Résumé :
La Cour retient que c’est à tort que le préfet a fondé sa décision de refus de titre de séjour (sollicité au titre de l’art. L.435-3 du CESEDA) en remettant en cause la validité du jugement supplétif et sans apprécier la situation globale de l’intéressé.
En effet, le préfet n’établit pas que la requête en vue d’obtenir un jugement supplétif ne puisse être formée qu’à la condition que le demandeur prouve son lien avec la personne concernée par l’acte ou que le jugement supplétif ne puisse pas être rendu sur la seule audition de témoins, ce qui est au contraire prévu par l’article 184 du code civil guinéen. Par ailleurs, l’âge et l’identité étant établis par ce jugement supplétif qui n’est pas entaché de fraude, le préfet ne peut soutenir que les actes de naissance établis suivant ce jugement ne sont pas conformes aux dispositions de l’art 175 du code civil guinéen (qui prévoit notamment que les dates de naissance des parents doivent être indiquées sur les actes d’état civil).
En outre, l’absence de légalisation par les autorités françaises des documents d’état-civil n’écarte pas la valeur probante de ces actes dont il ne ressort pas en revanche qu’ils n’auraient pas été valablement légalisés par les autorités guinéennes.
De plus, l’existence d’une fraude documentaire importante en Guinée et l’avis défavorable des services de la police aux frontières quant à l’authenticité des actes d’état civil en cause ne permettent pas d’établir le caractère frauduleux des documents d’état-civil.
En outre, le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne prenant pas en compte la situation de l’intéressé dans sa globalité.
La Cour annule la décision du préfet et enjoint à ce dernier de délivrer un titre de séjour au requérant.
Extraits de l’arrêt :
"3. Pour justifier de son âge et de son identité, M. A a produit un jugement supplétif d’acte de naissance n° 12212 rendu le 29 mars 2019 par le tribunal de première instance de Conakry II et l’acte issu de sa transcription n°5053 du 7 mai 2019 ainsi qu’une carte consulaire. Pour établir le caractère frauduleux du jugement supplétif en cause, et l’absence d’authenticité des documents d’état civil ainsi produits, l’administration a relevé que le jugement avait été rendu le jour-même de l’introduction de la requête, sans enquête, à la demande d’un tiers dont le lien avec le requérant n’a pas été précisé et sans que sa capacité à le représenter n’ait été vérifiée et que les dates de naissances des parents de l’intéressé ne figurent pas dans le jugement supplétif valant acte de naissance, alors que l’article 175 du code civil guinéen prévoit que les actes d’état civil énonceront " les dates et lieux de naissance / 1. Des père et mère dans les actes de naissance [...] ".
Or, le préfet n’établit pas et il ne ressort pas des pièces du dossier que la requête en vue d’obtenir un jugement supplétif d’acte de naissance ne puisse être formée qu’à la condition que le demandeur prouve son lien avec la personne concernée par l’acte ou que le jugement supplétif d’acte de naissance ne puisse pas être rendu sur la seule audition de témoins, ce qu’au contraire prévoient les dispositions de l’article 184 du code civil guinéen. L’âge et l’identité étant établis par ce jugement supplétif du 29 mars 2019 qui n’est pas entaché de fraude, le préfet de la Loire-Atlantique ne peut utilement soutenir que les actes de naissance établis suivant ce jugement ne sont pas conformes aux dispositions de l’art 175 du code civil guinéen. Au surplus, si les documents d’état civil en cause n’ont pas été légalisés par les autorités françaises, cette seule circonstance ne suffit pas à écarter la valeur probante de ces actes dont il ne ressort pas en revanche qu’ils n’auraient pas été valablement légalisés par les autorités guinéennes. Dans ces conditions, et alors même qu’il existe une fraude documentaire importante en Guinée et que les services de la police aux frontières ont émis un avis défavorable quant à l’authenticité des actes d’état civil en cause, l’administration n’établit pas que la demande de titre de séjour de M. A serait entachée d’une telle fraude. Dès lors le refus de titre en litige est entaché d’une erreur d’appréciation eu égard au jugement supplétif produit.
[...]
5. Il ressort des pièces du dossier que M. A a été pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance à compter du 20 mai 2019, soit entre ses 16 et 18 ans. Il n’est ni établi, ni même allégué, que sa présence en France constitue une menace pour l’ordre public. A la date de l’arrêté contesté, il suivait
avec sérieux depuis plus de six mois une formation en vue de l’obtention d’un CAP d’agent de restauration dans laquelle il obtenait des résultats satisfaisants. Il ne ressort pas enfin des pièces du dossier que le requérant entretiendrait des liens avec sa famille restée dans son pays d’origine. Dans ces conditions, le préfet de la Loire-Atlantique a, dans les circonstances de l’espèce, compte tenu de la situation de l’intéressé prise dans sa globalité et, en particulier, des éléments favorables sur son intégration dans la société française, entaché son refus de titre de séjour, sur le fondement des dispositions de l’article L. 313-15 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, d’une erreur manifeste d’appréciation. "