Résumé :
La CAA annule l’arrêté du préfet portant refus de délivrance d’un titre de séjour et OQTF et lui enjoint de délivrer à l’intéressé, confié à l’aide sociale à l’enfance durant sa minorité, un titre de séjour dans un délai de trois mois.
Pour refuser de délivrer un titre de séjour à l’intéressé, le préfet s’est fondé sur un rapport documentaire émettant un avis défavorable sur les documents d’état civil présentés, alors que :
- La légalisation irrégulière du jugement supplétif (effectuée uniquement par le MAE guinéen) ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu’il contient si cet acte présente des garanties suffisantes d’authenticité (voir : Conseil d’Etat - Avis N°457494 du 21 juin 2022).
- En l’absence de tout élément dans la réglementation guinéenne sur la qualité des supports et les sécurités que doivent comporter les actes de l’état civil, le fait que la carte d’identité consulaire soit établie sur un support ordinaire sans sécurité documentaire n’est pas de nature à établir que les mentions qui y sont apposées sont irrégulières, falsifiées ou inexactes.
- Il ne ressort pas de l’art. 196 du code civil guinéen qu’il soit applicable aux jugements suppléant à un acte de naissance, qui relèvent exclusivement de l’art. 193 de ce code.
- La circonstance que la requête et le jugement supplétif portent la même date ne permet pas de démontrer que ce dernier n’est pas authentique.
- Le fait que les documents produits ne comportent pas l’ensemble des mentions prévues aux art. 174 et 176 du code civil guinéens, à supposer que ces articles leur soient applicables, ne suffit pas à leur ôter tout caractère probant.
- L’authenticité de la carte consulaire n’est pas sérieusement contestée.
Ainsi, le préfet ne renverse pas la présomption de validité de l’art. 47 du code civil.
Conseil d’Etat – Avis – N°457494 du 21 juin 2022 :
« 7. A la condition que l’acte d’état civil étranger soumis à l’obligation de légalisation et produit à titre de preuve devant l’autorité administrative ou devant le juge présente des garanties suffisantes d’authenticité, l’absence ou l’irrégularité de sa légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations qu’il contient. En particulier, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’admission au séjour sur le fondement de l’article L.435-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il appartient à l’autorité administrative d’y répondre, sous le contrôle du juge, au vu de tous les éléments disponibles, dont les évaluations des services départementaux et les mesures d’assistance éducative prononcées, le cas échéant, par le juge judiciaire, sans exclure, au motif qu’ils ne seraient pas légalisés dans les formes requises, les actes d’état civil étrangers justifiant de l’identité et de l’âge du demandeur. »
Extraits de l’arrêt :
« […].
11. S’il ressort des pièces du dossier que la légalisation […] du jugement supplétif, qui n’a été effectuée ni par le consul de France ni par le consul de Guinée en France mais par la directrice de la direction des affaires juridiques et consulaires du ministère des affaires étrangères de Guinée et des Guinéens de l’étranger, n’est pas régulière, l’irrégularité de cette légalisation ne fait pas obstacle à ce que puissent être prises en considération les énonciations que contient l’acte si cet acte présente des garanties suffisantes d’authenticité.
12. A cet égard, en l’absence de tout élément sur la qualité des supports des actes d’état civil guinéens et les sécurités qu’ils doivent comporter selon la règlementation guinéenne, la circonstance que la carte d’identité consulaire présentée par M. A à l’appui de sa demande de titre de séjour est établie sur un support ordinaire sans sécurité documentaire, n’est pas de nature à établir que les mentions relatives à son identité et à sa filiation sont irrégulières, falsifiées ou inexactes. De plus, si l’article 196 du code civil guinéen dans sa rédaction alors en vigueur prévoyait que [...], il ne ressort pas de ces dispositions, imposées sur l’acte de naissance, qu’elles soient obligatoires pour les jugements suppléant à un tel acte, qui relèvent exclusivement des dispositions de l’article 193 du même code, dont les dispositions sont invoquées par le requérant. En outre, la circonstance que la requête et le jugement supplétif précité portent la même date, alors, au demeurant, qu’il ressort de ce dernier qu’il a été rendu après le versement de documents au dossier et après enquête réalisée à la barre, notamment l’audition de deux témoins, ne permet pas de démontrer que ce jugement supplétif n’est pas authentique. De même, la circonstance que les documents produits ne comportent pas l’ensemble des mentions prévues par les articles 174 et 176 du code civil guinéen, à supposer que ces articles leur soient applicables, ne suffit pas à leur ôter tout caractère probant. Par ailleurs, l’authenticité de la carte consulaire n’est pas sérieusement contestée par le préfet du Tarn. Dans ces conditions, ce dernier ne peut être regardé comme renversant la présomption de validité de l’article 47 du code civil et c’est donc en méconnaissance des dispositions de cet article, ainsi que de celles de l’article L. 811-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, qui renvoient à l’article 47 du code civil, qu’il a écarté les documents d’état civil produits par M. A.
[…]. »
Voir l’arrêt en PDF :