Résumé :
La Cour annule l’arrêté par lequel la préfète a refusé à l’intéressé un titre de séjour (sollicité sur le fondement de l’article L.313-15 – devenu L.435-3 du CESEDA) au motif que les documents d’état civil présentés seraient faux.
La Cour retient que la présomption de validité des actes d’état civil étrangers, posée par l’article 47 du code civil, n’est pas renversée. En effet, les documents ont été légalisés par une personne habilitée et il ne ressort pas des dispositions du code civil guinéen que les jugements supplétifs doivent comporter l’ensemble des mentions prévues par l’article 196 du même code. Par ailleurs, l’existence de deux jugements supplétifs (le demandeur en ayant présenté un premier daté d’avril 2019, puis un second de juillet 2019), la présence de cachets humides ou encore l’absence de sécurité documentaire sont des éléments insuffisants pour démontrer que les documents seraient irréguliers, falsifiés ou inexacts.
La Cour rappelle en outre que si la préfète soulève la présence de membres de la famille de l’intéressé dans son pays d’origine, l’article L.313-15 du CESEDA n’exige pas que le demandeur soit isolé dans son pays d’origine.
Extraits de l’arrêt :
« 9. Pour contester l’authenticité de ces actes, la préfète de la Haute-Saône s’est fondée sur les conclusions des rapports d’expertise […] de la police aux frontières qui a notamment mis en doute l’authenticité du cachet apposé sur le jugement supplétif, de la signature de la personne signataire de la légalisation et la possibilité pour un même individu de bénéficier de plusieurs jugements supplétifs. Ces rapports indiquent également que ces jugements supplétifs ne sont pas conformes au code civil guinéen car ils ne comportent pas toutes les mentions requises pour un acte de naissance tel que cela est prévu par l’article 196 de ce code.
10. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le second jugement supplétif du 31 juillet 2019 tenant lieu d’acte de naissance ainsi que sa retranscription ont été légalisés par Mme A, chargée des affaires consulaires au sein de l’ambassade de Guinée en France le 1er juillet 2020, laquelle est habilitée pour légaliser les documents d’état civil. Par ailleurs, il ne ressort pas des dispositions du code civil guinéen, et en particulier de son article 193 qui régit les jugements supplétifs, que ces derniers doivent comporter l’ensemble des mentions prévues par les dispositions de l’article 196 du même code relatif aux actes d’état civil. L’existence de deux jugements supplétifs ne saurait, par elle-même, démontrer que ces deux jugements présenteraient un caractère irrégulier, falsifié ou inexact. Enfin, les circonstances que les cachets humides soient de qualité moyenne et que les documents en cause ne comportent pas de sécurité documentaire ne sauraient suffire à établir que ces actes d’état civil seraient irréguliers, falsifiés ou inexacts. Par suite, la préfète de la Haute-Saône ne renverse pas la présomption de validité qui s’attache, en vertu notamment de l’article 47 du code civil, aux mentions contenues dans le jugement supplétif du 31 juillet 2019 et sa retranscription.
11. En deuxième lieu, si le préfet fait valoir dans ses écritures que M. A a de la famille dans son pays d’origine, les dispositions de l’article L. 313-15 n’exigent pas que le demandeur soit isolé dans son pays d’origine.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que la préfète de la Haute-Saône a méconnu les dispositions de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par suite, M. A est fondé à demander l’annulation de la décision lui refusant la délivrance d’une carte de séjour sur le fondement de ces dispositions […]. »
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