Résumé :
La cour rejette la requête du préfet contre le jugement par lequel le TA de Rouen a annulé l’arrêté portant refus de titre de séjour et OQTF et l’a enjoint à délivrer à l’intéressé un titre de séjour.
Pour fonder son refus de titre de séjour (sollicité sur le fondement de l’art. L. 423-22 du CESEDA - jeunes confiés à l’ASE ou à un tiers digne de confiance avant l’âge de 16 ans), le préfet avait retenu que l’intéressé ne justifiait pas de son état civil, un rapport de la police aux frontières soulignant que les documents présentés (acte de naissance et jugement supplétif) comprenaient des mentions pré-imprimées imparfaitement alignées et centrées, que le timbre sec était partiellement illisibles et qu’ils n’avaient pas été légalisés par les autorités guinéennes en France.
Or, la formalité de légalisation des actes d’état civil produits par l’intéressé ne lui été pas opposable à la date de l’arrêté attaqué (février 2023). En effet, les dispositions posant l’obligation de légalisation des actes d’état civil avaient été déclarées contraires à la Constitution par la décision n°2021-972 QPC du 18 février 2022 (la date de leur abrogation avait été reportée au 31 décembre 2022 par le Conseil constitutionnel).
En outre, l’illisibilité alléguée du timbre sec n’est pas corroborée par les documents présentés devant la cour et les imperfections des mentions sont minimes et relèvent de défauts mineurs d’impression et non d’une irrégularité, falsification ou inexactitude.
Ainsi, le préfet ne renverse pas la présomption d’authenticité de ces documents posée par l’art. 47 du code civil.
- Le II de l’art. 16 de la loi n°2019-2022 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a depuis été modifié par la loi n°2023-1059 du 20 novembre 2023 et prévoit désormais que :
« Sauf engagement international contraire, tout acte public établi par une autorité étrangère et destiné à être produit en France doit être légalisé pour y produire effet.
La légalisation est la formalité par laquelle est attestée la véracité de la signature, la qualité en laquelle le signataire de l’acte a agi et, le cas échéant, l’identité du sceau ou timbre dont cet acte est revêtu.
Les recours contentieux relatifs aux refus de légalisation opposés par une autorité française sont portés devant la juridiction administrative.
Un décret en Conseil d’Etat, pris après consultation de l’Assemblée des Français de l’étranger ou, dans l’intervalle des sessions, de son bureau, précise les actes publics concernés par le présent II et définit les modalités de la légalisation. »
- Le décret n°2024-87 du 7 février 2024 fixe à son article 1er les modalités de recours en cas de refus de légalisation et prévoit (sauf exceptions) une exigence de "double légalisation".
Extraits de l’arrêt :
« […].
4. D’autre part, les 1er et 3ème alinéas du II de l’article 16 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui posaient l’obligation de légalisation des actes d’état civil, ont été déclarés contraires à la Constitution, au motif qu’ils ne prévoient pas de voie de recours en cas de refus de légalisation d’actes d’état civil, par la décision n° 2021-972 QPC du 18 février 2022 du Conseil constitutionnel, qui a toutefois reporté au 31 décembre 2022 la date de leur abrogation. Il en résulte qu’à la date de l’arrêté attaqué du 7 février 2023, la formalité de légalisation des actes d’état civil produits par M. A ne lui été pas opposable, contrairement à ce que soutient que le préfet de la Seine-Maritime.
[…]. »
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