1. Textes de références
L’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles prévoit la prise en charge obligatoire des jeunes majeurs de moins de vingt-et-un ans par l’ASE lorsqu’ils remplissent certaines conditions :
« Sont pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance sur décision du président du conseil départemental : (…)
5° Les majeurs âgés de moins de vingt et un ans et les mineurs émancipés qui ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants, lorsqu’ils ont été confiés à l’aide sociale à l’enfance avant leur majorité, y compris lorsqu’ils ne bénéficient plus d’aucune prise en charge par l’aide sociale à l’enfance au moment de la décision mentionnée au premier alinéa du présent article et à l’exclusion de ceux faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.
Peuvent être également pris en charge à titre temporaire, par le service chargé de l’aide sociale à l’enfance, les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants.
Un accompagnement est proposé aux jeunes mentionnés au 1° du présent article devenus majeurs et aux majeurs mentionnés au 5° et à l’avant-dernier alinéa, au-delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer l’année scolaire ou universitaire engagée. »
Il est rappelé que :
« Les personnes de nationalité étrangère bénéficient dans les conditions propres à chacune de ces prestations :
1° Des prestations d’aide sociale à l’enfance ; (…) » (article L. 111-2 du CASF)
On peut aussi citer l’article L. 112-3, 4ème alinéa, du même code :
« Ces interventions [de la protection de l’enfance] sont également destinées à des majeurs de moins de vingt et un ans connaissant des difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre. »
L’article L. 221-1 du CASF précise les missions de l’ASE :
« Le service de l’aide sociale à l’enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes :
1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l’autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ; (…) »
2. Les jeunes ayant été confié·e·s à l’aide sociale à l’enfance durant leur minorité
Les jeunes majeurs âgés de moins de vingt-et-un-ans qui remplissent certaines conditions doivent être pris en charge par l’aide sociale à l’enfance.
Ces conditions sont :
- Avoir été confié à l’ASE durant la minorité. Cette condition n’implique pas que la prise en charge de l’aide sociale à l’enfance soit encore en cours jusqu’à la veille de la majorité. En effet, l’article suscité prévoit le bénéfice de l’aide jeune majeur même lorsque la prise en charge a été interrompue. La condition est donc d’avoir été placé, à un moment pendant sa minorité, à l’aide sociale à l’enfance.
- L’insuffisance de ressource ou de soutien familial suffisants.
Si ces deux conditions sont remplies alors le jeune majeur de moins de vingt-et-un ans doit bénéficier d’une prise en charge par l’aide sociale à l’enfance.
Il s’agit bien d’un droit pour le jeune majeur et d’une obligation pour le service départemental.
Depuis la loi du 26 janvier 2024 pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration, il y a une exclusion de l’aide sociale obligatoire pour les jeunes faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français. Ils peuvent cependant bénéficier d’une aide facultative.
Le Juge des référés du Conseil d’Etat, dans une décision du 12 décembre 2022, n°469133 a considéré que le président du conseil départemental qui ne propose pas une aide adaptée à ses besoins à un jeune majeur de moins de 21 ans qui ne bénéficie pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, lorsque cette carence entraîne des conséquences graves pour l’intéressé.
« 6. Il résulte, d’une part, des dispositions de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles que, depuis l’entrée en vigueur du I de l’article 10 de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, qui a modifié cet article sur ce point, les jeunes majeurs de moins de vingt et un ans ayant été pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance d’un département avant leur majorité bénéficie d’un droit à une nouvelle prise en charge par ce service, lorsqu’ils ne disposent pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants.
7. Il résulte, d’autre part, des dispositions de l’article L. 222-5-1 du même code qu’un projet d’accès à l’autonomie, élaboré par le président du conseil départemental avec le mineur, en y associant d’autres institutions et organismes concernés, vise à apporter au mineur pris en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance une réponse globale adaptée à ses besoins en matière éducative, sociale, de santé, de logement, de formation, d’emploi et de ressources. Ce projet est complété, si nécessaire, en fonction des besoins particuliers du jeune majeur en application de l’article R. 222-6 de ce code, dans sa rédaction issue du décret du 5 août 2022 relatif à l’accompagnement vers l’autonomie des jeunes majeurs et des mineurs émancipés ayant été confiés à l’aide sociale à l’enfance, pour les jeunes majeurs de moins de vingt et un ans mentionnés au 5° de l’article L. 222-5, qui continuent de relever d’une prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance. Cette prise en charge prend la forme du document dénommé " contrat jeune majeur " qui a pour objet de formaliser les relations entre le service de l’aide sociale à l’enfance et le jeune majeur, dans un but de responsabilisation de ce dernier.
8. Une carence caractérisée dans l’accomplissement par le président du conseil départemental des missions fixées par les dispositions rappelées aux points précédents, notamment dans les modalités de prise en charge des besoins du mineur ou du jeune majeur relevant de l’aide sociale à l’enfance, lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour l’intéressé, est de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. »
Ainsi, le jeune majeur qui, remplissant les conditions indiquées ci-dessus, ne bénéficie pas d’un contrat jeune majeur, et fait ainsi face à des conditions de vie très difficile, peut donc introduire une requête en référé liberté.
