deux points le dispositif de prise en charge des personnes prises en charge par l’aide sociale à l’enfance et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. D’une part, le projet de loi étend les dispositions sur les informations transmises au ministre de la justice par les départements aux majeurs de moins de vingt-et-un ans privés de la protection de leur famille et pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. D’autre part, il ajoute un critère socio-économique pour la répartition proportionnée de l’accueil des mineurs et de ces majeurs de moins de vingt-et-un ans entre les départements.

L’extension aux majeurs de moins de vingt-et-un ans privés de la protection de leur famille et pris en charge par l’aide sociale à l’enfance permettra la remontée d’informations sur les personnes bénéficiant d’un accueil provisoire en qualité de jeune majeur par le département. Par ailleurs, la répartition de l’accueil de ces personnes entre les départements se fait actuellement sur la base de critères démographique et d’éloignement géographique.

Avec l’ajout d’un critère socio-économique, le projet de loi vise à alléger la charge liée à l’accueil de ces personnes pour les départements les moins bien dotés et à faire contribuer davantage les départements plus favorisés. Ces dispositions n’appellent pas d’observations du Conseil d’Etat. »

Retour en haut de page