Tribunal administratif de Paris – Ordonnance N°2429065 du 2 novembre 2024 – Référé liberté – Injonction de poursuite de l’accueil provisoire d’urgence d’une mineure isolée – Appréciation sur la minorité manifestement erronée

Résumé :

Le juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L.521-2 du code de justice administrative (« référé liberté »), enjoint à la Ville de Paris d’assurer l’hébergement et la prise en charge des besoins essentiels de l’intéressée qui se déclare mineure isolée et a fait l’objet d’un refus de prise en charge.

Le juge des référés retient que la condition d’urgence est remplie au regard de son absence d’hébergement pérenne et de ressource.

Par ailleurs, si la Ville de Paris a retenu un manque de repères temporels dans ses propos et un manque de clarté concernant son parcours migratoire, l’intéressée a présenté au service chargé de l’évaluation de sa minorité et de son isolement, une photographie de son extrait d’acte de naissance dont les mentions correspondent à la photographie du certificat de nationalité ivoirienne, ainsi qu’à la copie du passeport présentées devant le tribunal. Il a de plus été relevé lors de l’évaluation qu’elle était en mesure de décrire son quotidien, d’apporter des repères temporels quant à sa scolarité, et que son parcours migratoire était cohérent. Aucune contradiction n’a été relevée dans son récit. Le juge des référés retient ainsi que, nonobstant la description succincte de modalités d’obtention des copies des documents présentés, la Ville de Paris a porté une appréciation manifestement erronée sur sa minorité. La carence dans sa mission de protection de l’enfance a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale en raison d’un risque immédiat de mise en danger de sa santé et de sa sécurité.


Extraits de l’ordonnance :

« […].

12. Pour refuser de l’admettre au bénéfice de l’aide sociale à l’enfance, la ville de Paris a retenu que les propos de Mme A concernant sa famille et son quotidien ne comportaient pas de repères temporels croisés permettant de les rattacher à l’âge déclaré, qu’elle ignorait notamment, même de manière approximative, l’âge des membres de sa famille et le que récit de son parcours migratoire manquait de clarté tant dans son organisation que son financement. Il résulte, toutefois, de l’instruction que, pour justifier de sa minorité, Mme A a présenté aux services de l’accueil des mineurs non accompagnés, une photographie de son extrait d’acte de naissance […], envoyée par l’une de ses tantes, dont les mentions sont conformes à celle figurant sur le certificat de nationalité ivoirienne dont elle produit également la photographie. Aucune incohérence n’ayant, par ailleurs, été relevée par la ville de Paris. Par ailleurs, la requérante a joint, à sa requête, une copie de son passeport dont les mentions d’état-civil sont parfaitement identiques aux deux documents précités, notamment s’agissant de la date de naissance de l’intéressée. Par ailleurs, l’évaluateur qui l’a reçue en entretien [...] a relevé que "B nous décrit son quotidien et nous parvenons à nous le représenter. Les repères temporels concernant sa scolarité sont nombreux ce qui nous permet de créer une frise chronologique retraçant suffisamment efficacement son parcours de vie", "son parcours migratoire est cohérent". Si le rapport d’évaluation mentionne des réponses détaillées mais sans rapport avec la question posée et une description succincte de son environnement familiale, aucune contradiction n’a néanmoins été relevée dans le récit de Mme A, notamment en ce qui concerne sa cohérence chronologique. Dès lors, en l’état de l’instruction et à la date de la présente ordonnance, l’appréciation portée par la maire de Paris sur la minorité de Mme A doit être regardée comme manifestement erronée, nonobstant la description succincte des modalités d’obtention des copies de documents d’identité produits dans le cadre de l’instance ainsi que les conditions d’obtention du passeport présenté au cours de l’audience. Dans ces conditions, eu égard à la situation de précarité dans laquelle se trouve Mme A, il y a lieu de considérer que la carence de la ville de Paris dans l’accomplissement de sa mission définie à l’article L. 221-1 du code de l’action sociale et des familles porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale en raison d’un risque immédiat de mise en danger de sa santé ou de sa sécurité.

[…].  »


Ordonnance en PDF :

TA Paris - Ordonnance N°2429065 du 2 novembre 2024
Retour en haut de page