Les éléments de détermination de la minorité : généralités

Approche internationale

Le Comité des droits de l’enfant s’est prononcé à de nombreuses reprises sur la procédure de détermination de la minorité.

Observation générale n°6 :

« Cette détermination requiert, entre autres, d’évaluer l’âge − opération qui ne devrait pas se fonder uniquement sur l’apparence physique de l’individu mais aussi sur son degré de maturité psychologique. Cette évaluation doit en outre être menée scientifiquement, dans le souci de la sécurité de l’enfant, de manière adaptée à son statut d’enfant et à son sexe et équitablement, afin de prévenir tout risque de violation de l’intégrité physique de l’enfant ; cette évaluation doit en outre se faire avec tout le respect dû à la dignité humaine et, en cas d’incertitude persistante, le bénéfice du doute doit être accordé à l’intéressé − qu’il convient de traiter comme un enfant si la possibilité existe qu’il s’agisse effectivement d’un mineur ; »

Observation générale conjointe n°23 du 16 novembre 2017 CRC/C/GC/23 :

« 4. Pour obtenir une estimation éclairée de l’âge, les États devraient procéder à une évaluation complète du développement physique et psychologique de l’enfant, qui soit effectuée par des pédiatres et d’autres professionnels capables de combiner différents aspects du développement. Ces évaluations devraient être faites sans attendre, d’une manière respectueuse de l’enfant qui tienne compte de son sexe et soit culturellement adaptée, comporter des entretiens avec l’enfant, dans une langue que l’enfant comprend et celui-ci devrait, si nécessaire, être accompagné d’adultes. Les documents qui sont disponibles devraient être considérés comme authentiques, sauf preuve du contraire, et les déclarations des enfants et de leurs parents ou proches doivent être prises en considération. La personne évaluée devrait avoir le bénéfice du doute. Les États devraient s’abstenir d’utiliser des méthodes médicales fondées, notamment, sur les analyses osseuses et dentaires, qui peuvent être imprécises, comporter de grandes marges d’erreur, et peuvent aussi être traumatisantes et entraîner des procédures juridiques inutiles. Les États devraient aussi veiller à ce que leurs décisions puissent être réexaminées ou soient susceptibles d’appel devant un organe indépendant approprié. »

Décision du 25 janvier 2023, S.E.M.A c. France, CRC/C/92/130/2020 :

« 8.3 Le Comité rappelle que la détermination de l’âge d’un jeune qui affirme être mineur revêt une importance capitale, puisque le résultat de cette procédure détermine si l’intéressé peut prétendre à la protection de l’État en qualité d’enfant. De même, et cela est extrêmement important pour le Comité, la jouissance des droits énoncés dans la Convention est liée à cette détermination. Il est donc impératif que la détermination de l’âge repose sur une procédure régulière, et que les décisions en résultant soient susceptibles de recours. Tant que la procédure de détermination de l’âge est en cours, l’intéressé doit avoir le bénéfice du doute et être traité comme un enfant. Par conséquent, le Comité estime que l’intérêt supérieur de l’enfant devrait être une considération primordiale tout au long de la procédure de détermination de l’âge. »
« Le Comité rappelle que ce n’est qu’en l’absence de documents d’identité ou d’autres moyens appropriés, ce qui n’est pas le cas dans la communication présente, que « [p]our obtenir une estimation éclairée de l’âge, les États devraient procéder à une évaluation complète du développement physique et psychologique de l’enfant, qui soit effectuée par des pédiatres et d’autres professionnels capables de combiner différents aspects du développement
 » (paragraphe 8.6)

Décision du 21 mai 2024, U.A. C. France, CRC/C/96/D/132/2020

Il s’agit d’une affaire similaire à celle ayant donné lieu à la décision S.E.M.A c/ France et les constatations et recommandations s’inscrivent dans la droite ligne de cette décision. Le Comité apporte des précisions quant aux garanties à mettre en œuvre pour assurer la conformité de la procédure française de détermination d’âge à la Convention internationale des droits de l’enfant :

  • Reconnaissance du rôle de l’avocat.e aux côtés du mineur lors de l’évaluation ;
  • Reconnaissance expresse de la présomption de minorité (principe découlant déjà des exigences précédemment dégagées par le Comité – mais ici affirmée de façon d’autant plus explicite) ;
  • Simplification des procédures, qui doivent avoir un caractère suspensif et garantir la prise de décision finale dans un délai raisonnable.

Eléments de droit interne

Il résulte de l’article L. 221-2-4 du code de l’action sociale et des familles et de l’article 2 de l’arrêté du 20 novembre 2019 que l’évaluation de minorité et d’isolement repose sur un faisceau d’indices constitué des éléments suivants :

  • Les données issues des consultations des fichiers
  • Les éléments communiqués par le préfet quand il a été sollicité pour l’examen de l’authenticité des documents d’état civil
  • L’évaluation sociale
  • Les examens d’âge osseux lorsqu’ils ont été ordonnés.

Il convient d’ajouter – et c’est primordial – que si la personne présente un acte d’état civil dont l’authenticité n’est pas remise en cause, il n’est pas nécessaire de rechercher les autres éléments. L’acte d’état civil authentique est l’élément essentiel permettant de prouver la minorité de la personne.

L’acte d’état civil présenté par la personne bénéficie de la présomption d’authenticité prévue à l’article 47 du code civil. Il s’agit d’une présomption simple, qui peut être renversée par d’autres éléments démontrant que l’acte est irrégulier, falsifié, ou que ces mentions ne correspondent pas à la réalité.

Article 47 du code civil : « Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.  »

L’on peut utilement se référer à l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 6 juillet 2022 (n° 22-12506) :

" Vu l’article 47 du code civil :

3. Aux termes de ce texte, tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française.
4. Pour refuser le bénéfice de l’assistance éducative à M. [B], l’arrêt retient que celui-ci indique que l’extrait d’acte de naissance qu’il produit lui aurait été transmis par sa mère, alors qu’il avait fait état, lors de son évaluation sociale, du décès de celle-ci, et que ces contradictions sur un élément essentiel de sa vie rendent douteuses les conditions dans lesquelles l’acte a été obtenu, ce qui suffit à retirer à celui-ci toute force probante.
5. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que les faits déclarés à l’acte ne correspondaient pas à la réalité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé."

L’on peut également se référer à l’arrêt de la première chambre civile de la Cour de Cassation du 21 novembre 2019 (n°19-17726, Publié) :

« 4. Aux termes des alinéas 1 et 2 de l’article 388 du code civil, dans leur rédaction issue de la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis. Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé.
5. La cour d’appel a relevé qu’A... X... produisait un passeport de la République de Côte d’Ivoire délivré le 15 octobre 2018, qui faisait état d’une date de naissance du [...] et qui lui avait été délivré par les autorités de son pays, sur le fondement des éléments produits.
6. Ayant, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des pièces soumises à son examen, estimé que ce document avait les apparences de l’authenticité, elle en a exactement déduit, répondant aux conclusions prétendument délaissées et hors toute dénaturation, que ce document d’identité valable suffisait à établir la minorité de l’intéressé, sans être tenue de s’expliquer sur les autres éléments de preuve produits par le département, dont le rapport d’évaluation sociale du 24 mai 2018.
 »

Les différents éléments du faisceau d’indices sont détaillés dans les articles suivants :

La consultation des fichiers
Les entretiens d’évaluation
Les examens d’âge osseux
Les actes d’état civil

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