Cour administrative d’appel de Nantes - 3ème Chambre – Arrêt N° 22NT01226 du 16 septembre 2022 – Annulation d’un refus de titre de séjour – Article 80 du code civil ivoirien – Délai entre l’émission d’un jugement supplétif ivoirien et sa transcription au registre de l’état civil

Résumé :

La Cour retient que c’est à tort que le préfet a fondé sa décision de refus de titre de séjour (sollicité au titre de l’art. L.435-3 du CESEDA) sur le défaut de justification de l’état civil de l’intéressé (tel qu’exigé par l’art. R.431-10 du CESEDA). En effet, si le préfet fait valoir que la transcription du jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance a été effectuée avant l’expiration du délai d’appel d’un mois prévu par l’article 80 du code civil ivoirien (le jugement supplétif ayant été émis le 3 octobre 2014 et sa transcription réalisée le 13 octobre 2014), il ne justifie pas de ce que cet article s’applique aux jugements supplétifs, ni de ce que ce délai serait suspensif de l’exécution de tels jugements. Au demeurant, le fait que l’acte de naissance ait été émis durant le délai d’appel ne remet pas en cause les mentions présentes dans ces documents. Ainsi, l’intéressé, qui présente en outre un passeport délivré en 2016, a justifié de son état civil et de sa nationalité.

La Cour annule la décision du préfet et enjoint à ce dernier de délivrer un titre de séjour au requérant.


Extraits de l’arrêt :

« 2. Il ressort des pièces du dossier […] que, pour refuser à M. C la délivrance d’un titre de séjour, le préfet d’Ille-et-Vilaine s’est fondé sur la circonstance que l’intéressé avait produit des documents d’état civil irréguliers.

3. Aux termes de l’article R. 311-2-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, alors en vigueur : " L’étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. () ". L’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit, en son premier alinéa, prévoit que la vérification des actes d’état civil étrangers doit être effectuée dans les conditions définies par l’article 47 du code civil. […].

4. En outre, il n’appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d’une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère, hormis le cas où le jugement produit aurait un caractère frauduleux.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C a fourni à l’appui de sa demande de titre de séjour notamment un jugement supplétif [...] tenant lieu d’acte de naissance, rendu le 3 octobre 2014 par le tribunal de première instance d’Abengourou, ainsi qu’un justificatif de sa transcription du 13 octobre 2014, [...], au registre de l’état civil [...]. Si le préfet d’Ille-et-Vilaine fait valoir que cette transcription a été effectuée avant l’expiration du délai d’appel d’un mois prévu par l’article 80 du code civil ivoirien, il ne justifie ni de ce que ce délai s’appliquerait aux jugements supplétifs, ni de ce que ce délai d’appel serait suspensif de l’exécution de tels jugements. En tout état de cause, la circonstance que l’acte de naissance a été émis dans le délai d’appel dont est susceptible d’être frappé le jugement n’est pas de nature à remettre en cause la sincérité des mentions apportées dans les documents d’état civil présentés. Dans ces conditions, M. C, qui s’est en outre vu délivrer un passeport par les autorités ivoiriennes le 30 mai 2016, doit être regardé comme ayant justifié de son état civil et de sa nationalité, comme l’exigent les dispositions précitées de l’article R. 311-2-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Par suite, le préfet d’Ille-et-Vilaine ne pouvait légalement se fonder sur un défaut de justification de son état civil par l’intéressé pour lui refuser la délivrance d’un titre de séjour.

[…]. »


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CAA Nantes – Arrêt N° 22NT01226 du 16 septembre 2022
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