Résumé :
Le TA, sur le fondement de l’art. L. 521-2 du CJA (« référé-liberté), enjoint au département de la Gironde de reprendre l’accueil provisoire d’urgence (APU) de l’intéressé qui avait pris fin, malgré une évaluation du département concluant à sa minorité et à son isolement, suite à une décision de classement sans suite du Procureur de la République.
Le juge des référés souligne tout d’abord que le rapport d’évaluation conclut de manière formelle à sa minorité sur la base d’un faisceau d’indices et que si la décision du Procureur évoque une date de naissance précédemment indiquée allant dans le sens de sa majorité, les déclarations de l’intéressé sur son intention de se vieillir pour éviter d’être retenu en Espagne apparaissent suffisamment crédibles pour que sa minorité soit admise. L’intéressé se trouve par ailleurs en situation d’extrême précarité, étant sans abri et dépourvu de toute ressource.
Surtout, le juge des référés retient que la circonstance que le juge des enfants, saisi sur le fondement de l’art. 375 du code civil, ne se soit pas encore prononcé sur sa minorité et n’ait pas ordonné de mesure au titre de l’art. 375-3 de ce même code, ne fait pas obstacle, par elle-même, à ce que le département poursuive la prise en charge de l’intéressé à titre provisoire dès lors qu’un tel accueil s’avère la seule solution pour mettre un terme aux risques encourus par le jeune pour sa santé, sa sécurité ou sa moralité et qu’elle n’excède pas les capacités d’action de la collectivité.
En l’espèce, le juge des référés retient que le défaut de maintien de l’accueil provisoire de l’intéressé porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit de toute personne à bénéficier d’un hébergement garantissant la satisfaction des besoins élémentaires.
Extraits de l’ordonnance :
« […].
3. Il résulte de l’instruction que M. C B, qui déclaré être né le 8 mai 2009 à Conakry, en Guinée, […] a été accueilli à titre provisoire A les services du département de la Gironde. Après avoir soumis M. B à une évaluation socio-éducative dans les termes de l’article R. 211-11 du code de l’action sociale et des familles, le département a, le 7 mars 2023, saisi le procureur de la République près le tribunal judiciaire de D, seul compétent en application des dispositions précitées pour décider du maintien de l’accueil provisoire d’un mineur isolé, aux fins que soit ordonnée la poursuite de la prise en charge de l’intéressé au-delà de la période d’accueil d’urgence de cinq jours. A la suite de la décision du parquet en date du 8 mars 2023 de classer sans suite cette demande au motif que M. B était identifié comme majeur, le département de la Gironde a, A arrêté notifié le 15 mars 2023, refusé de prendre en charge l’intéressé au titre de l’aide sociale à l’enfance. Toutefois, le rapport d’évaluation dont M. B a fait l’objet de la part des services départementaux, daté du 6 mars 2023, conclut de manière formelle à sa minorité sur la base d’un faisceau d’indices, notamment son aspect juvénile et la cohérence de la temporalité de son récit, même si l’âge de 13 ans allégué paraît peu vraisemblable. Si le département de la Gironde invoque la décision du 8 mars 2023 du procureur de la République, laquelle est fondée A la majorité de M. B selon la date de naissance qu’il a précédemment indiquée, les déclarations de ce dernier sur son intention alors de se vieillir pour éviter notamment d’être retenu en Espagne apparaissent suffisamment crédibles pour que, en l’état de l’instruction, soit admise, conformément aux conclusions du rapport de l’évaluation socio-éducative, sa minorité de 18 ans. A ailleurs, il n’est pas contesté que M. C B, dont l’évaluation précitée reconnaît l’isolement sur le territoire français, est en situation de précarité extrême, étant sans abri et dépourvu de toute ressource pour assumer seul ses besoins élémentaires. S’il est vrai que le juge des enfants, saisi A le conseil du requérant sur le fondement de l’article 375 du code civil A requête datée du 21 mars 2023, ne s’est pas encore prononcé sur la minorité de ce dernier et n’a pas davantage ordonné une des mesures prévues à l’article 375-3 de ce code, cette circonstance ne fait pas obstacle, A elle-même, à ce que le département poursuive la prise en charge de l’intéressé à titre provisoire dès lors qu’un tel accueil s’avère la seule solution pour mettre un terme aux risque encourus A le jeune pour sa santé, sa sécurité ou sa moralité et qu’elle n’excède pas les capacités d’action de la collectivité. En l’espèce, le département de la Gironde n’établit pas, ni même ne soutient, que la prise en charge provisoire de M. C B excéderait ses capacités. Dans ces conditions, le défaut de maintien de l’accueil provisoire de l’intéressé porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit de toute personne à bénéficier d’un hébergement garantissant la satisfaction des besoins élémentaires. Dès lors, dans les circonstances particulières de l’espèce, il y a lieu d’enjoindre au département de la Gironde, à qui incombe la prise en charge des mineurs, de reprendre l’accueil provisoire de M. C B dans une structure adaptée ainsi que d’assurer ses besoins élémentaires et ce, dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la présente ordonnance. En revanche, dans les circonstances de l’affaire, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.
[…]. »
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