Résumé :
Le juge des référés suspend la décision par laquelle le président de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) a classé sans suite la demande de « contrat jeune majeur » de l’intéressé au motif qu’il avait introduit une demande d’asile et était à ce titre éligible à une prise en charge dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA). Le président de la CEA est enjoint de lui proposer une aide provisoire jeune majeure adaptée à ses besoins.
La condition d’urgence est remplie, l’hébergement de l’intéressé, qui ne dispose d’aucun soutien familial ni ressource, allant s’achever de manière imminente. Le juge des référés souligne en outre qu’il n’est pas établi qu’un accueil correspondant à ses besoins, notamment concernant la poursuite de sa scolarité, puisse être effectif à très court terme dans un CADA.
Surtout, la CEA est légalement tenue de reprendre sa prise en charge en vertu du 5° de l’art. L.222-5 du CASF, l’intéressé ayant été confié à l’ASE durant sa minorité et ne disposant d’aucun soutien familial ni d’aucune ressource. A cet égard, les considérations de la CEA concernant les perspectives d’insertion sociale et professionnelle de l’intéressé sont écartées puisqu’elles ne sauraient suffire à justifier une décision de fin de prise en charge pour l’application de ses dispositions.
La CEA ne peut donc pas remettre en cause le droit à la poursuite de sa prise en charge au motif qu’il serait susceptible de bénéficier d’une place d’hébergement en CADA. Elle ne démontre en outre pas qu’une prise en charge par l’OFII durant l’instruction de sa demande d’asile serait susceptible de correspondre à ses besoins spécifiques.
Extraits de l’ordonnance :
« […].
6. Il résulte des dispositions précitées de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles que, depuis l’entrée en vigueur du I de l’article 10 de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, qui a modifié cet article sur ce point, les jeunes majeurs de moins de vingt et un ans ayant été pris en charge par le service de l’aide sociale à l’enfance d’un département avant leur majorité bénéficient d’un droit à une nouvelle prise en charge par ce service, lorsqu’ils ne disposent pas de ressources ou d’un soutien familial suffisants. [...]
[…].
10. En l’espèce, la CEA, qui a pris en charge M. D au titre de l’aide sociale à l’enfance durant sa minorité, est, dès lors qu’il est constant que celui-ci ne bénéficie d’aucun soutien familial ni d’aucune ressource, légalement tenue de reprendre cette prise en charge.
Aussi, si la CEA fait valoir que la situation administrative incertaine de l’intéressé, résultant de sa demande d’asile en cours d’instruction, compromet ses perspectives d’insertion sociale et professionnelle, de telles considérations, qui pouvaient être prises en compte dans le cadre du large pouvoir d’appréciation dont disposait auparavant le président du conseil départemental pour accorder ou maintenir la prise en charge d’un jeune majeur, ne sauraient suffire, pour l’application des dispositions du 5° de l’article L. 222-5 du code de l’action sociale et des familles issues de la loi du 7 février 2022, à justifier la décision ayant pour effet de mettre fin à sa prise en charge par l’aide sociale à l’enfance. En outre, la qualité de demandeur d’asile du requérant ne fait pas obstacle à l’application de ces dispositions. La CEA ne peut donc pas remettre en cause le droit à la poursuite de la prise en charge entamée au motif qu’il serait susceptible de bénéficier d’une place d’hébergement en centre d’accueil pour demandeur d’asile. Enfin, la CEA ne démontre pas qu’une prise en charge par l’Office français de l’immigration et de l’intégration durant l’instruction de la demande d’asile serait susceptible de correspondre aux besoins spécifiques de M. D.
[…]. »
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