Cour administrative d’appel de Nancy - 1ère chambre - formation à 3 - Arrêt du 21 juillet 2022 N°20NC03286 - Annulation d’un refus de titre de séjour - Erreur d’appréciation de la validité de documents d’état civil légalisés malgré l’existence d’un enregistrement temporaire sous un autre nom et d’un rapport négatif de la PAF - Absence de la date et du lieu de naissance des parents – Impressions réalisées au toner - Anomalies cachets

Résumé :

La Cour annule l’arrêté du préfet du Doubs par lequel il refuse à l’intéressé la délivrance d’un titre de séjour (sollicitée sur le fondement de l’article L. 313-15 – devenu L. 435-3 du CESEDA) et lui fait obligation de quitter le territoire français.

En effet, la Cour estime que malgré les anomalies des cachets, l’absence de certaines mentions biographiques manuscrites et les impressions réalisées au toner, ces dernières ne sont pas de nature à remettre en cause les documents d’état civil légalisés.

C’est à tort que le préfet a refusé à l’intéressé, de nationalité guinéenne et anciennement pris en charge par l’ASE, la délivrance d’un titre de séjour au motif que ce dernier a été enregistré en France dans un premier temps sous une autre identité et que les documents d’état civil présentés seraient irréguliers ou faux, ou que les mentions qu’ils contiennent ne correspondraient pas à la réalité (au regard du rapport de la PAF), alors que ce dernier a produit en cours d’instance d’appel ces mêmes documents légalisés en date du 4 août 2020 faisant mention de sa date de naissance. En effet, le préfet n’a pas apprécié la validité des documents d’état civil légalisés qui ont été présentés.

Extraits de l’arrêt :

«  5. Aux termes de l’article R. 311-2-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " L’étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants ". Selon l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dans sa rédaction alors en vigueur : " La vérification de tout acte d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l’article 47 du code civil. () ". L’article 47 du code de civil dispose que : " Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".

6. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu’est produit devant l’administration un acte d’état civil émanant d’une autorité étrangère qui a fait l’objet d’une légalisation, sont en principe attestées la véracité de la signature apposée sur cet acte, la qualité de celui qui l’a dressé et l’identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu. En cas de doute sur la véracité de la signature, sur l’identité du timbre ou sur la qualité du signataire de la légalisation, il appartient à l’autorité administrative de procéder, sous le contrôle du juge, à toutes vérifications utiles pour s’assurer de la réalité et de l’authenticité de la légalisation. En outre, la légalisation se bornant à attester de la régularité formelle d’un acte, la force probante de celui-ci peut être combattue par tout moyen susceptible d’établir que l’acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. Par suite, en cas de contestation de la valeur probante d’un acte d’état civil légalisé établi à l’étranger, il revient au juge administratif de former sa conviction en se fondant sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l’instruction du litige qui lui est soumis.

7. Il ressort des pièces du dossier qu’à l’appui de sa demande de titre de séjour, M. A a présenté un jugement supplétif n° 9588/2019 du tribunal de première instance de Conakry II du 11 mars 2019 tenant lieu d’acte de naissance et un extrait du registre de l’état civil de la commune de Dixinn, ville de Conakry transcrivant ce jugement supplétif. Ces deux documents mentionnent qu’il est né le 4 avril 2002 à Conakry sous le patronyme de Moussa A.

8. Pour contester l’authenticité de ces actes, le rapport d’examen technique documentaire de la police aux frontières relève qu’aucune sécurité documentaire ne permet d’apprécier l’authenticité des supports sur lesquels ils sont rédigés, que les impressions réalisées au toner sont une technique accessible à une grande partie de la population, que les cachets humides et les cachets secs présentent plusieurs anomalies, que l’acte de naissance n’est pas complet puisqu’il ne reprend pas l’ensemble des informations nécessitées par les dispositions de l’article 175 du code civil guinéen et que la transcription de l’acte a été réalisée en violation de l’article 601 et 682 du code de procédure civile guinéen.

9. Toutefois, ni les éléments mis en avant par le rapport litigieux, ni la circonstance qu’à son arrivée en France, M. A ait dans un premier temps été enregistré sous une autre identité, ne sont de nature à établir que les documents présentés par M. A seraient irréguliers ou faux, ou que les mentions qu’ils contiennent ne correspondraient pas à la réalité, alors que ce dernier a produit en cours d’instance d’appel ces mêmes documents légalisés en date du 4 août 2020. Par suite c’est à tort que le préfet du Doubs, afin de lui refuser le titre de séjour sollicité, a estimé que M. A ne justifiait pas de son état civil et en particulier de sa date de naissance.

10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens qu’il soulève, que M. A est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision de refus de titre de séjour du 22 juin 2020 et, par voie de conséquence, des décisions concomitantes portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.  »

[…] »


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Cour administrative d’appel de Nancy - 4ème chambre - formation à 3 - 21 juillet 2022 - n° 20NC03286
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