Résumé :
La Cour d’appel infirme le jugement du juge des enfants et ordonne le placement de l’intéressé à l’ASE.
Elle retient en effet que la présomption de validité des actes d’état civil étrangers posée par l’article 47 du code civil n’est pas renversée.
S’agissant de l’original du volet n°3 de l’extrait d’acte de naissance présenté, la Cour retient que si l’article 126 du code des personnes et de la famille malien prévoit que les dates doivent être écrites en toutes lettres, le consulat du Mali a Paris a indiqué qu’en pratique, la rédaction se fait en chiffres et/ou en lettres ou les deux. En l’espèce, la mention de déclaration en chiffres ne remet pas en cause l’authenticité de l’acte (par ailleurs la date de naissance est ici bien indiquée en toutes lettres). Par ailleurs, conformément à l’article 125 du code des personnes et de la famille, le nom et le prénom de l’officier d’état (dont la compétence est démontrée) sont bien mentionnés. De plus, si l’âge des parents n’est pas indiqué, aucune case pré-remplie n’est présente à cet effet sur le document. En outre, si le décès de sa mère n’est pas non plus mentionné, la Cour souligne qu’en pratique, l’officier d’état civil l’indique rarement. Ainsi, ces éléments sont insuffisants pour remettre en cause l’authenticité de l’acte délivré par un officier d’état civil habilité.
Concernant la copie d’extrait d’acte de naissance présentée, le juge des enfants avait relevé une contradiction avec le volet n°3 s’agissant du lieu de naissance de l’intéressé. Or, le fait que l’officier d’état civil ait ajouté sur un des documents la mention de la région de naissance en plus de celle du village n’est pas inexact et n’entache pas de fraude ce dernier.
La Cour retient enfin le caractère aléatoire et subjectif des entretiens menés dans le cadre de l’évaluation réalisée par le conseil départemental et souligne que pour l’un d’entre eux, les qualités et formations des intervenants ne sont pas précisées. En outre, les imprécisions relevées sur le récit de vie à l’issue d’un parcours migratoire traumatique sont insuffisantes pour renverser la présomption d’authenticité.
Extraits de l’arrêt :
« Sur les documents d’état civil :
[...].
Si aux termes de l’article 126 du code des personnes et de la famille malien, "l’acte d’état civil indique la date de l’événement qu’il relate ainsi que la date de son établissement et que ces dates doivent être inscrites en toutes lettres", le consulat du Mali à Paris a souligné que la pratique de l’Etat civil a consacré la rédaction des actes en chiffres et/ou en lettres ou les deux, en sorte qu’en l’espèce la mention de déclaration en chiffres (17.12.2004) ne remet pas en cause l’authenticité de l’acte, étant souligné que la date de naissance […] est écrite en toutes lettres, respectant ainsi donc les dispositions de l’article 126 du code des personnes et de la famille.
[...].
Si l’article 125 du code des personnes et de la famille dispose : "Les actes d’état civil énoncent nécessairement les noms et prénoms de l’officier de l’état civil, les noms, prénoms et domicile de tous ceux qui y sont mentionnées", la cour constate que le volet n°3 mentionne bien le nom et prénom de l’officier d’état civil : Ibrahima T., le tampon bleu figurant au bas du document mentionnant la qualité de maire d’Ibrahima T qui a signé le document. [...].
Il est en outre démontré au terme d’une attestation en date du 4 juillet 2022, à laquelle il a joint sa carte Nina mentionnant son identité [...] que M. Ibrahima T. [...] était bien maire en 2004 de la Commune de Kolimbiné et qu’il se fait appeler indifféremment Ibrahim T. où Ibrahima T. ainsi que le précisé M. Lakamy S. maire de la commune de Kolimbiné dans une attestation en date du 8 septembre 2022.
Ibrahima T. était donc bien compétent pour signer la copie d’extrait d’acte de naissance délivrée le 15 novembre 2021.
Enfin, si l’âge des parents n’est pas non plus mentionné, force est de constater qu’il n’y a pas de case pré-remplie à cet effet sur le document.
Concernant la copie d’extrait d’acte de naissance délivrée le 15 novembre 2021 :
Le premier juge a considéré qu’il existe une contradiction entre la copie d’extrait d’acte de naissance mentionnant comme lieu de naissance Tacoutala / Kayes alors que le volet n°3 fait mention de « Tacoutala ».
Mais Tacoutala est un village dans la commune de Colimbiné, dans le cercle de Kayes, dans la région de Kayes au sud-ouest du Mali. Le fait que l’officier d’état civil ait ajouté la mention de Kayes à la mention Tacoutala dans la copie d’extrait d’acte de naissance n’est pas inexact et n’entache pas de fraude le document.
[...].
Le document est donc authentique.
S’agissant de la mention du décès de la mère qui n’est pas évoqué et de l’âge des parents qui est absent sur le volet n°3, il peut arriver qu’il y soit mentionné « feu » ou « feue » devant le nom du parent décédé ainsi […], mais il arrive qu’en pratique l’officier d’état civil le mentionne rarement.
[...].
Ces omissions ne suffisent pas à remettre en cause l’authenticité de l’acte, délivré par l’officier d’état civil [...] .
Les actes, qui ne présentent pas de caractère irrégulier ni frauduleux, bénéficient donc de la présomption de l’article 47 du code civil que le Conseil départemental ne renverse pas.
S’agissant de l’évaluation :
M.A a fait l’objet de deux entretiens ayant donné lieu à deux rapports [...], le premier ayant conclu à une mise à l’abri avec poursuite des investigations au motif que l’apparence physique et le développement staturo pondéral pourrait correspondre à celle d’un jeune qui aura 17 ans en fin d’année mais il pourrait être plus âgé qu’il le déclare.
Ces deux conclusions contradictoires illustrent le caractère aléatoire et subjectif des entretiens, le second étant au surplus réalisé par deux intervenants dont on ignore les qualités et formations.
L’apparence et l’attitude de M.A telles qu’évaluées en second entretien sont dans le cas d’espèce bien trop subjectives, en l’absence de renvoi précis à un élément qui s’avèrerait particulièrement remarquable, pour pouvoir emporter renversement de la présomption de l’article 47 du code civil.
Les imprécisions relevées sur le récit de vie à l’issue de parcours migratoire traumatique ne suffisent pas à renverser la présomption d’authenticité.
[...]. »
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