Tribunal administratif de Marseille – 7ème chambre - Jugement N° 2204587 du 4 octobre 2022 – Annulation d’un refus de titre de séjour – Art. L. 435-1 CESEDA – Refus fondé sur une intégration insuffisante au regard des antécédents sociaux et judiciaires - Absence d’examen complet de la situation de l’individu en ne prenant pas en considération les suites judiciaires et son insertion professionnelle actuelle

Résumé :

Le Tribunal annule l’arrêté par lequel la préfète a refusé à l’intéressé, pris en charge par l’ASE durant sa minorité, un titre de séjour sur le fondement de l’art. L. 435-1 du CESEDA (admission exceptionnelle au séjour - considérations humanitaires ou motifs exceptionnels).

La préfète, reprenant le parcours de l’intéressé tel qu’exposé dans un précédent refus de titre de séjour, retient que son intégration serait insuffisante au regard de ses antécédents sociaux et judiciaires (abandon de son CAP ; interpellation et mise en liberté surveillée ; résiliation de son contrat d’apprentissage) pour justifier la délivrance d’un tel titre.
Toutefois, l’arrêté contient une erreur quant à la date son interpellation, intervenue une année plus tôt que mentionné, il ne précise pas qu’il a été relaxé des faits reprochés, reste silencieux sur l’emploi qu’il exerce depuis plusieurs années et ne fait aucune référence à son insertion professionnelle postérieure et actuelle. Ainsi, le TA retient que la préfète ne s’est pas livrée à un examen complet de la situation particulière de l’intéressé en ne prenant pas en considération les suites judiciaires et son insertion professionnelle actuelle.

RAPPEL – Admission exceptionnelle au séjour – Article L. 435-1 CESEDA :

Alinéa 1 : « L’étranger dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1. »

Extraits du jugement :

« 1. […]. Au vu, notamment, de l’avis défavorable de la structure d’accueil, la préfète des Hautes-Alpes lui a refusé la délivrance d’un titre de séjour à sa majorité. Le 10 mars 2022 il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour, en invoquant tant sa vie privée et familiale que son activité salariée. Par un arrêté en date du 25 avril 2022 la préfète des Hautes-Alpes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français […].

[…].

2. L’administration doit procéder à un examen particulier de chacun des cas sur lesquels elle est appelée à se prononcer. La motivation de ses décisions comportant dans ses visas et ses motifs, même de manière succincte, toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles l’auteur d’une décision se fonde permet de vérifier qu’il a procédé à un examen de la situation particulière qui lui est soumise au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables.

3. Il ressort des pièces du dossier que l’arrêté attaqué a été pris après une enquête de gendarmerie effectuée le 23 mars 2022, qui faisait état de l’emploi occupé par le requérant depuis 2019 et de l’appréciation positive exprimée par son employeur. Cette enquête, qui relevait que l’intéressé avait fait l’objet de deux procédures judiciaires pour des faits remontant à 2016 et 2018, précisait que les suites judiciaires de ces affaires n’étaient pas connues des gendarmes, et que ces derniers n’avaient jamais entendu parler de l’intéressé sur la station de Risoul, dont il relevait désormais.

4. Pour refuser la délivrance du titre sollicité, l’arrêté attaqué reprend le parcours de l’intéressé tel qu’il avait été exposé dans le précédent refus de titre daté du 4 décembre 2019. Il rappelle son entrée en France à l’âge de quinze ans, le signalement au parquet effectué par le service enfance et famille, l’abandon de son CAP en 2017, son interpellation et sa mise en examen en août 2019 et sa mise en liberté surveillée, et la résiliation, en février 2019, de son contrat d’apprentissage au motif du non-respect des consignes. L’arrêté attaqué relève que l’intégration de M. C est insuffisante au regard de ses antécédents sociaux et judiciaires et ne saurait constituer un motif exceptionnel ou tenir lieu de considération humanitaire justifiant que le préfet fasse usage des pouvoirs qu’il tien de l’article L. 435-1 du code de code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Cet arrêté reporte l’erreur contenue dans le précédent arrêté du 4 décembre 2019 sur la date de l’interpellation de M. C, intervenue en août 2018, et non en août 2019. Il est silencieux sur les suites judiciaires de cette interpellation, alors que, par jugement du 26 février 2020, le tribunal pour enfants de A a relaxé l’intéressé des faits qui lui étaient reprochés et que, par un arrêt du 14 juin 2021, la cour d’appel de Grenoble a renvoyé l’intéressé des faits de la poursuite, ces deux décisions étant bien antérieures à la décision de la préfète des Hautes-Alpes, qui a pourtant motivé son refus sur les antécédents judiciaires de l’intéressé. Cette décision qui fait état de l’abandon, en février 2019, d’un contrat d’apprentissage est totalement silencieuse sur l’emploi exercé par l’intéressé depuis plusieurs années à la date de la décision attaquée, et ne fait aucune référence à son insertion professionnelle postérieure et actuelle.

5. Il résulte de ce qui précède que la motivation de cet arrêté ne fait pas apparaître que les suites judiciaires et l’insertion professionnelle actuelle de M. C ont été pris en considération par la préfète des Hautes-Alpes alors que, eu égard aux considérations mises en avant pour fonder les refus contesté, ces circonstances particulières étaient au nombre de celles sur lesquelles devait porter son examen. Il suit de là que M. C est fondé à soutenir que l’arrêté du 25 avril 2022 a été pris sans que la préfète des Hautes-Alpes se soit effectivement livrée à un examen complet de la situation particulière qui lui était soumise au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables.

6. Il résulte de ce qui précède que les décisions attaquées sont entachées d’illégalité et doivent être annulées.

[…].  »


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TA Marseille - Jugement N° 2204587 du 4 octobre 2022
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