Cour de cassation – Première chambre civile - Arrêt N°232 FS-B du 15 mars 2023 – Rejet du pourvoi - Remise en cause de la minorité malgré le bénéfice de la protection subsidiaire et la délivrance d’un certificat de naissance par l’OFPRA – Légalisation des documents d’identité et d’état civil des bénéficiaires de la protection subsidiaire - Les énonciations des actes d’état civil établis par l’OFPRA ne portant pas sur des faits personnellement constatés par l’officier public font foi jusqu’à la preuve du contraire et non jusqu’à inscription de faux

Résumé :

La Cour de cassation rejette le pourvoi de l’intéressé, se déclarant mineur et isolé, formé contre l’arrêt de la Cour d’appel d’Angers qui remet en cause sa minorité et dit n’y avoir lieu d’ordonner une mesure de tutelle

  • Etant bénéficiaire de la protection subsidiaire, il fait grief à l’arrêt d’avoir écarté l’acte de naissance afghan présenté au motif qu’il aurait dû être surlégalisé, alors que cette obligation n’est pas applicable aux documents d’identité et d’état civil des bénéficiaires d’une protection internationale (art. 8 de la Convention de Bâle du 3 septembre 1985 relative à la coopération internationale en matière d’aide administrative accordée aux réfugiés).
Article 8 de la Convention de Bâle :
"Sont dispensés de toute légalisation ou de toute formalité équivalente sur le territoire de chacun des Etats liés par la présente Convention, les documents concernant l’identité et l’état-civil produits par les réfugiés et qui émanent de leurs autorités d’origine."

Réponse de la Cour de cassation : ce moyen n’est pas fondé, cette Convention ne s’appliquant pas aux bénéficiaires de la protection subsidiaire.

  • Il fait grief à l’arrêt d’avoir violé l’art. 31 de la directive n° 2011/95/UE du 13 décembre 2011 (qui impose aux Etats membres d’assurer la représentation des mineurs non accompagnés bénéficiaires d’une protection internationale) en refusant d’ordonner une mesure de tutelle à son égard, alors que l’OFPRA lui a reconnu le bénéfice de la protection subsidiaire.
    Réponse de la Cour de cassation : ce moyen n’est pas fondé puisque cette exigence ne concerne un bénéficiaire d’une protection internationale qu’à la condition qu’il soit un mineur non accompagné. Or, il appartient au juge des tutelles d’apprécier si les conditions d’ouverture de tutelle sont réunies et, notamment, si l’intéressé est mineur.
  • Il fait grief à l’arrêt d’avoir écarté sa minorité alors que l’OFPRA lui a délivré un certificat de naissance sur le fondement de l’art. L.121-9 du CESEDA qui a valeur d’acte authentique et fait foi jusqu’à inscription de faux, sans distinguer qu’il ait été ou non établi sur déclarations.
    Réponse de la Cour de cassation : ce moyen n’est pas fondé puisqu’il faut déduire de l’art. 1371 al 1er du code civil que les énonciations des actes d’état civil établis par l’OFPRA ne portant pas sur des faits personnellement constatés par l’officier public font foi jusqu’à la preuve du contraire et non jusqu’à inscription de faux. Or en l’espèce, le bénéfice de la protection subsidiaire a été accordé à l’intéressé indépendamment de la minorité revendiquée et la date de naissance mentionnée sur le certificat de naissance délivré par l’OFPRA (en l’absence d’acte probant établi dans le pays d’origine) résultait des déclarations de ce dernier. La Cour d’appel a donc justement déduit que cette mention ne faisait foi que jusqu’à la preuve du contraire.

Extraits de l’arrêt :

«  […]

Enoncé du moyen

9. M. [N] fait grief à l’arrêt de dire n’y avoir lieu d’ordonner une mesure de tutelle à son égard, alors « que sont dispensés de toute légalisation ou de toute formalité équivalente les documents concernant l’identité et l’état civil des personnes bénéficiant d’une protection internationale ; que la cour d’appel relève que M. [N] a obtenu la protection subsidiaire en 2021 ; qu’en écartant l’acte de naissance délivré le 17 juin 2020, au motif qu’il aurait dû être surlégalisé soit par les autorités afghanes elles mêmes en France soit par les autorités françaises en Afghanistan, la cour d’appel a violé l’article 8 de la Convention de Bâle du 3 septembre 1985, ensemble les articles L. 512-1 et L. 561-10 du CESEDA. »

Réponse de la Cour

10. Aux termes de l’article 16, II, alinéa 1er, de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, alors applicable, sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet.

11. Selon l’article 8 de la Convention relative à la coopération internationale en matière d’aide administrative accordée aux réfugiés, signée à Bâle le 3 septembre 1985, sont dispensés de toute légalisation ou de toute formalité équivalente sur le territoire de chacun des États liés par la Convention les documents concernant l’identité et l’état civil produits par les réfugiés et émanant de leurs autorités d’origine.

12. La cour d’appel a exactement retenu que la protection subsidiaire ne pouvait être accordée qu’à une personne ne remplissant pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié.

13. Ayant constaté que M. [N] avait été placé sous la protection de l’OFPRA au titre de la protection subsidiaire, c’est sans encourir le grief du moyen, la Convention précitée ne s’appliquant pas aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, que la cour d’appel a écarté, faute de légalisation, la force probante reconnue par l’article 47 du code civil à l’acte de naissance afghan produit par l’intéressé.

