Cour administrative d’appel de Nancy – 4ème chambre – Arrêt du 21 juillet 2022 N° 21NC03080 – Annulation d’une OQTF au regard de l’illégalité de la décision de refus de titre de séjour – Article 47 du Code civil – Présentation d’un jugement supplétif ivoirien devant le tribunal – Absence d’exigence de légalisation – Cachets humides présentant des anomalies

Résumé :

La requérante invoque par la voie de l’exception, l’illégalité de la décision de refus de séjour afin de demander l’annulation de la décision d’obligation de quitter le territoire français, toutes deux prises par le préfet du territoire de Belfort.

La Cour retient que c’est à tort que le préfet a refusé à l’intéressée la délivrance d’un titre de séjour (demande fondée sur l’article L.423-22 du CESEDA) au motif qu’elle ne justifiait pas avoir été confiée à l’ASE au plus tard le jour de ses seize ans, ses documents d’identité n’étant pas probants.
En effet, la Cour estime que le préfet ne renverse pas la présomption de validité, posée par l’article 47 du Code civil, qui s’attache aux documents d’état-civil présentés. Si le préfet se fonde sur les rapports de la PAF qui ont émis un avis défavorable sur ces documents, l’intéressée a, postérieurement à la décision du préfet, produit un jugement supplétif qui doit être admis sans légalisation en application de l’article 21 de l’accord franco-ivoirien du 24 avril 1961. Par ailleurs, la présence de cachets humides présentant des anomalies sur les documents analysés par la PAF n’est pas suffisante pour établir qu’ils seraient irréguliers, falsifiés ou inexacts.

Ainsi, la Cour annule l’OQTF prononcée par le préfet (ainsi que les décisions d’IRTF et d’assignation à résidence) et enjoint à ce dernier de réexaminer la situation de l’intéressée.


Extraits de l’arrêt :

« Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

3. Mme B soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l’illégalité entachant la décision de refus de séjour.

[…]

10. Pour refuser la délivrance d’un titre de séjour à Mme B, le préfet du territoire de Belfort a opposé à l’intéressée qu’elle ne justifiait pas, au regard des pièces fournies, avoir été confié à l’aide sociale à l’enfance au plus tard le jour de ses seize ans.

11. Il ressort des pièces du dossier que pour établir son identité, Mme B a produit, à l’appui de sa demande de titre de séjour, un extrait du registre des actes d’état civil […], une copie intégrale du registre des actes de l’état civil […], un duplicata d’un certificat de nationalité ivoirienne […], un passeport ordinaire biométrique […]. Enfin, elle a également produit devant le tribunal un jugement supplétif établi le 12 novembre 2020 par le tribunal de première instance de Daloa. Il ressort des deux rapports rédigés le 3 mai et le 23 septembre 2021, que les services de la police aux frontières de Pontarlier ont émis un avis défavorable sur la valeur probante des documents présentés par Mme B et l’impossibilité de déterminer l’origine de ces documents en se fondant, en particulier, sur le caractère aisément imitable des cachets humides et secs qui présentent des anomalies telles que des erreurs de transcription ainsi que sur la circonstance que ces documents n’étaient pas légalisés.

12. Pour contester l’authenticité de ces actes, le préfet du territoire de Belfort s’est fondé sur ces rapports de la police aux frontières pour en conclure que l’ensemble des documents présentés par la requérante révélaient des erreurs rédhibitoires et présentaient des contradictions. Toutefois, la requérante a produit devant le tribunal administratif une expédition du jugement supplétif avec la signature du greffier en chef de la section du tribunal […]. Bien que produit postérieurement à la décision contestée, ce jugement supplétif qui doit être admis sans légalisation en application de l’article 21 de l’accord franco-ivoirien précité, a été communiqué au préfet qui n’a pas émis d’observations sur ce document. Par ailleurs, les circonstances que les cachets humides présentent des anomalies ne sauraient suffire à établir que ces actes d’état civil seraient irréguliers, falsifiés ou inexacts. Dans ces conditions, le préfet du territoire de Belfort ne renverse pas la présomption de validité qui s’attache, en vertu notamment de l’article 47 du code civil, aux mentions contenues dans les actes d’état civil produits et ne pouvait en conséquence rejeter sa demande de titre de séjour en considérant que ces documents n’étaient pas probants.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B est fondée à soutenir que le préfet du territoire de Belfort a méconnu les dispositions de l’article L. 423-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et à invoquer par la voie de l’exception, l’illégalité de la décision de refus de séjour à l’appui de ses conclusions tendant à l’annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

14. Par suite, Mme B est fondée à demander l’annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, ainsi que par voie de conséquence celles portant interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence doivent également par voie de conséquence être annulées.

[…]. »


Voir l’arrêt au format PDF :

CAA Nancy – Arrêt du 21 juillet 2022 N° 21NC03080
Retour en haut de page