Source : Assemblée nationale
Voir en ligne : www.assemblee-nationale.fr
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 mars 2025.
Texte :
« EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
"Des milliers de jeunes majeurs, qui ont été protégés par l’aide sociale à l’enfance durant leur minorité, seront jetés à la rue. L’ampleur du drame humain sera immense." Ces mots, prononcés en 2024 par M. Lyes Louffok, ancien enfant placé et militant des droits de l’enfant, résonnent aujourd’hui avec une urgence dramatique.
Depuis 2024, la protection de ces jeunes majeurs a été fragilisée par une politique de préférence nationale qui nie la réalité de leurs parcours. À leur majorité, ces jeunes, pourtant déjà confrontés à d’immenses difficultés sociales, psychologiques et économiques, se retrouvent brutalement livrés à eux‑mêmes : sans logement, sans ressources, sans perspectives. Trop souvent, la sortie de l’aide sociale à l’enfance (ASE) rime avec errance et précarité.
Pourtant, la loi "Taquet" de 2022 avait marqué une avancée essentielle en obligeant les départements à poursuivre l’accompagnement des jeunes majeurs confiés à l’ASE, dépourvus de ressources ou de soutien familial suffisant. Cette disposition permettait à ces jeunes de bénéficier d’un filet de sécurité jusqu’à leurs 21 ans, le temps de s’insérer dans la vie adulte.
Mais cette protection a été remise en cause par la loi du 26 janvier 2024, qui laisse aux départements la liberté de refuser d’accompagner les jeunes faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Une brèche s’est ainsi ouverte, permettant d’exclure certains jeunes du dispositif sous couvert de leur statut administratif. Ce sont ces mêmes départements, déjà sous forte pression financière, qui prennent aujourd’hui la décision de couper court à cet accompagnement, souvent de manière systématique, sans même examiner les situations au cas par cas.
Or, ces décisions sont parfois prises alors que des recours sont en cours. Il arrive fréquemment que les tribunaux administratifs annulent des OQTF, prouvant ainsi l’absurdité de cette exclusion. Mais en attendant, les jeunes concernés sont livrés à la rue, privés d’accompagnement, abandonnés à un avenir incertain.
L’État ne peut ainsi se dédire de son engagement envers ces jeunes qu’il a lui‑même placés sous sa protection. Il ne peut acter leur relégation sociale et humaine, les condamnant à une précarité certaine, simplement en raison de leur situation administrative. Derrière ces décisions, il y a des destins brisés : des jeunes femmes et des jeunes hommes qui, à peine sortis de l’adolescence, se retrouvent seuls, sans repère, sans soutien, sans rien.
Les organisations expertes du secteur – UNIOPSS, France Terre d’Asile, Apprentis d’Auteuil, Cause Majeur ! – alertent depuis des mois sur cette disposition injuste et dangereuse, qui ne fait qu’accroître la vulnérabilité de ces jeunes. Cette mesure est non seulement inhumaine, mais aussi contre‑productive : elle réduit à néant les efforts consentis par l’État pour permettre à ces jeunes de se reconstruire et d’accéder à l’autonomie.
L’article 1er de cette proposition de loi vise à abroger cette disposition discriminatoire introduite par la loi du 26 janvier 2024. Il s’agit d’un impératif de justice et de dignité : garantir à tous les jeunes majeurs sortant de l’ASE un accompagnement inconditionnel jusqu’à leurs 21 ans, sans distinction fondée sur leur situation administrative.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
À la fin du 5° de l’article L. 222‑5 du code de l’action sociale et des familles, les mots : "et à l’exclusion de ceux faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français en application de l’article L. 611‑1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile" sont supprimés.
Article 2
La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services. »
Proposition de loi en PDF :