14. Le moyen n’est donc pas fondé.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

15. M. [N] fait le même grief à l’arrêt, alors :

« 1°/ que dès que possible après l’octroi d’une protection internationale, les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour assurer la représentation des mineurs non accompagnés par un tuteur légal ; qu’il en résulte que si l’Etat membre s’est prononcé sur la minorité de la personne, suite à l’octroi d’une protection internationale, notamment par une reconstitution de son acte d’état civil, l’Etat doit assurer sa représentation en sa qualité de mineur non accompagné sans pouvoir remettre en cause sa minorité ; qu’il résulte de la décision attaquée que M. [N] a bénéficié de la protection subsidiaire et que l’OFPRA lui a délivré un certificat de naissance indiquant qu’il est né le [Date naissance 2] 2005 ; qu’en remettant toutefois en cause sa minorité pour refuser d’ordonner une mesure de tutelle à son égard, la cour d’appel a violé l’article 31 de la directive n° 2011/95/UE du parlement européen et du conseil du 13 décembre 2011 ;

2°/ que les actes établis par l’Office français des réfugiés et des apatrides sur le fondement des dispositions de l’article L. 721-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ont valeur d’actes authentiques, qui, de manière dérogatoire, font foi jusqu’à inscription de faux, sans distinguer suivant que ces actes ont été ou non établis sur déclarations ; qu’en jugeant le contraire et en retenant, pour écarter la minorité de M. [N], que dès lors que l’office n’avait fait que reporter les déclarations qui lui avaient été faites, la cour d’appel a violé l’article L. 721-3 ancien devenu L. 121-9 du CESEDA. »

Réponse de la Cour

16. D’une part, aux termes de l’article 31, paragraphe 1, de la directive n° 2011/95/UE du parlement européen et du conseil du 13 décembre 2011, transposé à l’article L. 561-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), dès que possible, après l’octroi d’une protection internationale, les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer la représentation des mineurs non accompagnés par un tuteur légal ou, si nécessaire, par un organisme chargé de prendre soin des mineurs et d’assurer leur bien-être, ou par toute autre forme appropriée de représentation, notamment celle qui résulte de la législation ou d’une décision judiciaire.

17. Les dispositions de ce texte n’imposent aux Etats membres de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer la représentation légale d’une personne bénéficiaire d’une protection internationale que si celle-ci est un mineur non accompagné.

18. Conformément à l’article L. 213-3-1, 2°, du code de l’organisation judiciaire, l’ouverture d’une mesure de tutelle au profit d’un mineur non accompagné relève de la compétence du juge des tutelles des mineurs dont les fonctions sont exercées par le juge aux affaires familiales.

19. Il appartient à ce juge d’apprécier si les conditions d’ouverture d’une mesure de tutelle sont réunies et, notamment, si l’intéressé est mineur.

20. D’autre part, selon l’article L. 721-3, alinéas 1 et 2, devenus L. 121-9, alinéas 1 et 2, du CESEDA, l’OFPRA est habilité à délivrer aux réfugiés et bénéficiaires de la protection subsidiaire, après enquête s’il y a lieu, les pièces nécessaires pour leur permettre soit d’exécuter les divers actes de la vie civile, soit de faire appliquer les dispositions de la législation interne ou des accords internationaux qui intéressent leur protection, notamment les pièces tenant lieu d’actes d’état civil. Le directeur général de l’office authentifie les actes et documents qui lui sont soumis. Les actes et documents qu’il établit ont la valeur d’actes authentiques.

21. Aux termes de l’article 1371, alinéa 1er, du code civil, l’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux de ce que l’officier public dit avoir personnellement accompli ou constaté.

22. Il résulte de ce texte, applicable, sauf disposition légale spécifique y dérogeant, aux pièces tenant lieu d’actes d’état civil établis par l’OFPRA, que les énonciations ne portant pas sur des faits personnellement constatés par l’officier public font foi jusqu’à la preuve contraire et non jusqu’à inscription de faux.

23. Saisie d’une demande d’ouverture d’une mesure de tutelle déférée à l’Etat au profit de M. [N], la cour d’appel, devant qui la minorité de l’intéressé était contestée, a justement retenu que la preuve de la minorité constituait un préalable à l’examen de la vacance de la tutelle.

24. Elle a relevé que le bénéfice de la protection subsidiaire avait été accordé à M. [N] parce qu’il existait des motifs sérieux et avérés de croire qu’en sa qualité de civil, celui-ci courrait dans son pays un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article L. 512-1, 3°, du CESEDA, indépendamment de la minorité par lui revendiquée.

25. Elle a retenu que la mention de la date de naissance portée sur le certificat de naissance tenant lieu d’acte d’état civil délivré par l’OFPRA, en l’absence d’acte probant établi dans le pays d’origine, résultait des déclarations de l’intéressé, ce dont elle a exactement déduit que cette mention ne faisait foi que jusqu’à la preuve contraire.

26. Le moyen n’est donc pas fondé.

[…]. »


Voir l’arrêt au format PDF :

Cour de cassation – Première chambre civile - Arrêt N°232 FS-B du 15 mars 2023


Voir les observations présentées par le Défenseur des droits :
Décision 2023-049 du 24 février 2023

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