3. L’accompagnement proposé pour terminer l’année scolaire
Cette aide concerne les jeunes qui sont engagés dans une année scolaire ou universitaire :
- Les mineurs devenant majeurs en cours d’année scolaire ou universitaire
- Les majeur.es qui bénéficient d’une aide qui arrive à échéance durant l’année scolaire ou universitaire.
Le président du conseil départemental doit obligatoirement leur proposer un accompagnement pour terminer l’année scolaire ou universitaire engagée.
Le calendrier scolaire est fixé par arrêté ministériel et la fin de l’année scolaire en cours est la veille de la rentrée de l’année scolaire suivante. (Arrêté du 7 décembre 2022 fixant le calendrier scolaire des années 2023-2024, 2024-2025 et 2025-2026)
Voir décision Conseil d’Etat, 21 décembre 2018, n°420393, Mentionné aux tables
« 4. Il résulte de ces dispositions que s’il incombe au président du conseil départemental de préparer l’accompagnement vers l’autonomie de tout mineur pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance dans l’année précédant sa majorité, il dispose, sous le contrôle du juge, d’un large pouvoir d’appréciation pour accorder ou maintenir la prise en charge par ce service d’un jeune majeur de moins de vingt-et-un ans éprouvant des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants. Toutefois, lorsqu’une mesure de prise en charge d’un mineur parvenant à sa majorité, quel qu’en soit le fondement, arrive à son terme en cours d’année scolaire ou universitaire, il doit proposer à ce jeune un accompagnement, qui peut prendre la forme de toute mesure adaptée à ses besoins et à son âge, pour lui permettre de ne pas interrompre l’année scolaire ou universitaire engagée. »
Voir décision Conseil d’Etat, 1er mars 2019, n°427278, s’agissant du référé-liberté
"4. Il résulte de ces dispositions que, si le président du conseil départemental dispose, sous le contrôle du juge, d’un large pouvoir d’appréciation pour accorder ou maintenir la prise en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance d’un jeune majeur de moins de vingt et un ans éprouvant des difficultés d’insertion sociale faute de ressources ou d’un soutien familial suffisants, il incombe au président du conseil départemental de préparer l’accompagnement vers l’autonomie de tout mineur pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance dans l’année précédant sa majorité. A ce titre, notamment, il doit veiller à la stabilité du parcours et à l’orientation des mineurs confiés au service et les accompagner vers l’autonomie dans le cadre d’un projet élaboré avec le mineur auquel doivent être associés les institutions et organismes concourant à apporter à ses besoins une réponse globale et adaptée. Lorsqu’une mesure de prise en charge d’un mineur parvenant à sa majorité, quel qu’en soit le fondement, arrive à son terme en cours d’année scolaire ou universitaire, il doit en outre proposer à ce jeune un accompagnement, qui peut prendre la forme de toute mesure adaptée à ses besoins et à son âge, pour lui permettre de ne pas interrompre l’année scolaire ou universitaire engagée. Une carence caractérisée dans l’accomplissement de ces missions peut, lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour l’intéressé, porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale."
4. Le comportement défavorable du jeune majeur peut-il justifier un refus ou un arrêt de l’aide de l’ASE ?
La juridiction administrative a été amenée à se prononcer plusieurs fois sur la question de l’arrêt ou du refus de prise en charge d’un jeune majeur qui bénéficiait d’une aide jeune majeur obligatoire, en application du 5° de l’article L. 222-5 du CASF, en raison de son comportement.
Un comportement sur lequel il est émis des réserves, des manquements graves au règlement de la structures, des troubles du comportement, ou encore un placement sous contrôle judiciaire (cette liste n’étant pas exhaustive) ne sont pas des motifs qui permettant à l’ASE de mettre fin à l’aide jeune majeur.
