Accueil provisoire d’urgence

Textes de référence

Article L. 221-2-4 du code de l’action sociale et des familles (ci-après CASF)

« I.-Le président du conseil départemental du lieu où se trouve une personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille met en place un accueil provisoire d’urgence.

II.-En vue d’évaluer la situation de la personne mentionnée au I et après lui avoir permis de bénéficier d’un temps de répit, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires au regard notamment des déclarations de cette personne sur son identité, son âge, sa famille d’origine, sa nationalité et son état d’isolement.

L’évaluation est réalisée par les services du département. Dans le cas où le président du conseil départemental délègue la mission d’évaluation à un organisme public ou à une association, les services du département assurent un contrôle régulier des conditions d’évaluation par la structure délégataire. (…) »

Article R. 221-11 du CASF :
« I.-La durée de l’accueil provisoire d’urgence prévu au I de l’article L. 221-2-4 est de cinq jours à compter du premier jour de la prise en charge de la personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille. L’accueil peut être prolongé deux fois pour la même durée. Le président du conseil départemental informe sans délai le procureur de la République de cet accueil et de ses éventuelles prolongations.
II.-L’évaluation de la minorité et de l’isolement prévue au II de l’article L. 221-2-4 est réalisée pendant la période d’accueil provisoire d’urgence et après que la personne accueillie a bénéficié d’un temps de répit.
III.-Au cours du temps de répit, le président du conseil départemental identifie les besoins en santé de la personne accueillie en vue, le cas échéant, d’une orientation vers une prise en charge adaptée. Les éléments obtenus à cette occasion ne peuvent pas être utilisés pour évaluer la minorité et la situation d’isolement de la personne accueillie.
La durée du temps de répit est déterminée par le président du conseil départemental en fonction de la situation de la personne accueillie au moment où elle se présente, en particulier de son état de santé physique et psychique ainsi que du temps nécessaire pour que la personne soit informée, dans une langue qu’elle comprend, des modalités et des enjeux attachés à l’évaluation. (…)
 »

Mise en œuvre

Afin d’évaluer la situation d’une personne se présentant comme mineure et isolée, il est procédé à des investigations. La loi prévoit que ces investigations sont réalisées par les services du département ou par délégation.

Ces investigations sont mises en œuvre alors que le jeune bénéficie d’un accueil provisoire d’urgence (l’abréviation "APU" est communément utilisée).

Le président du conseil départemental met en œuvre cet accueil provisoire d’urgence. Toute personne qui se présente comme mineure et isolée doit immédiatement bénéficier de cet accueil provisoire d’urgence. Cela est régulièrement rappelé par les juridictions administratives.

Voir par exemple, Juge des référés du Conseil d’Etat, ordonnances du 25 janvier 2019, s’agissant de procédures de référés-libertés :

« 3. Sous réserve des cas où la condition de minorité ne serait à l’évidence pas remplie, il incombe aux autorités du département de mettre en place un accueil d’urgence pour toute personne se déclarant mineure et privée temporairement ou définitivement de la protection de sa famille, confrontée à des difficultés risquant de mettre en danger sa santé, sa sécurité ou sa moralité en particulier parce qu’elle est sans abri. Lorsqu’elle entraîne des conséquences graves pour le mineur intéressé, une carence caractérisée dans l’accomplissement de cette mission porte une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
4. Si l’article R. 211-1 prévoit que, pendant cet accueil provisoire, il est procédé à une évaluation portant notamment sur l’âge de cette personne et que, au vu des résultats de cette évaluation le président du conseil départemental peut opposer à l’intéressé un refus de prise en charge et mettre fin à l’accueil provisoire d’urgence dont il bénéficiait, les contraintes inhérentes à l’organisation de cette évaluation ne sauraient justifier que le département se soustraie à l’obligation d’accueil prévue par le législateur. La délivrance à une personne se disant mineure, privée de la protection de sa famille et sans abri, se présentant aux services du département, d’un rendez-vous à échéance de plusieurs semaines pour qu’il soit procédé à cette évaluation préalablement à son accueil constitue une carence caractérisée dans l’accomplissement de la mission d’accueil du département, susceptible de porter une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale
. »

Voir également :
TA Marseille, ordonnance du 29 décembre 2023
TA Montreuil, ordonnance du 21 juin 2024
TA Rennes, ordonnance du 19 septembre 2023

La pratique dite des « entretiens flash » qui consiste à procéder à un très bref entretien avec le mineur pour prédéterminer sa minorité ou déterminer sa majorité est donc exclue.

La durée est de 5 jours, cette période étant renouvelable 2 fois. L’accueil provisoire d’urgence peut donc durer 15 jours.

Focus sur le temps de répit


L’accueil provisoire d’urgence débute par un temps de répit. Le jeune doit bénéficier d’un temps de répit avant les investigations.

Ce temps de répit était conseillé dans le guide des bonnes pratiques en matière d’évaluation de la minorité et de l’isolement des personnes se déclarant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille [1]

« Il peut être pertinent de permettre à la personne de bénéficier d’un temps de répit lors de son accueil et préalablement au début de la procédure d’évaluation de sa situation. Ce temps peut contribuer à éviter que l’évaluation repose sur des éléments recueillis sur des mineurs en souffrance, épuisés, parfois en errance psychique, et donc incapables d’apporter des réponses détaillées et cohérentes, notamment concernant leur parcours de vie. Cette période peut par ailleurs être mise à profit pour que le jeune se repose, soit mis en confiance et soit informé dans une langue comprise et parlée sur les différentes formes de protection dont il peut bénéficier ainsi que sur les modalités pratiques et les conséquences de la procédure dans laquelle il s’est engagé. »

La durée de ce temps de répit n’était pas précisée. Ce temps de répit n’avait aucun caractère obligatoire ; il était uniquement recommandé.

