Résumé :
Le Conseil d’Etat confirme l’ordonnance par laquelle le tribunal administratif de Melun a enjoint au président du conseil départemental du Val-de-Marne de poursuivre la prise en charge de l’intéressé au titre d’un contrat « jeune majeur » jusqu’à la fin de l’année scolaire en cours (2022-2023).
L’intéressé, placé à l’aide sociale à l’enfance lors de sa minorité, a ensuite conclu un contrat « jeune majeur » avec le département du Val-de-Marne. Il en a sollicité la prolongation, faisant valoir qu’à la suite de son échec à l’obtention de son CAP à la fin de l’année scolaire 2021-2022, il avait été autorisé à se réinscrire et avait trouvé un nouvel employeur pour réaliser son apprentissage. Aucune suite n’a été donnée à cette demande, ce qui allait le contraindre à quitter son hébergement sans pouvoir bénéficier d’un logement accessible aux jeunes travailleurs, compromettant ainsi la poursuite de sa scolarité au sein de son CFA, ainsi que sa formation en alternance, qui avaient toutes deux débutées.
Le Conseil d’Etat estime qu’au regard de ces circonstances particulières, l’argumentation du conseil départemental tirée de l’absence de justification de la minorité de l’intéressé lors de sa prise en charge par l’ASE, de son échec à l’obtention de son CAP à la fin de l’année scolaire 2021-2022, ainsi que de l’absence d’information des services du département sur sa réinscription en formation, ne conduisent pas à remettre en cause l’appréciation du juge des référés du tribunal administratif de Melun concluant à l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale résultant du refus de prolonger la prise en charge de l’intéressé, ainsi qu’à l’urgence de cette prise en charge.
« Sont pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance sur décision du président du conseil départemental :
[…]
5° Les majeurs âgés de moins de vingt et un ans et les mineurs émancipés qui ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants, lorsqu’ils ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance avant leur majorité, y compris lorsqu’ils ne bénéficient plus d’aucune prise en charge par l’aide sociale à l’enfance au moment de la décision mentionnée au premier alinéa du présent article.
Peuvent être également pris en charge à titre temporaire, par le service chargé de l’aide sociale à l’enfance, les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants.
Un accompagnement est proposé aux jeunes mentionnés au 1° du présent article devenus majeurs et aux majeurs mentionnés au 5° et à l’avant-dernier alinéa, au-delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée . »
Extraits de l’ordonnance :
« 4. Il résulte de l’instruction devant le tribunal administratif de Melun que M.A…, ressortissant guinéen, entré en France en octobre 2019, a été placé à l’aide sociale à l’enfance par un jugement du 24 février 2020 du juge des enfants du tribunal judiciaire de Créteil. Confié à la direction de la protection de l’enfance et de la jeunesse du conseil départemental du Val-de-Marne, il a conclu, le 19 janvier 2022, avec le département, un contrat d’aide à un jeune majeur pour la période du 14 janvier au 14 juin 2022, afin de suivre une formation en mécanique. Ce contrat a été prolongé jusqu’au 13 octobre 2022 par un avenant du 13 mai 2022. M. A... en a sollicité la prolongation, par une lettre du 6 septembre 2022, en faisant valoir le fait qu’à la suite de son échec à obtenir son certificat d’aptitude professionnelle, il avait été autorisé à se réinscrire et avait trouvé un nouvel employeur qui acceptait de le prendre comme apprenti. Aucune suite n’a été donnée à sa demande de telle sorte que, ainsi que l’a relevé le juge des référés du tribunal administratif, il allait devoir quitter son centre d’hébergement sans pouvoir bénéficier d’un logement accessible aux jeunes travailleurs, ce qui compromettait la poursuite tant de sa scolarité au sein du centre de formation d’apprentis que sa formation en alternance [...] alors même que celles-ci avaient commencé depuis le 14 septembre 2022. Eu égard à l’ensemble des circonstances particulières de l’espèce, l’argumentation présentée en appel par le président du conseil départemental du Val de Marne, tirée de l’absence de justification de la minorité de M. A... lors de sa prise en charge par l’aide sociale à l’enfance, de son échec à obtenir son CAP à la fin de l’année scolaire 2021/2022 ainsi que de l’absence d’information des services du département sur sa réinscription à cette formation, ne conduisent pas à remettre en cause l’appréciation du juge des référés du tribunal administratif de Melun ni sur l’existence d’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale résultant du refus de prolonger la prise en charge de M. A..., en sa qualité de jeune majeur, au-delà de la date du 13 octobre 2022, ni sur l’urgence de cette prise en charge.
5. Il résulte de ce qui précède que le département requérant n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a enjoint au président de son conseil départemental d’accorder à M. A... une poursuite de sa prise en charge au titre d’un contrat " jeune majeur " à compter du 13 octobre 2022 et jusqu’à la fin de l’année scolaire 2022-2023. Il y a lieu dès lors de rejeter son appel selon la procédure prévue par l’article L. 522-3 du code de justice administrative.
[…] »
Voir l’ordonnance du Conseil d’Etat au format PDF :