Question écrite N°2499 : Pour le respect des droits fondamentaux des mineurs non accompagnés

Source : Assemblée nationale

Question publiée au JO le 03.12.2024

Auteur : M. Idir Boumertit - Rhône (14e circonscription) - La France insoumise - Nouveau Front Populaire

Ministère interrogé : Intérieur

Texte de la question :

«  M. Idir Boumertit interroge M. le ministre de l’intérieur sur la situation des mineurs non accompagnés en France. Sur l’entièreté du territoire national, la prise en charge par l’administration française des mineurs non accompagnés est défaillante et nombre d’entre eux dorment chaque nuit à la rue. D’après les dernières données disponibles, le nombre de MNA primo-demandeurs en France augmente : 120 en mai, 135 en juin et 140 en juillet 2024. Les modalités d’analyse et de détermination de la minorité des personnes ne sont pas fiables et la présomption de minorité n’est pas respectée. Les collectivités territoriales chargées de la prise en charge des mineurs non accompagnés ne sont pas en mesure de l’assurer convenablement. Un des problèmes caractéristiques étant celui de l’attente d’une décision de justice statuant sur la minorité de la personne pour démarrer un suivi et une prise en charge. Sur le territoire de la métropole de Lyon, on dénombre près de 300 mineurs non accompagnés en recours (dans 80 % des cas, la décision leur sera favorable). Parmi ces 300 mineurs, 102 sont pris en charge dans le dispositif "Stations" mis en place par la métropole avec la préfecture. 200 ne bénéficient donc pas d’une prise en charge institutionnelle et survivent grâce aux diverses actions humanitaires existantes sur le territoire. Que la compétence en matière de prise en charge relève des services préfectoraux ou des services métropolitains, M. le député souhaite rappeler à M. le ministre qu’il revient en premier lieu à l’État d’organiser et de permettre aux collectivités, quelles qu’elles soient, de pouvoir assurer ces compétences. Le droit positif est aujourd’hui précis sur la prise en charge et les garanties dont doivent bénéficier les personnes mineures. D’abord, de jurisprudence constante, le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel (CE, 1er juillet 2015, n° 386769 ; QPC, 21 mars 2019, n° 2018-768) ont révélé l’existence d’une présomption de minorité des personnes se déclarant mineures. Dans son rapport de 2022, la Défenseure des droits, autorité administrative indépendante chargée de veiller au respect des droits et libertés, rappelle la position qui est la sienne : tout jeune se disant mineur et isolé doit être considéré comme un enfant à protéger, relevant par là-même de la protection de l’enfance. La Cour européenne des droits de l’homme préconise régulièrement la même chose et le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a d’ailleurs demandé à la France d’annoncer, avant le 25 juillet 2023, des mesures afin que la présomption de minorité soit respectée. Toute personne se disant mineure doit donc être prise en charge immédiatement. Force est de constater que tel n’est pas le cas aujourd’hui. Aussi, M. le député rappelle que l’article 20 de la Convention internationale des droits de l’enfant impose aux États l’ayant ratifiée, ce qui est le cas de la France, de faire droit à une protection ou une aide spéciale à « tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial ». Davantage, le Conseil constitutionnel avait, dans une décision de 2019, estimé qu’il résulte de la Constitution et plus précisément du préambule de 1946, "une exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant" (2019-778 DC, 21 mars 2019, cons. 59, 60). Il l’interroge donc sur les mesures qu’il compte prendre afin de garantir le respect des droits fondamentaux des mineurs non accompagnés sur l’entièreté du territoire national. »

Voir en ligne : www.questions.assemblee-nationale.fr

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Question écrite N°2499


Réponse (publiée le 14.01.2025) :

«  Aux termes de la loi, la prise en charge et l’évaluation des personnes se présentant comme mineurs et privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille relèvent du président du conseil départemental. Afin de les identifier et sous la responsabilité du conseil départemental, une évaluation pluridisciplinaire est menée par des professionnels formés à l’évaluation sociale et ayant une expérience ou une qualification dans les métiers de la protection de l’enfance, du droit, de la psychologie, de la santé ou de l’éducation. Celle-ci inclut les éléments éventuellement transmis par la préfecture et, le cas échéant, des examens complémentaires tels que les tests osseux, réalisés sur décision de l’autorité judiciaire et conformément aux dispositions de l’article 388 du code civil, peuvent être diligentés. Par ailleurs, la personne se déclarant mineure non accompagnée peut, à tout moment, saisir le juge des enfants en vertu de l‘article 375 du Code civil afin que sa minorité et son isolement soient reconnus. Toutefois, la saisine du juge des enfants à la suite d’une décision de refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance du président du conseil départemental n’est pas suspensive et met fin immédiatement à sa prise en charge. La possibilité pour le juge des enfants d’ordonner des mesures provisoires dans l’attente de sa décision en matière d’assistance éducative, sur le fondement de l’article 375-5 du code civil, reste à sa libre appréciation. Il est également à noter que le Conseil d’Etat dans une décision du 14 mars 2023 (n° 471867) estime qu’il est également possible pour la personne de saisir le juge du référé liberté sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. A ce titre, le juge des référés peut enjoindre la poursuite de l’accueil provisoire s’il estime que l’appréciation du président du conseil départemental est manifestement erronée et qu’il existe un risque immédiat de mise en danger de la santé ou de la sécurité de la personne concernée. Dès lors, les personnes se déclarant MNA disposent de plusieurs garanties procédurales leur permettant de faire valoir leur droit si leur minorité est confirmée par les services spécialisés. S’agissant plus particulièrement de la protection de l’enfance dans le Rhône, les deux collectivités (conseil départemental et métropole de Lyon) sont compétentes, depuis la loi du 27 janvier 2014, chacune sur les territoires qui la concerne. A ce titre, depuis le début de l’année 2024, 2/3 (soit 251 jeunes) des MNA confiés par décisions judiciaires sont pris en charge par la métropole de Lyon et 1/3 (soit 93 jeunes) par le conseil départemental. Enfin, les autorités judiciaires, comme le représentant de l’Etat, recherchent activement toutes les solutions utiles à l’exercice par la collectivité départementale de la mission d’aide sociale à l’enfance que lui confère la loi, dans un esprit d’échange et de dialogue. Le Gouvernement est notamment conscient des difficultés liées à la saisine non suspensive du juge des enfants à la suite d’une décision de refus d’admission à l’aide sociale à l’enfance du président du conseil départemental. Un rapport au garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 25 juin 2024 sur les voies, conditions et délais de recours des personnes se déclarant "mineurs non accompagnés" fait notamment état de ces problématiques, et relève en ce sens sept recommandations visant à améliorer le dispositif et servir l’intérêt de ces jeunes et des intervenants engagés pour leur protection. Ainsi, les ministères concernés travaillent au perfectionnement du dispositif actuel.  »

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