Dans un cas dans lequel le jeune majeur avait été placé sous contrôle judiciaire à la suite d’une mise en examen pour des faits d’agression sexuelle, et qui se voyait reprocher des manquements graves et répétés au règlement de la structure, le Juge des référés du Conseil d’Etat a considéré que le Président du conseil départemental ne pouvait mettre fin à la prise en charge, dès lors qu’il ne résultait pas de l’instruction que tout maintien dans une structure de l’ASE était impossible :
Extraits de l’ordonnance du Juge des référés du Conseil d’Etat du 12 mars 2024 :
"7. Il résulte de l’instruction que, par un premier jugement en assistance éducative du 23 juillet 2021 du juge des enfants du tribunal pour enfants de Créteil (Val-de-Marne), confirmé par la cour d’appel de Paris le 4 mars 2022, suivi d’autres jugements de prolongation de la mesure, M. C..., ressortissant malien, qui a déclaré être né le 2 février 2006 à Bamako (Mali), a été confié à la garde du conseil départemental du Val-de-Marne jusqu’à sa majorité. M. C... est, par ailleurs, actuellement inscrit au centre de formation des apprentis académique D... où il suit avec assiduité une formation en pâtisserie par la voie de l’apprentissage. Par une ordonnance du 9 décembre 2023 du juge du tribunal pour enfants D..., il a été placé, dans l’attente de l’audience pénale reportée en mars prochain, sous contrôle judiciaire à la suite d’une plainte déposée contre lui par une jeune femme qui lui reproche de l’avoir agressée sexuellement au sein du logement qu’il occupe. Compte tenu de cette plainte, de ce que les actes qui lui sont reprochés auraient été commis au sein du logement qu’il occupe d’ailleurs avec trois autres jeunes également pris en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance et de l’existence d’autres manquements graves au règlement au sein de la structure d’hébergement qui lui ont été signalés, ayant consisté à avoir, dans le même appartement, invité à plusieurs reprises des jeunes femmes, dont certaines pourraient être mineures, pour des relations sexuelles tarifées, le président du conseil départemental du Val-de-Marne a, par une décision du 16 janvier 2024, refusé de faire droit à sa demande de prolongation d’une prise en charge en qualité de jeune majeur sur le fondement du 5° de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles. Le département du Val-de-Marne relève appel de l’ordonnance du 12 février 2024 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Melun, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a suspendu l’exécution de la décision
du 16 janvier 2024.
8. Il résulte de l’instruction que si la mesure de contrôle judiciaire prononcée par l’ordonnance du 9 décembre 2023 mentionnée au point précédent et dont l’unité éducative en milieu ouvert (UEMO) de Vitry-sur-Seine doit assurer le suivi, comporte une interdiction d’entrer en relation avec la victime, une obligation de soin et de poursuite de sa scolarité, elle ne comporte en revanche aucune mesure relative à l’hébergement. En dépit de la très grande gravité des faits reprochés à l’intéressé par la plaignante et des manquements graves et répétés aux règles de fonctionnement de la structure d’hébergement qui auraient été commis pendant la minorité de l’intéressé, il ne résulte pas de l’instruction qui s’est poursuivie à l’audience que tout maintien de M. C... au sein d’une structure d’hébergement éventuellement plus sécurisée, relevant de l’aide sociale à l’enfance, serait rendu impossible. Il résulte de l’instruction que l’intéressé ne disposant pas de ressources suffisantes le rendant autonome, ni d’un soutien familial sur le territoire français et dont la scolarité devrait s’achever avec le passage du certificat d’aptitude professionnel en juin prochain, l’absence de toute prise en charge dans le cadre d’un contrat jeune majeur risque de compromettre l’obligation de suivi scolaire et de soin qui font partie des mesures du contrôle judiciaire. Le droit que l’intéressé tire du 5° de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles, donne au président du conseil départemental un large choix dans les mesures, rappelées à l’article R. 222-6 du code de l’action sociale et des familles, qu’il décide de faire figurer dans le contrat de jeune majeur dans un but de responsabilisation de ce dernier, en fonction de la situation et des besoins de celui-ci, dont par exemple un accès aux soins et un accompagnement socio-éducatif portant notamment sur le développement psychique et affectif. Par suite, et sans préjudice
de la possibilité que le président du conseil départemental aura, le cas échéant, de modifier ou d’interrompre la prise en charge au titre de l’aide sociale à l’enfance en fonction de toute évolution de la situation du jeune majeur qui le justifierait, il résulte de ce qui précède qu’en l’état de l’instruction, le refus opposé à M. C... de lui proposer, sous quelque forme que ce soit, un contrat " jeune majeur " à compter de sa majorité et la décision en particulier de mettre fin à son hébergement, révèle une carence caractérisée dans
l’accomplissement par le président du conseil départemental des missions qui lui ont été confiées et qui ont été rappelées aux points 2 à 5, de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale, à laquelle il est urgent de mettre fin dans les circonstances de l’espèce. Il s’ensuit que le département du Val-de-Marne n’est pas fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée"
Pour l’exemple d’un comportement moins grave, l’on peut citer une ordonnance du Juge des référés du Conseil d’Etat du 9 mai 2023, dans laquelle il a été considéré que des "réserves (...) exprimées concernant le comportement" et "le manque d’investissement dans ses études" ne pouvaient suffire à mettre fin à la prise en charge d’une jeune majeure.
Bien entendu, les troubles du comportement résultant de ses problèmes de santé psychique ne sauraient justifier la refus de renouvellement de prise en charge d’un jeune majeur (Voir dans ce sens TA Marseille, ordonnance du 29 juin 2023. Un cas similaire a été porté devant le Conseil d’Etat, s’agissant d’une jeune femme enceinte et faisant l’objet d’une prise en charge en centre médico-psychologique (Conseil d’Etat, Ordonnance du 15 novembre 2022).