Résumé :
La préfète est enjointe d’enregistrer la demande d’asile de l’intéressé, se déclarant mineur et isolé, et de saisir le procureur de la République aux fins de désignation d’un administrateur ad hoc (AAH).
La préfecture avait refusé d’enregistrer sa demande d’asile au motif que le conseil départemental n’avait pas reconnu sa minorité. Or, dans une telle hypothèse alors que l’autorité judiciaire n’a pas définitivement statué sur la demande de reconnaissance de minorité et de prise en charge de l’intéressé, il appartient au préfet d’enregistrer la demande d’asile et de saisir le procureur de la République aux fins de désignation d’un AAH.
Le refus d’enregistrer la demande d’asile place le mineur isolé dans une situation de précarité et de vulnérabilité au regard de sa situation administrative en méconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant. Les conditions d’urgence et d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, le droit d’asile, sont caractérisées.
- Art. L. 521-9 du CESEDA : « Lorsque la demande d’asile est présentée par un mineur non accompagné, le procureur de la République, avisé immédiatement par l’autorité administrative, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc. Celui-ci assiste le mineur et assure sa représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à la demande d’asile. »
- Art. R. 521-18 du CESEDA : « Lorsqu’un mineur non accompagné se présente sans représentant légal pour l’enregistrement d’une demande d’asile, le préfet compétent enregistre la demande sur la base des éléments dont il dispose et convoque l’intéressé à une date ultérieure pour compléter l’enregistrement de sa demande en présence de son représentant légal.
Lorsque l’ensemble des conditions prévues aux articles R. 521-5 à R. 521-7 sont réunies, l’attestation de demande d’asile mentionnée à l’article L. 521-7 est éditée au nom du mineur non accompagné et remise en présence de son représentant légal. »
Extraits de l’ordonnance :
« […].
8. En l’espèce, il résulte de l’instruction que M. B, ressortissant afghan déclarant être né en 2007, et qui n’est pas accompagné de ses représentants légaux sur le territoire national, s’est vu refuser le bénéfice d’une prise en charge par l’aide sociale à l’enfance par une décision du 8 juin 2022 du conseil départemental d’Indre-et-Loire. Contestant cette décision, il a saisi, le 15 juin 2022, le juge des enfants du tribunal judiciaire de Tours en sollicitant la reconnaissance de sa minorité et son placement sous protection. Par une ordonnance notifiée le 28 octobre 2022, le juge des enfants a ordonné une expertise des documents produits par le requérant aux fins de justifier de son âge. Parallèlement à cette procédure judiciaire, M. B a présenté auprès des services de la préfecture du Loiret une demande d’asile qui a fait l’objet d’un refus d’enregistrement au motif qu’en l’absence de la reconnaissance de la minorité de l’usager par le conseil départemental, il est impossible d’enregistrer sa demande en tant que mineur, celle-ci devant être enregistrée en tenant compte de la décision de l’aide sociale à l’enfance. Il résulte toutefois des dispositions précitées des articles L. 521-9 et R. 521-8 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qu’il appartient au préfet, dans une telle hypothèse alors qu’il n’a pas été définitivement statué par l’autorité judiciaire sur la demande, présentée par M. B, de reconnaissance de sa minorité et de placement sous protection, d’enregistrer sa demande d’asile conformément aux exigences des articles L. 521-1 et L. 521-4 du même code, et de saisir le procureur de la République en vue de faire procéder à la désignation d’un administrateur ad hoc. Le refus de procéder à un tel enregistrement, qui ne préjuge pas des suites qui seront données à la demande d’asile, place le mineur isolé dans une situation de précarité et de vulnérabilité au regard de sa situation administrative en méconnaissance de l’intérêt supérieur de l’enfant dont la protection garantit l’effectivité de son droit d’asile. Les conditions d’urgence et d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, le droit d’asile, sont ainsi caractérisées.
9. Il y a lieu, en conséquence, d’enjoindre à la préfète du Loiret d’enregistrer la demande d’asile de M. B dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance et de saisir sans délai le procureur de la République aux fins de désignation d’un administrateur ad hoc. Il n’y a pas lieu, à ce stade, d’assortir la présente injonction d’une astreinte.
[…]. »