Les entretiens d’évaluation

Références de texte

Article L. 221-2-4 du code de l’action sociale et des familles (ci-après CASF) :

« II.-En vue d’évaluer la situation de la personne mentionnée au I et après lui avoir permis de bénéficier d’un temps de répit, le président du conseil départemental procède aux investigations nécessaires au regard notamment des déclarations de cette personne sur son identité, son âge, sa famille d’origine, sa nationalité et son état d’isolement.
L’évaluation est réalisée par les services du département. Dans le cas où le président du conseil départemental délègue la mission d’évaluation à un organisme public ou à une association, les services du département assurent un contrôle régulier des conditions d’évaluation par la structure délégataire. (…)
Il statue sur la minorité et la situation d’isolement de la personne, en s’appuyant sur les entretiens réalisés avec celle-ci, sur les informations transmises par le représentant de l’Etat dans le département ainsi que sur tout autre élément susceptible de l’éclairer.
 »

Article R. 221-11 du CASF :

« IV.-L’évaluation de la minorité et de l’isolement est organisée selon les modalités précisées dans un référentiel national fixé par arrêté des ministres de la justice et de l’intérieur ainsi que des ministres chargés de l’enfance, des collectivités territoriales et de l’outre-mer.
Les entretiens sont conduits par des professionnels justifiant d’une formation ou d’une expérience définie par arrêté des ministres mentionnés à l’alinéa précédent dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire. Ces entretiens se déroulent dans une langue comprise par la personne accueillie.
 »

L’article R. 221-11 du CASF a été modifié par un décret du 22 décembre 2023, prévoyant notamment la fixation d’un référentiel national fixé par arrêté. A ce jour, ce référentiel n’a pas été publié (Nous vous invitons à consulter la rubrique « actualités législatives et réglementaires » pour vérifier la fraîcheur de cette information.).

C’est donc toujours l’arrêté du 20 novembre 2019 pris en application de l’article R. 221-11 du code de l’action sociale et des familles relatif aux modalités de l’évaluation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille qui s’applique.

Cet arrêté fixe les modalités de l’évaluation de minorité et d’isolement et les conditions de formation et d’expérience requises des professionnels intervenant dans l’évaluation.

Procédure

Les éléments ci-après sont tirés des articles 4 et 9 de l’arrêté.

L’évaluation sociale est faite par les services du département ou tout autre organisme auquel cette mission a été déléguée.

L’arrêté indique que cette démarche soit être empreinte de neutralité et de bienveillance.

L’évaluation sociale doit se dérouler dans une langue comprise par l’intéressé, au besoin par le truchement d’un interprète.

La personne doit être informée des objectifs et des enjeux de l’évaluation, ainsi que du fait qu’elle pourra être prise en charge par le service de l’ASE d’un autre département si elle est reconnue mineure.

Il est procédé à un ou plusieurs entretiens espacés d’au moins 24 heures.

A l’issue des entretiens, le ou les évaluateurs rédigent un rapport et rendent un avis motivé sur la minorité et l’isolement de la personne. Ce(s) document(s) sont transmis au président du conseil départemental.

La personne peut demander la communication du rapport d’évaluation sociale et de l’avis motivé. Un modèle est disponible ici.

Caractère pluridisciplinaire de l’évaluation (articles 4 à 6 de l’arrêté du 20 novembre 2019)

L’évaluation a un caractère pluridisciplinaire.

Les évaluateurs doivent avoir une qualification ou une expérience leur permettant d’assurer leur mission dans l’intérêt supérieure de l’enfant.

Ils doivent avoir bénéficié d’une formation à l’évaluation sociale d’une durée minimale de 21 heures qui porte sur différents thèmes.

Les évaluateurs peuvent demander le concours de professionnels d’autres spécialités.

Deux types de modalités d’évaluation peuvent être mises en place pour garantir la pluridisciplinarité  :

  • Les entretiens sont menés par deux évaluateurs ayant des qualifications ou expériences différentes ;
  • Ou le rapport d’évaluation sociale est relu par une équipe pluridisciplinaire avant validation par le responsable d’équipe.

Eléments de l’évaluation

Ils sont prévus par les articles 7 et 8 de l’arrêté.

L’article 8 liste 6 points d’entretien sur lesquels l’évaluation sociale doit porter a minima : l’état civil, la composition familiale, les conditions de vie dans le pays d’origine, les motifs du départ et le parcours migratoire, les conditions de vie en France, le projet de la personne. L’article 8 détaille les éléments recueillis pour chacun de ces items.

L’article 7 prévoit que d’autres éléments sont pris en compte par les évaluateurs : notamment l’apparence physique de la personne, son comportement, son autonomie et sa compréhension des questions. Les évaluateurs doivent également être alertés par des signes d’exploitation ou d’emprise. Les éléments recueillis lors de la mise à l’abri sont également pris en compte.

Il est utile de citer ce qu’indique le Défenseur des droits dans son rapport dans son rapport Les mineurs non accompagnés au regard du droit (2022) : « il convient d’être particulièrement prudent quant aux considérations touchant à l’apparence physique de la personne comme à sa prétendue autonomie.  »

Eléments de jurisprudence :

S’agissant du contenu et des modalités d’évaluation, on peut utilement se reporter aux décisions suivantes, qui ont écarté ou relativisé la valeur probante de l’évaluation sociale, en l’absence du respect des garanties prévues à l’arrêté du 20 novembre 2019 :

  • Cour d’appel de Rouen, 24 août 2021 : la Cour écarte le rapport pour irrégularité en l’absence d’élément lui permettant de s’assurer du respect de l’article 5 de l’arrêté du 20 novembre 2019 (article relatif à la qualification, l’expérience et la formation des évaluateurs).
  • Cour d’appel de Rennes, 6 mars 2023 : L’évaluation ne renverse pas la présomption d’authenticité des actes étrangers, « tant les appréciations sont subjectives et recueillies rapidement alors que le jeune arrivant a vécu un parcours migratoire traumatisant occasionnant des pertes de mémoire inévitables et des imprécisions ou incohérences de récit dans les entretiens. »
  • Cour d’appel de Besançon, 14 juin 2023 : Les quelques incohérences relevées dans le rapport d’évaluation sont d’autant moins probantes que le caractère pluridisciplinaire de l’évaluation n’a pas été démontré.
  • Cour d’appel de Besançon, 18 octobre 2023 : L’absence de justification du caractère pluridisciplinaire, de la formation ou expérience adéquate des évaluateurs et le contenu laconique des évaluations sociales amoindrissent leur caractère probant.

Sur la question de l’entretien social d’évaluation, l’on peut également se référer au rapport du Défenseur des droits « Les mineurs non accompagnés au regard du droit », 2022, particulièrement aux pages 49 à 51

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