La loi n°2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a créé l’article L. 221-2-4du code de l’action sociale et des familles, qui a instauré un accueil provisoire d’urgence spécifique aux mineurs non accompagnés en vue de l’évaluation de leur minorité et de leur isolement. Avant de procéder à cette évaluation, la loi a prévu que le mineur non accompagné doit bénéficier d’un temps de répit, mais sans définir la durée de celui-ci, renvoyant pour cela à un décret.

L’article 1er du décret n°2023-1240 du 22 décembre 2023 modifiant les modalités de mise à l’abri et d’évaluation des personnes se déclarant mineures et privées de la protection de leur famille (…) a modifié l’article R. 221-11 du CASF relatif à l’évaluation des mineurs non accompagnés.

La durée du temps de répit est ainsi prévue :

« La durée du temps de répit est déterminée par le président du conseil départemental en fonction de la situation de la personne accueillie au moment où elle se présente, en particulier de son état de santé physique et psychique ainsi que du temps nécessaire pour que la personne soit informée, dans une langue qu’elle comprend, des modalités et des enjeux attachés à l’évaluation. »

Le décret n’a donc pas fixé de durée minimale du temps de répit mais impose à l’autorité administrative de prendre en compte l’état de la personne qui se présente.

Selon l’article R. 221-11 du CASF, le temps de répit est également le moment pendant lequel la personne pourra être informée sur l’évaluation.

L’on peut légitimement s’interroger sur la pertinence de prévoir cette information durant le temps de répit, alors que la personne peut ne pas être en état de saisir toutes les informations qui lui seront délivrées.

Durant ce temps de répit, il doit également être procédé à l’évaluation des besoins de santé de la personne accueillie. [2]

Durant cette période d’accueil provisoire d’urgence, il se peut que le mineur de plus de seize ans soit mis à l’abri dans des établissements ne relevant pas de la protection de l’enfance.

Si l’article L. 221-2-3 du CASF, issu de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, a interdit la prise en charge des mineurs et jeunes majeurs hors des établissements sociaux ou médico-sociaux, il a prévu une possibilité de dérogation à titre exceptionnel pour des situations d’urgence ou pour assurer la mise à l’abri de mineurs. Si le CASF ne définit pas précisément en quoi consiste la mise à l’abri ici visée, l’économie du dispositif, ainsi que l’intitulé du décret du 22 décembre 2023 permettent d’affirmer que cette dérogation vise l’accueil provisoire d’urgence des personnes se présentant comme mineures et privées de la protection de leur famille.

Le décret n° 2024-119 du 16 février 2024 relatif aux conditions d’accueil des mineurs et jeunes majeurs pris en charge par l’aide sociale à l’enfance hébergés à titre dérogatoire dans des structures d’hébergement dites jeunesse et sport ou relevant du régime de la déclaration a créé les articles D. 221-10-1 à D. 221-10-3 du CASF. Aux termes de ces articles, cette prise en charge dérogatoire ne peut concerner les mineurs de moins de 16 ans notamment.

Sur la question de savoir si l’hébergement à l’hôtel est possible dans le cadre de cette dérogation, l’on peut remarquer des interprétations divergentes des textes du CASF.

La lettre du texte paraît claire, et une interprétation dans le sens d’une interdiction pure et simple de l’hébergement en hôtel est celle retenue par les services de l’Etat (Voir l’instruction de la DGCS du 10 juillet 2024).

Pourtant, l’on peut remarquer que durant l’année 2024, l’hébergement à l’hôtel était encore largement utilisé pour mettre à l’abri des mineurs isolés étrangers.

Voir sur ce sujet : Note d’InfoMIE sur l’hébergement à l’hôtel de mineurs et de jeunes majeurs isolés étrangers pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (avril 2025)

Participation financière de l’Etat

Aux termes de l’article L. 221-2-4 IV du CASF, l’Etat verse une contribution forfaitaire aux départements pour l’évaluation et la mise à l’abri des mineurs isolés étrangers. Cette contribution n’est pas versée lorsque le Président du conseil départemental n’organise pas la présentation de la personne au fichier AEM ou ne transmet pas au Préfet le sens des décisions prises à l’issue de l’évaluation.

La contribution pour la mise à l’abri est de 90 € par jour et par personne pour les 14 premiers jours, puis elle est de 20 € par jour pour les 9 jours suivants. Elle est versée à la condition que la personne bénéficie d’un hébergement adapté et d’un premier accompagnement social.

La contribution pour l’évaluation est de 500 € par personne évaluée.

Cette contribution est réduite à la somme de 100 € dans les cas suivants :

  • Absence de convention entre le président du conseil départemental et le préfet ou absence d’organisation de présentation des personnes au fichier AEM
  • Non application de la convention par le président du conseil départemental
  • Absence de transmission par le président du conseil départemental des informations sur le sens des décisions

[1Guide élaboré dans le cadre d’un groupe de travail pluri-partenarial, avec le concours du ministère de la Justice, du ministère des Solidarités et de la Santé, du ministère de l’Intérieur et du ministère de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. Décembre 2019. Ce guide devrait être mis à jours durant l’année 2025

[2Voir le guide sur le site du Ministère de la Justice

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