Conseil d’Etat – 2ème et 7ème chambres réunies – Décision n°450285 du 2 février 2024 – Annulation de la seconde phrase de l’art. L.332-3 du CESEDA - Refus d’entrée aux frontières intérieures en cas de rétablissement temporaire du contrôle à ces frontières

Résumé :

Par une décision du 24 février 2022, le Conseil d’Etat avait sursis à statuer s’agissant de la demande d’annulation dirigée contre l’art. L.332-3 du CESEDA jusqu’à ce que la CJUE se soit prononcée sur la question préjudicielle portant sur la possibilité de notifier des décisions de refus d’entrée en cas de réintroduction temporaire du contrôle aux frontières intérieures sans respecter les normes et procédures prévues par la directive 2008/115 (dite directive "retour").

Suite à l’arrêt de la CJUE du 21 septembre 2023, le Conseil d’Etat, dans la présente décision :

  • Annule la seconde phrase de l’art. L. 332-3 du CESEDA (qui rend applicable la procédure de refus d’entrée aux frontières intérieures) en tant qu’elle ne limite pas l’édiction d’un refus d’entrée aux cas dans lesquels ils sont pris en vue de la réadmission de l’intéressé par l’Etat membre dont il provient en application d’un accord ou d’un arrangement passé avec cet Etat.
  • Souligne qu’il appartient au législateur de définir les règles applicables à la situation de l’étranger faisant l’objet d’un refus d’entrée aux frontières intérieures en vue de sa réadmission par un Etat membre, dans le respect des exigences de la directive « retour » et retient que les dispositions du CESEDA encadrant notamment la retenue, la rétention et garantissant le droit d’asile lui sont applicables.


Voir les observations présentées par le Défenseur des droits :


Extraits de la décision :

« […]

9. Ainsi, alors que l’Etat membre qui édicte, à l’occasion de contrôles réalisés à ses frontières intérieures, un refus d’entrée à l’encontre d’un ressortissant de pays tiers prend une décision qui entre dans le champ d’application de la directive 2008/115/CE, les dispositions litigieuses prévoient cette possibilité sans la limiter au cas où de telles décisions sont prises soit en vue de la réadmission de l’intéressé par l’Etat membre dont il provient, à qui incombera, le cas échéant, de prendre une décision de retour, soit en vue de prendre lui-même une décision de retour. Il suit de là que les associations requérantes sont fondées à soutenir que la seconde phrase de l’article L. 332-3 du code de l’entrée et du séjour et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de l’ordonnance du 16 décembre 2020, est incompatible, dans cette mesure, avec les objectifs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 et à en demander l’annulation en tant qu’elle ne limite pas l’édiction de refus d’entrée aux frontières intérieures aux cas dans lesquels ils sont pris en vue de la réadmission de l’intéressé par l’Etat membre dont il provient en application d’un accord ou d’un arrangement passé par la France avec cet Etat existant le 13 janvier 2009.

[...].

12. En second lieu, il appartient au législateur de définir, dans le respect des exigences pertinentes de la directive 2008/115/CE, les règles applicables à la situation de l’étranger ayant irrégulièrement franchi une frontière intérieure sur laquelle les contrôles ont été rétablis et qui a fait l’objet d’un refus d’entrée dans la perspective de sa réadmission par l’Etat dont il provient en application d’un accord ou d’un arrangement passé par la France avec cet Etat existant le 13 janvier 2009.

13. En l’état de la législation, la situation d’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet d’un refus d’entrée à l’issue d’un contrôle à une frontière intérieure en vue de sa réadmission par l’Etat membre dont il provient est régie par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, en particulier par les dispositions suivantes, qui sont applicables. D’une part, selon les articles L. 813-1 et L. 813-3 de ce code, si un étranger n’est pas en mesure de justifier, à l’occasion d’un contrôle, de son droit de circuler ou de séjourner en France, il peut être retenu aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français, conduit dans un local de police ou de gendarmerie et y être retenu par un officier de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale le temps strictement exigé par l’examen de son droit de circulation ou de séjour et, le cas échéant, le prononcé et la notification des décisions administratives susceptibles d’être prises à son égard, dans la limite de vingt-quatre heures à compter du début du contrôle. D’autre part, en vertu du 4° de l’article L. 700-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les dispositions du livre VII de ce code, relatives à l’exécution des décisions d’éloignement sont applicables aux décisions de remise d’un étranger aux autorités d’un autre Etat. Il résulte notamment du 4° de l’article L. 731-1 et de l’article L. 741-1 de ce code que l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée initiale de quarante-huit heures, l’étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision de remise dont il fait l’objet lorsqu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision. Enfin, dans le cas où l’intéressé souhaite présenter une demande d’asile, les conditions d’enregistrement et d’examen de cette demande, qu’ils relèvent de la compétence de la France ou d’un autre Etat, sont fixées par les dispositions du livre V du même code.

[…]. »


Voir la décision au format PDF :

Conseil d’Etat - Décision n°450285 du 2 février 2024
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