Source : Assemblée nationale
Voir en ligne : www.assemblee-nationale.fr
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 mars 2025.
Texte :
« EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 27 janvier 2024, Lily, 15 ans, s’est suicidée dans l’hôtel où elle avait été placée par l’Aide sociale à l’enfance dans le Puy-de-Dôme. La mort de Lily, enfant placée sous la protection des pouvoirs publics, n’a rien d’un fait divers. L’État et les Départements connaissaient parfaitement la dangerosité des placements en hôtel, et cela depuis des années.
Dès 2020, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a établi les "dangers bien identifiés" encourus par les enfants placés hébergés en hôtel. Absence de présence éducative suffisante, enfants livrés à eux-mêmes, exposition aux trafics de drogue, aux réseaux de prostitution, à la violence … La liste des dangers est si longue que l’IGAS conclut à "une perte de chances" pour les enfants qui sont ainsi hébergés. Le Défenseur des droits et la Cour des comptes avaient eux aussi établi le caractère fondamentalement inadapté des hôtels comme mode d’hébergement des mineurs.
Il est désespérant de se souvenir que ce rapport avait été rédigé en réaction à un précédent drame : le meurtre de Jess, enfant placé de 17 ans, poignardé dans l’hôtel où il était hébergé.
Il a fallu attendre 2022, deux ans après ce meurtre, pour que le Gouvernement présente une loi, la loi Taquet, avec la promesse d’interdire le recours à l’hébergement hôtelier. L’étude d’impact réalisée alors par le Conseil d’État souligne que "le recours à l’hôtel porte une atteinte grave aux droits et aux besoins fondamentaux des enfants confis à l’ASE qui doivent être accueillis dans des établissements ou services sociaux ou médicaux-sociaux". L’interdiction des hôtels semblait donc une totale nécessité. Pourtant, cette promesse n’a jamais été tenue. Pire encore, la loi Taquet a introduit des dérogations pérennes qui permettent aux départements, sous le regard complaisant de l’État, de continuer à user de ce mode d’hébergement inadapté et dangereux, par exemple dans le Puy-de-Dôme où s’est suicidé Lily.
Nous ne devons pas accepter que l’histoire serait vouée à se répéter. De Jess à Lily, quatre ans se sont écoulés sans que rien ne change. Combien de Jess, combien de Lily, vont encore périr dans les hôtels par mépris de la puissance publique pour le devenir des enfants placés ? Nous devons sortir les enfants des hôtels. Des départements le font déjà, en investissant pour se passer de ce mode d’hébergement. D’autres continuent cependant d’y avoir recourir. Il relève désormais de la responsabilité de l’État, en tant que garant de la protection de l’enfance sur le territoire national, de mettre véritablement un terme à ce mode de placement, comme le Gouvernement s’y était engagé.
Il ne peut être opposé à cette mesure l’argument budgétaire : le Conseil d’État a considéré en 2021 dans l’étude d’impact de la loi Taquet que l’incidence budgétaire de cette interdiction était mesurée au regard de l’objectif poursuivi. Il a également établi que l’État devait en tout état de cause accompagner les départements impactés.
La présente proposition de loi reprend donc à son compte les préconisations de l’IGAS, de la Cour des comptes, du Défenseur des droits et enfin du Conseil d’État.
L’article unique supprime les dérogations à l’interdiction du placement en hôtel.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Le second alinéa de l’article L. 221-2-3 du code de l’action sociale et des familles est supprimé. »
Proposition de loi en PDF :