Résumé :
L’intéressée, qui s’est vue refusée sa prise en charge en tant que mineure isolée par le département de Loir-et-Cher et a saisi le juge des enfants d’une requête en assistance éducative, a sollicité auprès de la préfecture l’enregistrement de sa demande d’asile, ce qui lui a été refusé en raison de sa minorité et de l’absence de représentant légal.
Le juge des référés rappelle qu’il incombe au préfet d’enregistrer, sur la base des éléments dont il dispose, la demande d’asile d’un mineur non accompagné se présentant à ses services sans représentant légal et en parallèle, d’en aviser immédiatement le procureur de la République afin qu’il désigne sans délai un administrateur ad hoc (AAH).
Amené à se prononcer sur le fondement de l’art. L. 521-2 du code de justice administrative (« référé liberté »), le juge des référés retient que le refus d’enregistrer la demande d’asile de l’intéressée a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d’asile et enjoint à la préfète d’enregistrer sa demande et de saisir sans délai le procureur de la République aux fins de désignation d’un AAH.
Voir dans le même sens :
- Tribunal administratif d’Orléans – Ordonnance N°2204232 du 1er décembre 2022
- Tribunal administratif de Nantes – Ordonnance N°2211509 du 7 septembre 2022
- Tribunal administratif d’Amiens – Ordonnance N°220223 du 11 juillet 2022
- Art. L. 521-9 du CESEDA : « Lorsque la demande d’asile est présentée par un mineur non accompagné, le procureur de la République, avisé immédiatement par l’autorité administrative, lui désigne sans délai un administrateur ad hoc. Celui-ci assiste le mineur et assure sa représentation dans le cadre des procédures administratives et juridictionnelles relatives à la demande d’asile. »
- Art. R. 521-18 du CESEDA : « Lorsqu’un mineur non accompagné se présente sans représentant légal pour l’enregistrement d’une demande d’asile, le préfet compétent enregistre la demande sur la base des éléments dont il dispose et convoque l’intéressé à une date ultérieure pour compléter l’enregistrement de sa demande en présence de son représentant légal.
Lorsque l’ensemble des conditions prévues aux articles R. 521-5 à R. 521-7 sont réunies, l’attestation de demande d’asile mentionnée à l’article L. 521-7 est éditée au nom du mineur non accompagné et remise en présence de son représentant légal. »
Extraits de l’ordonnance :
« […].
5. Le droit constitutionnel d’asile et son corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié et demeurer en France le temps nécessaire à l’examen de la demande constituent pour les étrangers une liberté fondamentale pour la sauvegarde de laquelle le juge des référés peut, en cas d’urgence, ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, toutes mesures nécessaires lorsque, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, l’administration y a porté une atteinte grave et manifestement illégale.
6. D’une part, le fait de refuser l’enregistrement d’une demande d’asile, qui fait obstacle à l’examen de cette dernière, prive l’étranger du droit d’être autorisé à demeurer sur le territoire français jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande. Ce refus porte par lui-même une atteinte suffisamment grave et immédiate à la situation du demandeur pour que la condition d’urgence soit, sauf circonstances particulières, tenue pour satisfaite. Cette condition trouve pleinement à s’appliquer lorsque le demandeur est un mineur isolé.
[...].
9. Il résulte de ces dispositions qu’il incombe au préfet d’enregistrer, sur la base des éléments dont il dispose, la demande d’asile d’un mineur non accompagné se présentant, sans représentant légal, dans ses services. En parallèle, le préfet doit aviser immédiatement le procureur de la République pour qu’il désigne sans délai un administrateur ad hoc. Dès la désignation de l’administrateur ad hoc effectuée, il appartient au préfet de convoquer le mineur non accompagné et l’administrateur ad hoc, afin de compléter l’enregistrement de la demande d’asile et, lorsque les conditions prévues aux articles R. 521-5 à R. 521-7 sont réunies, de lui remettre une attestation de demande d’asile.
10. Il résulte de l’instruction que la préfète du Loiret, autorité administrative compétente pour enregistrer les demandes d’asile des étrangers domiciliés dans le Loir-et-Cher, a refusé d’enregistrer la demande d’asile de Mme A B au motif qu’elle était mineure et n’était pas accompagnée d’un représentant légal. Toutefois, ainsi qu’il résulte de ce qui a été dit au point précédent, la préfète du Loiret devait procéder à un préenregistrement de la demande d’asile de Mme A B et saisir le procureur de la République en vue de faire procéder à la désignation d’un administrateur ad hoc. Le refus de procéder à un tel enregistrement, qui ne préjuge pas des suites qui seront données à la demande d’asile de Mme A B, place l’intéressée, mineure non accompagnée, dans une situation de grande précarité et d’extrême vulnérabilité, en méconnaissance de son intérêt supérieur, et porte, ce faisant, une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d’asile.
[…]. »
Voir l’ordonnance en PDF :