Résumé :
Le TA rappelle tout d’abord que le juge des référés est compétent, sur le fondement de l’art. L.521-2 du code de justice administrative (« référé-liberté »), pour enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire d’urgence lorsque l’appréciation portée par le département sur l’absence de minorité de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité.
En l’espèce, le juge des référés retient que, malgré les incohérences relevées à l’issue de l’entretien d’évaluation, l’appréciation portée par la ville de Paris sur la minorité de l’intéressée (qui avait présenté un passeport) apparaît manifestement erronée. La condition d’urgence est par ailleurs remplie, l’intéressé, âgé de moins de seize ans, privé d’hébergement et de toute prise en charge de ses besoins essentiels, se trouvant dans une situation particulière de vulnérabilité.
Au regard de la situation de très grande précarité dans laquelle se trouve l’intéressé, le juge des référés retient que la carence de la ville de Paris dans l’accomplissement de sa mission définie à l’art. L.221-1 du CASF a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
Le juge des référés enjoint ainsi à la maire de Paris d’assurer l’hébergement de l’intéressé dans une structure adaptée à son âge, ainsi que la prise en charge de ses besoins essentiels, alimentaires, vestimentaires, sanitaires et scolaires dans un délai de vingt-quatre heures, et ce jusqu’à ce que l’autorité judiciaire se soit prononcée sur la question relative à sa minorité.
Extraits de l’ordonnance :
« 8. Il appartient toutefois au juge du référé, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2, lorsqu’il lui apparaît que l’appréciation portée par le département sur l’absence de qualité du mineur isolé de l’intéressé est manifestement erronée et que ce dernier est confronté à un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité, d’enjoindre au département de poursuivre son accueil provisoire.
[…].
10. Il résulte de l’instruction que M. C a présenté aux services de l’accueil des mineurs non accompagnés son passeport original, […]. La maire de Paris, qui se borne à relever que le juge des enfants a ordonné une commission rogatoire à la division de l’expertise en fraude documentaire et à l’identité (DEFDI) afin de procéder à la vérification du passeport produit par l’intéressé à l’appui de sa demande, sans contester à ce stade le caractère probant de ce document, se prévaut d’incohérences relevées à l’issue de l’entretien mené par l’évaluateur, notamment quant à l’aide qu’aurait reçue l’intéressé de son père pour obtenir son passeport et financer son départ du pays, alors qu’il avait mentionné le décès de son père en 2011. Toutefois, ainsi que le relève la maire de Paris dans son mémoire en défense, M. C a indiqué dans sa saisine du juge des enfants qu’il a pu obtenir son passeport grâce à l’aide de son oncle, qui l’a recueilli à partir de 2018. A l’audience, il déclare que l’aide financière pour son départ lui a été apportée par un ancien ami de son père. Si des incohérences demeurent, notamment quant à la date à laquelle M. C a quitté la Gambie et à l’aide apportée par son oncle ou un ami de son père, l’appréciation portée par la maire de Paris sur la minorité de M. C apparaît, en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance, manifestement erronée.
11. Si la maire de Paris fait valoir que l’urgence extrême n’est pas caractérisée faute pour M. C d’établir qu’il serait dans une situation de particulière vulnérabilité, il résulte de l’instruction que ce dernier, se trouve désormais privé d’hébergement et de toute prise en charge de ses besoins essentiels, alors même qu’il a bénéficié d’une distribution de vêtements par l’association Utopia 56. Dans ces conditions, compte tenu de la situation particulière de vulnérabilité de M. C, âgé de moins de seize ans et dépourvu de tout soutien, alors qu’il est dans l’attente qu’il soit statué par le juge des enfants sur sa demande de mesure de protection au titre de l’article 375-5 du code civil, la condition d’urgence requise par l’article L. 521-2 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie.
12. Dans les circonstances particulières de l’espèce, eu égard à la situation de très grande précarité dans laquelle se trouve M. C, il y a lieu de considérer que la carence de la ville de Paris dans l’accomplissement de sa mission définie à l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
[…]. »