Résumé :
C’est à tort que la préfète a refusé à l’intéressé la délivrance d’un titre de séjour (demande fondée sur l’art. 423-22 du CESEDA) au motif que ce dernier ne justifiait pas de son identité (méconnaissance des art. 111-6 du CESEDA et 47 du code civil – présomption de validité des actes d’état civil étrangers).
En effet, le jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance et l’extrait du registre de l’état civil ont été légalisés (postérieurement à l’arrêté préfectoral) par l’ambassadeur de Guinée en France, ce qui tend à redonner une valeur probante à ces documents. Les éléments soulevés par la préfète apparaissent alors insuffisants :
- Le fait que ces documents soient dépourvus de sécurités ne permet pas de démontrer leur caractère inauthentique en l’absence de tout élément quant aux sécurités qu’ils doivent comporter selon la législation guinéenne ;
- Il en va de même concernant le fait que le jugement supplétif et la requête soient datés du même jour alors que le jugement a bien été rendu après versement de documents et enquête.
- Par ailleurs, au regard de l’article 899 du code de procédure civile, économique et administrative guinéen, la méconnaissance du délai d’appel prévue à l’art. 601 de ce code (avant transcription du jugement) ne démontre pas le caractère inauthentique des documents.
- L’absence de l’ensemble des mentions prévues par les art. 175 et 196 du code civil guinéen, à supposer qu’ils soient applicables, ne suffit pas non plus à démontrer leur caractère inauthentique.
L’intéressé présente en outre un certificat de naissance dont l’authenticité n’est pas contestée.
La CAA annule l’arrêté préfectoral et enjoint à la préfète de réexaminer la situation de l’intéressé.
Extraits de l’arrêt :
« […].
9. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que le jugement supplétif tenant lieu d’acte de naissance ainsi que l’extrait du registre de l’état civil produits par M. A, s’ils ont d’abord été légalisés par un juriste au ministère des affaires étrangères et des Guinéens de l’étranger en 2016, ont ensuite fait l’objet d’une légalisation […] par l’ambassadeur de Guinée à Paris […]. Bien que postérieure à l’arrêté attaqué, cette dernière légalisation, dont l’authenticité n’est pas contestée par la préfète de l’Ariège, doit être prise en compte pour apprécier la légalité de l’arrêté en ce qu’elle révèle des faits qui lui sont antérieurs. Dans ce contexte, et bien qu’une légalisation se borne à attester de la régularité formelle d’un acte, cette nouvelle légalisation tend à redonner une valeur probante aux documents d’état civil dont M. A se prévaut et les éléments sur lesquels s’était fondée la préfète de l’Ariège apparaissent alors insuffisants pour écarter comme étant dépourvus de valeur probante les documents produits. En effet, tout d’abord, en l’absence de tout élément sur les sécurités que ces documents doivent comporter selon la législation guinéenne, la circonstance que ces derniers sont démunis de telles sécurités ne permet pas de démontrer qu’ils ne sont pas authentiques. Il en est de même de la circonstance que le jugement et la requête soient datés du même jour, alors, au demeurant, qu’il ressort de celui-ci qu’il a été rendu après versement de documents au dossier et après enquête réalisée à la barre, notamment l’audition de deux témoins. Ensuite, l’article 899 du code de procédure civile, économique et administrative guinéen, lequel est invoqué par l’appelant, dispose que " () Seul le dispositif de la décision est transmis au dépositaire des registres de l’état civil. Les transcription et mention du dispositif sont aussitôt opérées ", de telle sorte que la méconnaissance du délai d’appel, prévu à l’article 601 de ce code, avant de procéder à la transcription du jugement supplétif, ne démontre pas l’absence de caractère authentique des documents produits. En outre, la circonstance que les documents produits ne comportent pas l’ensemble des mentions prévues par les articles 175 et 196 du code civil guinéen, à supposer qu’ils leur soient applicables, ne suffit pas à leur ôter tout caractère probant. Enfin, l’authenticité du certificat de naissance dressé […] par les autorités guinéennes, et produit pour la première fois en appel, n’est pas contestée par la préfète de l’Ariège.
10. Il résulte de ce qui précède que c’est en méconnaissance des dispositions de l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et de l’article 47 du code civil auquel il renvoie que la préfète de l’Ariège a considéré que les documents d’état civil produits par M. A étaient irréguliers et irrecevables et que celui-ci avait manifesté un comportement frauduleux. […].
[…]. »
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