Résumé :
Le TA de Nice annule l’arrêté du préfet des Alpes-Maritimes portant OQTF et IRTF. En effet, la majorité de l’intéressé n’étant pas établie, le préfet a méconnu les dispositions du 1° de l’art. L. 611-3 du CESEDA (protection des mineurs étrangers contre les OQTF).
Pour retenir la majorité du requérant, le préfet s’était fondé sur un rapport élaboré à l’issue d’un entretien avec un agent du département dans le cadre d’un dispositif expérimental prévu par un accord conventionnel conclu le 16 mars 2021 entre les autorités de l’Etat, les autorités judiciaires et les autorités du département, dit d’appréciation de la minorité. Or, cet entretien ne saurait se substituer à l’évaluation telle que prévue par les dispositions de l’art. R.221-11 du CASF qui doit être conduite dans le cadre d’un accueil provisoire d’urgence, lequel prend fin par la notification d’une décision motivée de refus de prise en charge qui est susceptible de recours. En outre, le TA souligne que l’intéressé avait été remis aux autorités françaises par les autorités italiennes au regard d’une présomption de minorité.
Voir dans le même sens :
- Tribunal administratif de Nice – Jugement N°2304241 du 17 octobre 2023
- Tribunal administratif de Nice – Ordonnance N°2300340 du 24 janvier 2023
1° de l’art. L. 611-3 du CESEDA :
« Ne peuvent faire l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français :
1° L’étranger mineur de dix-huit ans ;
(...). »
« L’expérimentation par les Alpes-Maritimes d’un "poste avancé" de pré-évaluation
Le conseil départemental des Alpes-Maritimes expérimente, depuis mai 2021, une action préventive en matière de régulation des flux migratoires sous la forme d’un poste avancé de pré-évaluation sociale. Installé à la police aux frontières (PAF) de Menton, celui-ci emploie trois agents du département.
Selon les informations transmises par le conseil départemental, un tiers des personnes se présentant comme MNA et passant par ce poste ont ainsi été évaluées "manifestement majeures" et ont été renvoyées en Italie sans entrer sur le territoire national.
Le département ambitionne, sous réserve d’un financement par l’État, de mettre en place un fonctionnement "H24 et 7j/7" de ce poste avancé, supposant l’emploi de 5 ETP supplémentaires. Il a par ailleurs demandé au ministère de l’Intérieur que la PAF puisse utiliser le fichier AEM à la frontière. »
Extraits du jugement :
« […].
4. D’une part, aux termes de l’article L. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : "Ne peuvent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français : / 1° L’étranger mineur de dix-huit ans ; / (…)". Il appartient à l’administration d’établir que l’intéressé était majeur à la date de la décision portant obligation de quitter le territoire et, en conséquence, qu’il ne pouvait bénéficier de la protection prévue au 1° de l’article L. 611-3 du code précité.
[...].
6. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A n’a présenté, avant l’édiction de l’arrêté attaqué, aucun document d’identité ou document de voyage en cours de validité révélant son âge, ni même son identité. Il ne pouvait donc bénéficier de la présomption de validité des actes d’état civil étrangers, prévue par l’article 47 du code civil, laquelle doit être renversée par l’administration par la preuve du caractère irrégulier, falsifié, non conforme à la réalité des actes en question. Toutefois, pour établir que le requérant était majeur, le préfet s’est fondé sur un rapport d’appréciation de minorité établi le 23 août 2023 par les services du conseil départemental des Alpes-Maritimes. Il ressort des écritures du requérant et n’est pas contesté en défense que l’intéressé a, en réalité, seulement été entendu par un agent du département dans le cadre d’un dispositif expérimental prévu par un accord conventionnel conclu le 16 mars 2021 entre les autorités de l’Etat, les autorités judiciaires et les autorités du département, dit d’appréciation de la minorité, ce dispositif visant à assister les agents de la police aux frontières dans la détermination de la minorité de personnes étrangères se déclarant à la frontière mineures et isolées. Or l’entretien réalisé dans le cadre de ce dispositif conçu, selon les stipulations du protocole, pour " limiter l’utilisation du dispositif de protection de l’enfance aux seules personnes étrangères susceptibles d’être mineures et isolées " ne saurait se substituer à l’évaluation de la situation de la personne telle que prévue par les dispositions de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles, qui doit être conduite dans le cadre d’un accueil provisoire d’urgence, lequel prend fin par la notification d’une décision motivée de refus de prise en charge qui est susceptible de recours. Dans ces conditions, aucun élément probant n’est, en l’espèce, de nature à établir la majorité du requérant. Par ailleurs, il ressort des termes même de l’arrêté attaqué que le requérant a été remis aux autorités françaises par les autorités italiennes au regard d’une présomption de minorité. Par suite, dans les circonstances particulières de l’espèce, il doit être considéré que le préfet des Alpes-Maritimes a, en obligeant le requérant à quitter le territoire français, méconnu les dispositions précitées de l’article L. 611-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
[…]. »
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