Résumé :
Le tribunal retient que c’est à tort que le préfet a déduit de l’apposition de la signature de l’intéressé sur le formulaire d’une demande de titre fondée sur le seul art. L. 435-1 du CESEDA le renoncement de la demande formée par l’intermédiaire du courrier de son conseil sur le fondement de l’art. L. 423-23 du CESEDA, en l’absence d’une pièce exprimant son souhait non équivoque de retirer cette demande.
En outre, le refus de titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " méconnaît la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France (article 8 CEDH), l’intéressé ayant justifié de ses liens personnels (scolarisé en BTS, membres d’associations, attestation de condisciples, enseignant, maîtres de stages et de membres d’associations, …) et de ses liens familiaux (en couple avec une femme française depuis 2020, attestation de l’intéressée et de ses proches) tandis que ses liens familiaux dans son pays d’origine se sont taris suite au décès de ses parents.
Par conséquent, le tribunal annule l’arrêté du préfet ainsi que l’obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Extraits du jugement :
« Sur les conclusions à fins d’annulation :
4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par courrier de son avocat adressé à la préfecture le 6 août 2021, M. B a expressément sollicité la délivrance d’un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de l’article 435-1 du même code. Si l’administration fait valoir que, lorsqu’il s’est personnellement présenté en préfecture, M. B a apposé sa signature sur un formulaire ne faisant plus état que d’une demande fondée sur l’article L. 435-1 précité, le requérant ne saurait être regardé comme ayant renoncé à solliciter un titre sur le fondement de l’article L. 423-23, faute d’une pièce exprimant son souhait non équivoque de retirer la demande formée par l’intermédiaire du courrier de son conseil en date du 6 août 2021. Dès lors que l’arrêté attaqué ne se prononce pas sur la demande présentée par M. B au titre de l’article L. 423-23 précité, dont l’administration restait saisie, le requérant est fondé à soutenir que la décision est entachée d’un défaut d’examen complet de sa situation.
5. En second lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale () 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ". Pour l’application de ces stipulations, l’étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d’apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux en France au regard de ceux qu’il a conservés dans son pays d’origine.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B était présent en France depuis cinq ans et huit mois à la date de l’arrêté attaqué. Il y a suivi une scolarité l’ayant conduit à obtenir un baccalauréat professionnel en électricité et à être inscrit, pour l’année scolaire 2021-22, en première année de brevet de technicien supérieur " Génie climatique et fluidique ". Il soutient avoir noué de nombreux liens personnels à l’occasion de sa scolarité et produit de nombreuses attestations de ses condisciples mais également de ses enseignants et maîtres de stage établissant la qualité et la stabilité des relations personnelles qu’il a nouées durant ses années d’études.
M. B verse également au dossier de nombreuses autres attestations, particulièrement développées et circonstanciées, de proches et de membres d’associations dont il est membre, qui témoignent de sa bonne insertion dans la société française. Par ailleurs, le requérant produit deux jugements supplétifs indiquant que ses parents sont décédés, tandis que l’administration n’allègue pas qu’il aurait d’autres attaches familiales en Guinée. Il fait enfin valoir qu’il est en couple avec une Française depuis 2020 et produit pour en justifier des attestations de l’intéressée et de proches. Dans ces conditions et dans les circonstances particulières de l’espèce, le moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être accueilli.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que la décision par laquelle le préfet du Finistère a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination et lui imposant de se présenter une fois par semaine aux services de gendarmerie de Landivisiau. »