Résumé :
Les deux requérantes, mineures de nationalité iraquienne, ont vu leurs demandes d’asile rejetées par les autorités néerlandaises. Elles contestent ces décisions de rejet devant la juridiction nationale compétente, faisant valoir qu’elles craignent d’être persécutées en cas de retour en Iraq en raison de l’identité qu’elles se sont forgées aux Pays-Bas, marquée par l’assimilation de normes, valeurs et comportements différents de ceux de leur pays d’origine. Elles soutiennent ainsi appartenir à un « certain groupe social », ce qui devrait conduire à la reconnaissance de leur statut de réfugié.
La juridiction nationale saisie alors la CJUE, qui est amenée à se prononcer sur :
- 1. L’interprétation de la notion d’« appartenance à un certain groupe social » (art. 10 paragraphe 1, sous d) de la directive 2011/95) :
Après avoir rappelé que l’interprétation de la directive 2011/95 (dite « directive qualification ») doit être effectuée dans le respect de la Convention de Genève, de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, de la Convention d’Istanbul et de la CEDEF (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes), la Cour juge qu’en fonction des conditions qui prévalent dans le pays d’origine, les femmes ressortissantes de ce pays, y compris mineures, qui partagent comme caractéristique commune leur identification effective à la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes, intervenue au cours de leur séjour dans un Etat membre, peuvent être considérées comme appartenant à un « certain groupe social ».
- 2. La détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant dans le cadre d’une demande de protection internationale (art. 24 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE)
La Cour rappelle tout d’abord qu’il résulte de l’art. 24 paragraphe 2 de la Charte et de l’art. 3 paragraphe 1 de la CIDE, que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être pris en compte dans l’appréciation sur le fond des demandes concernant des enfants, mais également dans le cadre de la procédure décisionnelle par le biais de garanties procédurales particulières. Lorsqu’un demandeur de protection internationale est mineur, l’autorité nationale doit nécessairement tenir compte, au terme d’un examen individualisé, de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Ainsi, la Cour retient que la Charte s’oppose à ce que l’autorité nationale compétente statue sur une demande de protection internationale présentée par un mineur sans avoir déterminé concrètement l’intérêt supérieur de ce mineur dans le cadre d’une évaluation individuelle.
Interrogée sur ce point, la CJUE relève également qu’un séjour de longue durée dans un Etat membre, surtout lorsqu’il coïncide avec une période au cours de laquelle le demandeur mineur a forgé son identité, est susceptible d’être pris en compte aux fins d’évaluer une demande de protection internationale fondée sur un motif de persécution tel que « l’appartenance à un certain groupe social ».
Art.10 paragraphe 1, sous d) de la directive 2011/95 :
« un groupe est considéré comme un certain groupe social lorsque, en particulier :
- ses membres partagent une caractéristique innée ou une histoire commune qui ne peut être modifiée, ou encore une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce, et
- ce groupe a son identité propre dans le pays en question parce qu’il est perçu comme étant différent par la société environnante.
(...). »
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