Résumé :
La Cour annule l’arrêté par lequel la préfète de Gironde a refusé à l’intéressé la délivrance d’un titre de séjour au motif qu’il ne justifiait pas de son état civil et de sa nationalité conformément à l’article R.311-2-2 du CESEDA (devenu R.431-10).
La Cour rappelle que, hormis le cas où le document aurait un caractère frauduleux, il n’appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d’une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère.
En l’espèce, elle retient que si la PAF a considéré comme incohérent la production, en parallèle d’un jugement supplétif valant acte de naissance et transcription sur les registres d’état civil pour les personnes dont la naissance n’a pas été déclarée, d’une attestation de naissance établie par l’officier d’état civil plus de six mois avant la demande de jugement supplétif, cette attestation ne constitue pas un document d’état civil et ne se substitue pas à la nécessité d’obtenir ce jugement. L’attestation indique seulement que l’officier d’état civil de la commune est en possession de documents permettant de confirmer les date et lieu de naissance et permet uniquement d’éclairer le tribunal amené à se prononcer. En outre, le fait que le certificat de non appel n’a pas été établi un mois après la signification du jugement supplétif ne permet pas de considérer que ce jugement aurait été obtenu frauduleusement.
Par ailleurs, le fait que la consultation Visabio ait fait ressortir que l’intéressé s’était vu refuser par les autorités consulaires portugaises un visa sollicité sous une autre identité, en tant que majeur de nationalité angolaise, ne suffit pas à établir le caractère frauduleux des documents présentés en France, alors au demeurant que la langue française est sa langue maternelle et qu’il a été relaxé des poursuites pour usage de faux.
Enfin, la Cour estime que l’intéressé remplissait les conditions d’obtention du titre de séjour sollicité et que la préfète a commis une erreur manifeste d’appréciation au regard de l’article L.313-15 du CESEDA (devenu L.435-3).
Extraits de l’arrêt :
« 2. […]. Par ailleurs, hormis le cas où le document aurait un caractère frauduleux, il n’appartient pas aux autorités administratives françaises de mettre en doute le bien-fondé d’une décision rendue par une autorité juridictionnelle étrangère.
3. [...]. Après expertise des documents d’identité de l’intéressé, le bureau zonal de la fraude documentaire et à l’identité de la police aux frontières de Bordeaux a émis [...] un avis technique défavorable sur leur authenticité au motif que l’intéressé avait produit un jugement supplétif valant acte de naissance et transcription sur les registres d’état civil pour les personnes dont la naissance n’a pas été déclarée à l’officier d’état civil compétent alors qu’il avait également produit, de façon incohérente, une attestation de naissance établie par l’officier d’état civil de son lieu de naissance le 19 avril 2017, plus de six mois avant sa demande d’un jugement supplétif.
4. Toutefois, l’attestation de naissance produite ne constitue pas un document d’état civil et indique seulement que l’officier d’état civil de sa commune est en possession de documents permettant de confirmer ses date et lieu de naissance. En outre, il n’est pas contesté que la République Démocratique du Congo ne dispense ses citoyens de la nécessité d’obtenir un jugement supplétif valant acte de naissance que si leur naissance a été transcrite sur le registre d’état civil dans les trois mois qui suivent leur naissance. Dans ces conditions, une attestation de naissance ne peut se substituer à un jugement supplétif mais peut seulement éclairer le tribunal amené à se prononcer sur les date et lieu de naissance du demandeur. Par ailleurs, il ressort du rapport d’expertise du bureau de la fraude documentaire que l’ensemble des pièces produites ont été établies dans les formes usitées en République Démocratique du Congo. A cet égard, si la préfète fait valoir que le certificat de non appel n’a pas été établi un mois après la signification du jugement supplétif dont s’agit comme le prévoit le code de procédure civile de ce pays mais à l’occasion de la première demande de communication de ce certificat, cette circonstance ne permet aucunement de considérer que ce jugement aurait été obtenu frauduleusement.
5. Par ailleurs, la consultation du fichier Visabio, [...], a permis à la préfète de la Gironde de constater, [...], que, le 20 octobre 2018, l’intéressé s’était vu refuser par les autorités consulaires portugaises la délivrance d’un visa Schengen de court séjour sollicité sous l’identité de M. D, né le 6 juin 1991, de nationalité angolaise. Toutefois, cette circonstance, si elle atteste de l’existence d’une tentative de fraude antérieure, ne permet pas, à elle seule, de considérer que les documents produits en France par l’appelant pour justifier de son identité présenteraient un caractère frauduleux, alors au demeurant que la langue française est sa langue maternelle et qu’il a été relaxé des poursuites engagées à son encontre pour usage de faux par un jugement du tribunal pour enfants du 21 juin 2019.
6. Dans ces conditions, M. B est fondé à soutenir que la préfète de la Gironde a commis une erreur d’appréciation en considérant qu’il ne justifiait pas de son état civil et de sa nationalité dans les conditions prévues par les dispositions précitées de l’article 47 du code civil. Par voie de conséquence, elle ne pouvait pas davantage rejeter sa demande en se fondant sur les dispositions également précitées du l’article R.311-2-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
[…]. »
Voir l’arrêt au format PDF :