Cour administrative d’appel de Douai – Arrêt N°24DA00798, 24DA00809 du 20 novembre 2024 – Annule l’arrêté portant refus de titre de séjour (art. L. 423-22 CESEDA) et OQTF – Refus fondé sur l’inauthenticité des documents d’état civil – Méconnaissance de l’art. 8 de la CESDH au regard du parcours de l’intéressé, du sérieux de sa scolarité et de ses liens en France

Résumé :

La CAA annule l’arrêté portant refus de titre de séjour (sollicité sur le fondement de l’art. L. 423-22 du CESEDA) et OQTF et enjoint au préfet de délivrer à l’intéressé, confié à l’aide sociale à l’enfance avant ses 16 ans, une carte de séjour « vie privée et familiale ».

La CAA retient que la décision de refus, qui se fondait sur le caractère inauthentique des documents d’état civil produits, a méconnu l’article 8 de la CESDH (droit au respect de la vie privée et familiale), compte tenu notamment de son parcours (arrivé mineur en France avec son frère également mineur, tous deux pris en charge par l’ASE), du caractère sérieux de sa scolarité (obtention du baccalauréat général et poursuite en formation professionnelle avec des résultats satisfaisants), des liens de sociabilité qu’il a noué et de ceux qu’il entretient avec son frère en France, ainsi que des rapports attestant de sa volonté d’intégration.


Extraits de l’arrêt :

« […].

4. Si, s’appuyant sur un rapport d’analyse de la police aux frontières, le préfet a mis en cause l’authenticité des documents d’état-civil de M.A il ressort des pièces du dossier que ce dernier est arrivé sur le territoire français alors qu’il était mineur, accompagné de son frère aîné, également mineur. Les deux enfants ont d’abord été accueillis au domicile de leur oncle, désigné comme tiers de confiance, puis ont fait l’objet, en raison de violences subies de la part de ce tuteur, d’une mesure de placement provisoire auprès des services de l’aide sociale à l’enfance […], décision qui a été confirmée par un jugement du tribunal judiciaire de Rouen […]. Il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport d’évaluation établi par l’organisme d’accueil […] et de ses bulletins scolaires, que le requérant, dont la personnalité est respectueuse, autonome et responsable, a toujours obtenu de bons résultats, les professeurs soulignant notamment son assiduité, son sérieux et son investissement dans le parcours de formation, à l’issue duquel il s’est vu décerner […] un baccalauréat général en sciences économiques et sociales. Il ressort encore des pièces du dossier que M.A poursuit sa formation professionnelle en vue de l’obtention d’un brevet technique spécialisé « Management des unités commerciales », et justifie, par la production de ses relevés de notes, de résultats satisfaisants, réguliers et sérieux. L’ensemble de ces éléments révèle le caractère réel et sérieux de la formation suivie par M.A et sa volonté d’intégration sociale et professionnelle sur le territoire français. Le requérant, qui justifie d’une pratique sportive dans un club de football, en qualité de licencié, a noué des liens de sociabilité, ainsi qu’une relation sentimentale avec une ressortissante française depuis près d’un an. En outre, les nombreuses notes d’évaluation sociale de l’association chargée de son suivi attestent non seulement de son bon comportement et de sa volonté de s’intégrer et de réussir, mais également des liens particulièrement forts qu’il entretient avec son frère aîné également confié aux services de l’aide sociale à l’enfance, et avec lequel il a connu le même parcours migratoire. La circonstance, invoquée par le préfet, que M. A n’est pas isolé dans son pays d’origine où réside son père, ne saurait être regardée comme déterminante, alors qu’il indique que sa mère est décédée […] et que le seul autre membre de sa famille avec lequel il conserve des liens est son unique frère, présent sur le territoire français. Par suite, au vu de l’ensemble des éléments relatifs à sa vie privée et familiale, M. A est fondé à soutenir qu’en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de la Seine-Maritime a méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il s’ensuit que la décision de refus de séjour ainsi que, par voie de conséquence, les décisions assortissant ce refus de séjour d’une obligation de quitter le territoire français et de la fixation du pays de destination, doivent être annulées.

[…].  »


Arrêt en PDF :

CAA Douai - Arrêt N°24DA00798, 24DA00809 du 20 novembre 2024
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