Résumé :
Le juge des référés, amené à se prononcer sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé liberté »), enjoint au département de reprendre l’accueil de l’intéressé qui avait fait l’objet d’un refus de prise en charge au motif qu’il était identité sur le fichier AEM comme ayant fait l’objet d’un précédent refus de prise en charge par un premier département.
Le juge retient tout d’abord que la condition d’urgence est remplie compte tenu du refus de prise en charge dont l’intéressé a fait l’objet et de sa situation de précarité.
En outre, le juge des référés rappelle que le président du conseil départemental n’est pas placé en situation de compétence liée, lorsqu’il constate qu’une personne est déjà identifiée dans le fichier AEM, pour refuser sa prise en charge sans procéder à l’évaluation de sa minorité et de son isolement. En se considérant comme tenu par la décision du premier département, le président du conseil départemental a ainsi entaché sa décision d’une erreur de droit.
En l’absence d’investigation et d’appréciation sur la qualité de mineur isolé de l’intéressé, la décision doit donc être regardée comme étant manifestement erronée et révèle une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
Conseil constitutionnel, décision n°2019-797 QPC du 26 juillet 2019 :
« 7. (...). la majorité d’un individu ne saurait être déduite ni de son refus opposé au recueil de ses empreintes ni de la seule constatation, par une autorité chargée d’évaluer son âge, qu’il est déjà enregistré dans le fichier en cause ou dans un autre fichier alimenté par les données de celui-ci. »
Extraits de l’ordonnance :
« […].
10. Il résulte de l’instruction et des termes de la décision contestée que, pour refuser de poursuivre la prise en charge de M. A au titre de l’aide sociale à l’enfance, le département de l’Orne, qui a satisfait aux obligations d’accueil provisoire d’urgence qui lui incombaient en vertu des dispositions précitées de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles, s’est fondé sur la circonstance que l’intéressé est identifié sur le fichier AEM comme ayant été évalué par le département de la Seine-et-Marne, et que ce département a refusé de le prendre en charge en tant que mineur non accompagné [...].
11. Toutefois, si les dispositions de l’article R. 221-15-1 du code de l’action sociale et des familles ont notamment pour but de prévenir le détournement du dispositif de protection de l’enfance par des personnes majeures ou des personnes se présentant successivement dans plusieurs départements, elles ne placent pas le président du conseil départemental, lorsqu’il constate qu’une personne déjà identifiée sur le fichier AEM s’est présentée dans un autre département, en situation de compétence liée pour refuser la prise en charge de cette personne sans procéder à son évaluation, notamment s’agissant de son âge. Or, il ressort de la décision contestée et des observations formulées en défense à l’audience par le département de l’Orne qu’en l’espèce le président du conseil départemental de l’Orne, alors que le requérant a présenté des documents d’état civil qui n’ont pas été examinés par les services du département de la Seine-et-Marne, s’est considéré comme tenu par la décision du président du conseil départemental de la Seine-et-Marne rejetant la demande de prise en charge de M. A au motif qu’il serait majeur. La décision contestée est ainsi entachée d’une erreur de droit. Dans ces conditions, en l’absence d’investigation et d’appréciation portée par le département de l’Orne sur l’âge du requérant et sa qualité de mineur isolé, la décision contestée doit être regardée, en l’état de l’instruction, comme étant manifestement erronée et révèle, au vu de la situation de l’intéressé, une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
[…]. »
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