Cour administrative d’appel de Marseille – 1ère chambre – Arrêt du 15 septembre 2022 N°21MA03643 – Annulation d’un refus de titre de séjour – Articles 898 et 899 du code de procédure civile guinéen – Articles 175 et 179 du code civil guinéen et article 160 du code de l’enfant guinéen – L’absence de légalisation des documents d’état civil ne fait pas obstacle, par elle-même, à leur prise en compte – Caractère réel et sérieux du suivi de la formation au regard de l’obtention du BEP

Résumé :

La Cour annule l’arrêté du préfet du Gard par lequel il refuse à l’intéressé la délivrance d’un titre de séjour (sollicitée sur le fondement de l’article L. 313-15 – devenu L. 435-3 du CESEDA) et lui fait obligation de quitter le territoire français.

En premier lieu, la Cour retient que c’est à tort que le préfet a considéré que l’intéressé ne justifiait pas de son état-civil. En effet, si le préfet soulignait que la transcription du jugement supplétif plus de dix jours après son prononcé méconnaissait les articles 898 et 899 du code de procédure civile guinéen, la Cour retient que la retranscription tardive du jugement supplétif dans les registres de l’état civil ne suffit pas à établir le caractère frauduleux du jugement. Il en est de même s’agissant de la faute d’orthographe présente sur un des tampons du jugement. De plus, si le préfet relève une méconnaissance des articles 175 et 179 du code civil guinéen et de l’article 160 du code de l’enfant guinéen relatifs aux mentions que doivent comporter un acte de naissance, il ne démontre pas que ces dispositions s’appliquent aux jugements supplétifs ou aux actes procédant à leur transcription, ni que ces derniers doivent comporter l’ensemble des mentions devant figurer sur les actes de naissance.

Par ailleurs, si le préfet soutenait que les documents d’état-civil de l’intéressé étaient dépourvus de valeur probante car non légalisés à la date de l’arrêté, la Cour rappelle que l’absence de légalisation des documents d’état civil ne fait pas obstacle, par elle-même, à leur prise en compte par l’autorité administrative.

En second lieu, la Cour estime que le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article L.435-3 du CESEDA en rejetant la demande d’admission exceptionnelle au séjour de l’intéressé. En particulier, malgré des appréciations contrastées et des absences, la Cour estime que l’intéressé, qui a choisi de redoubler sa classe de première afin d’améliorer ses résultats, justifie du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation au regard de l’obtention de son BEP.

RAPPEL – Absence de légalisation des actes d’état-civil étrangers soumis à cette obligation :

Au considérant 6. de cet arrêt, la CAA de Marseille s’aligne sur l’avis du Conseil d’Etat du 21 juin 2022 N°457494 dans lequel il avait énoncé que :

« 7. A la condition que l’acte d’état civil étranger soumis à l’obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l’autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d’authenticité, l’absence ou l’irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu’il contient. En particulier, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’admission au séjour sur le fondement de l’article L.435-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il appartient à l’autorité administrative d’y répondre, sous le contrôle du juge, au vu de tous les éléments disponibles, dont les évaluations des services départementaux et les mesures d’assistance éducative prononcées, le cas échéant, par le juge judiciaire, sans exclure, au motif qu’ils ne seraient pas légalisés dans les formes requises, les actes d’état civil étrangers justifiant de l’identité et de l’âge du demandeur. »


Extraits de l’arrêt :

« 6. D’autre part, à la condition que l’acte d’état civil étranger soumis à l’obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l’autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d’authenticité, l’absence ou l’irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu’il contient. En particulier, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’admission au séjour sur le fondement des dispositions de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, devenu son article L. 435-3, il appartient à l’autorité administrative d’y répondre, sous le contrôle du juge, au vu de tous les éléments disponibles, dont les évaluations des services départementaux et les mesures d’assistance éducative prononcées, le cas échéant, par le juge judiciaire, sans exclure, au motif qu’ils ne seraient pas légalisés dans les formes requises, les actes d’état civil étrangers justifiant de l’identité et de l’âge du demandeur.

7. […]. Toutefois, la circonstance, à la supposer établie, que le jugement supplétif ait été transcrit tardivement dans les registres de l’état civil guinéen ne saurait suffire, par elle-même, à établir le caractère frauduleux de ce jugement. Il en va de même de la circonstance que l’un des tampons figurant sur ce jugement comporterait une faute d’orthographe. Par ailleurs, si le préfet s’est fondé sur la méconnaissance de dispositions issues de différents codes guinéens et relatives aux mentions devant figurer sur les actes de naissance, il n’établit ni même n’allègue que ces dispositions seraient applicables aux jugements supplétifs ou aux actes procédant à leur transcription, ni que ceux-ci devraient comporter l’ensemble des mentions devant figurer sur les actes de naissance. Compte tenu de ce qui précède, le préfet du Gard ne démontre pas que la carte d’identité consulaire produite par M. C aurait été établie sur la base d’informations erronées en ce qui concerne l’état civil de l’intéressé. Dans ces conditions, le préfet n’apporte pas la preuve, qui lui incombe, que les informations relatives à l’état civil de M. C figurant dans les documents qu’il a produits à l’appui de sa demande de titre de séjour, notamment en ce qui concerne sa date de naissance, présenteraient un caractère irrégulier, falsifié ou inexact. Il suit de là que c’est à tort que cette autorité, qui au demeurant n’établit ni même n’allègue s’être fondée sur un rapport d’analyse documentaire à cet égard, a retenu que l’intéressé ne justifiait pas de son état civil et qu’il ne démontrait pas avoir été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance entre l’âge de seize ans et l’âge de dix-huit ans. Si la préfète du Gard soutient que, faute d’avoir été légalisés antérieurement à l’édiction de l’arrêté attaqué, les documents produits par M. C sont dépourvus de valeur probante, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que cette absence de légalisation ne fait pas obstacle, par elle-même, à leur prise en compte par l’autorité administrative compétente.

8. […]. Si les bulletins scolaires de M. C concernant cette année scolaire font apparaître des appréciations contrastées de ses professeurs ainsi que plusieurs demi-journées d’absence, dont certaines ne sont il est vrai pas justifiées, il ressort des pièces du dossier qu’il a obtenu le diplôme du brevet d’études professionnels " travaux publics " à l’issue de l’année scolaire en cause. Dans ces conditions, en dépit de ses insuffisances dans certaines matières, M. C, qui soutient d’ailleurs, sans contredit sérieux, avoir choisi de redoubler sa classe de première au titre de l’année scolaire 2020-2021 afin d’améliorer ses résultats, justifie du caractère réel et sérieux du suivi de sa formation à la date de la décision de refus de titre de séjour en litige. […]. »


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CAA Marseille - 15 septembre 2022 - N°21MA03643
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